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"Les fumeurs sont plus susceptibles de subir un accident cardiovasculaire aigu à un plus jeune âge que les non-fumeurs ", précisent les auteurs du rapport invitant " tous les fumeurs à arrêter de fumer et à éviter une crise cardiaque ". Selon le rapport, peu importe qu'il s'agisse de quelques cigarettes par jour, de tabagisme occasionnel ou d'exposition à la fumée secondaire, le tabac augmente le risque de maladies cardiaques. Toutefois, si les fumeurs prennent des mesures immédiates et cessent de fumer, leur risque de maladie cardiaque diminue de 50% après un an d'abstinence. " Compte tenu des preuves sur le tabac et la santé cardiovasculaire et des avantages pour la santé de l'arrêt du tabac, ne pas offrir de services de sevrage aux patients souffrant de maladies cardiaques pourrait être considéré comme une faute professionnelle ou une négligence clinique ", déclare le Dr Eduardo Bianco, président du groupe d'experts sur le tabac de la Fédération mondiale du coeur. " Les sociétés de cardiologie devraient former leurs membres au sevrage tabagique, ainsi que promouvoir et même piloter les efforts de sensibilisation à la lutte antitabac. " Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'usage du tabac fait environ huit millions de victimes par an. Pour le pneumologue Jean-Paul Van Vooren, médecin-directeur de l'hôpital universitaire Erasme (ULB) et président du Fonds pour les maladies respiratoires (Fares), cet appel de l'OMS " vient à point nommé pour rappeler le vrai impact du tabac sur les maladies cardiovasculaires et le coût humain que cela implique. On parle beaucoup du contrôle du cholestérol, on fait des campagnes sur la réduction du LDL, on surveille les obèses et les patients atteints d'hypertension non contrôlée, mais on oublie que la consommation de tabac impacte deux fois davantage les patients au niveau cardiovasculaire. Je ne suis pas sûr que tous les médecins y soient suffisamment attentifs. Or, l'arrêt tabagique offre deux fois plus de bienfaits en prévention secondaire ". Pour le spécialiste, il faudrait donc bien davantage insister sur le rôle des tabacologues et les doter de moyens pour offrir une aide individuelle et sur le long terme à tous ceux qui désirent arrêter de fumer. Et ils sont beaucoup : l' " Enquête de santé 2018 " de Sciensano a établi que 74 % des fumeurs en Belgique voulaient arrêter de fumer. " Pour beaucoup de gens, le tabagisme signifie le risque de cancer du poumon. Mais ils oublient que la nicotine augmente le rythme cardiaque de manière durable, que le tabac fumé libère des radicaux libres, qu'il libère des toxiques, y compris des métaux lourds, directement sur la membrane endothéliale. Il y a aussi des agents alkylants, qui affectent directement le système hémodynamique. On investit des dizaines de millions pour donner des statines en prévention secondaire et même primaire, mais il vaut mieux arrêter de fumer. Mais pour cela, il faut accompagner le patient, lui fournir des patchs sans exiger de prescription et aller au-delà de huit séances de tabacologue, ce qui est insuffisant pour le suivi à long terme qui engrange de vrais résultats. "Mais les patches contiennent également de la nicotine ? " Bien entendu, et l'on a toujours réticence à prescrire un produit qui n'est pas dépourvu de tout défaut pour la santé. Mais c'est le cas de presque tous les médicaments. On est dans une stratégie de la réduction des risques, comme on donne de la méthadone à la place de l'héroïne injectée dans la rue. Et la Belgique a enregistré des succès dans certains programmes de substitution. Il faut, de même, faire tomber des tabous en matière de tabagisme. "Le rapport de l'OMS démontre également que le tabac sans fumée est responsable d'environ 200.000 décès par an dus à des maladies coronariennes, et que la cigarette électronique, qui augmente la pression artérielle, accroît le risque de maladie cardiovasculaire. De plus, l'hypertension artérielle et les maladies cardiaques augmentent le risque de Covid-19 aigu. Une récente enquête de l'OMS a révélé que parmi les personnes qui sont mortes de Covid en Italie, 67% souffraient d'hypertension et en Espagne, 43% des personnes qui ont développé la Covid-19 vivent avec une maladie cardiaque. " Les gouvernements ont la responsabilité de protéger la santé de leur population et de contribuer à faire reculer l'épidémie de tabagisme. Faire en sorte que nos communautés soient sans tabac réduit le nombre d'admissions à l'hôpital liées au tabac, ce qui est plus important que jamais dans le contexte de la pandémie actuelle ", a déclaré le chef de l'Unité antitabac de l'OMS, le docteur Dr Vinayak Prasad. L'OMS affirme que les gouvernements peuvent aider les consommateurs de tabac à arrêter de fumer en augmentant les taxes sur les produits du tabac, en faisant respecter les interdictions de publicité pour le tabac et en offrant des services pour aider les gens à renoncer au tabac. Et la cigarette électronique, elle, n'est-elle pas un moyen de sevrage sûr, apte à délivrer de la nicotine sans les poisons apportés par la combustion ? " Elle peut l'être, mais à de strictes conditions ", objecte le professeur Jean-Paul Van Vooren. " D'abord, il faut que ce soit un dispositif médical, dans lequel on sait quel produit est utilisé, quelle est la teneur en nicotine, quels sont les ingrédients et les additifs. Les nombreux accidents, y compris mortels, connus dans le monde sont majoritairement dus à des mélanges sauvages, où la teneur en nicotine peut être dix fois plus élevée que la teneur maximum acceptable, où des ingrédients cannabinoïdes peuvent apporter une huile qui, vaporisée, attaque les parois des poumons. Il faut aussi mettre en garde ceux qui diminuent leur consommation de cigarettes traditionnelles, mais vapotent toute la journée par ailleurs, ce qui augmente leur dépendance à la nicotine. La cigarette électronique doit être un moyen de diminuer cette accoutumance jusqu'à l'arrêt complet, qui est le vrai objectif. Mais cela doit être avec l'aide et surveillance stricte d'un professionnel de la cessation tabagique. Et la cigarette électronique doit être interdite aux personnes qui ne consomment pas encore de nicotine. Il faut bien se rendre compte que ce n'est pas un mystère que la raison pour laquelle les cigarettiers se sont lancés dans la fabrication et la distribution de tels dispositifs : c'est parce que cela leur permet de contourner les lois antitabac de la plupart des pays pour finalement ramener le consommateur au produit de base : la cigarette traditionnelle, si aisée à se procurer. La Belgique reste la championne des points de vente par habitant en Europe occidentale ".Comme le souligne la Fondation contre le Cancer, la Belgique n'investit en effet pas suffisamment dans la prévention. Selon les chiffres de la Commission européenne, Cette situation entraînait jusqu'il y a peu 14.000 décès par an liés à des maladies liées au tabagisme.