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Pandémie aidant, les artistes, orphelins du monde et des autres, se sont consacrés à eux-mêmes - ce qui étaient déjà le cas auparavant pour les plus narcissiques, ce que bien entendu ils ne sont jamais... L'exposition du Hangar, situé place du Châtelain à Ixelles, propose un panorama de 23 artistes, dont huit ont moins de 30 ans, de toute origine, ethnie ou sexe. Certains se mettent en scène dans des couleurs très vives, comme Sanja Marusic qui se représente notamment dans une sorte d'hommage "pictural" à Frida Kahlo. Tomasz Machcinski use de sa tête de gargouille à la Denis Lavant pour endosser toute une série de personnages masculins ou féminins. À ses côtés, un panneau réunit des "portraits auto" de photographes et artistes célèbres comme Man Ray, Jacques Henri Lartigue, Harry Gruyaert ou l'espiègle Martin Parr, lequel se représente à trois reprises, dont l'une dans la gueule d'une photo de requin à Benidorm: ironique et kitchissime. Le Sénégalais Omar Victor Diop se portraitise entouré d'espèces animales menacées par le changement climatique dans ce qui ressemble à de grandes chromos. Laura Hospes s'exhibe en vidéo et photographies, nue, dans une allégorie de l'éphémérité du corps. Avec "Sebaldiana", la Finlandaise Eline Brotherus se photographie au coeur des paysages corses évoqués par W.G. Sebald dans son ouvrage inachevé consacré à l'île de Beauté: la forêt d'Aïtone ou le massif de la Bavella notamment. Un auteur décédé le même jour que la mère de l'artiste, d'où le sous-titre de l'oeuvre "Memento Mori". Tout autre approche, celle de la Canadienne Kourtney Roy qui, dans des photos irisées aux couleurs fortes et contrastées, se représente en touriste glamour, évoquant immanquablement le film "Triangle of Sadness" de Ruben Östlund. Dans "Possession", Mari Katayama, amputée des deux jambes à cause d'une maladie infantile, se représente 'jambée', belle, galbée, parfois même 'pluri-jambiste' tel un poulpe géant. Dans ce panorama forcément inégal, la question de l'identité est donc récurrente, notamment avec Louka Perderizet, née fille et aspirant à devenir garçon, et qui le clame au travers de ses photographies. Paola Paredes met en scène la contrainte à laquel sont soumis les homosexuels de tout sexe en Équateur, lesquels subissent une cure dans des institutions spécialisées afin de les remettre dans le droit chemin (d'autres pays bien plus 'évolués' ont connu cela, il n'y a pas si longtemps). L'Afro-Américaine C. Rose Smith, quant à elle, s'exhibe dans cette chemise blanche qui définira ses ancêtres du temps de l'esclavage et bien après, et dont la symbolique était non seulement raciale, sociale mais définissait également le genre. De genres, dans ce panorama photographique foisonnant, il y en a autant qu'il n'y a d'artistes.