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Le journal du Médecin: Faites-vous partie des professionnels qui ont été consultés pour la rédaction de ce rapport? Si oui, estimez-vous avoir été écouté? Dr Clotilde Lamy: Non. Je devais participer à la réunion de finalisation du rapport en tant que représentant du CRGOLFB. Je n'ai malheureusement pas pu y assister étant en RDC à la date choisie par le KCE. J'avais demandé de lire le pré-rapport en prévision d'une connexion à distance mais cela m'a été refusé. Pr Pierre Bernard: Oui, des représentants du CRGOLFB ont participé en tant qu'experts à l'élaboration de ce rapport et à l'approche Delphi, mais pas à sa rédaction. Ils estiment avoir été écoutés. Le KCE propose une liste de 188 situations cliniques ou psychosociales considérées comme "potentiellement à risque" qui nécessitent l'accompagnement si possible du médecin spécialiste. "Il n'a toutefois pas été possible d'atteindre un consensus pour l'ensemble de ces situations", reconnaît le KCE qui s'est donc retranché sur une "base de travail pour le développement d'un outil de référencement local pour le suivi des grossesses en première ligne". Est-ce la preuve que la liste est trop rigide et/ou exhaustive? C.L.: 90 pages pour le rapport, 30 pour la synthèse et 39 pour la base de travail, il n'y a que les motivés qui les liront. La liste n'est ni trop rigide ni trop exhaustive mais aurait pu être présentée par système pour plus de clarté. Dommage, le sujet mérite un support plus lisible. P.B.: Cette liste a le mérite d'exister, ce qui n'était pas le cas auparavant. Même si elle n'est effectivement pas très lisible, elle reste utile pour établir un cadre de fonctionnement. La plupart des items mettent sur papier beaucoup d'évidences qui sont toujours à adapter au cas par cas. Le lien entre les recommandations du KCE (en général) et la pratique du terrain est régulièrement perturbé par la réalité de ce terrain mais aussi par certaines guidelines scientifiques qui ne sont pas nécessairement EBM. La liste n'est donc ni trop rigide ni trop exhaustive. Ne doit-on pas accepter que, contrairement à la France, les sages-femmes ne fassent pas et ne feront pas autant partie du paysage gynécologique en Belgique? En tant que gynécologue, souhaitez-vous que cette profession occupe plus de terrain? C.L.: Les sages-femmes font partie du paysage, en tout cas sur Bruxelles. Oui, il faut continuer à développer du suivi 1ère ligne "bas risque" par les sages-femmes. Oui, il faut augmenter les collaborations basées sur la confiance et le respect des compétences mutuelles. P.B.: Les sages-femmes sont très complémentaires des gynéco-obstétriciens d'où l'intérêt de l'élaboration d'un cadre de fonctionnement multidisciplinaire. Pour ce faire, il faut tenir compte de plusieurs paramètres additionnels: 1) La formation des sages-femmes belges n'a pas le niveau des françaises. Il y a donc une différence d'autonomie et de compétence que la formation et la formation continue doivent régler. 2) Le cadastre des sages-femmes et des gynécologues-obstétriciens est différent d'un pays et d'une région à l'autre. 3) Le suivi de la grossesse est une chose, la gestion de l'accouchement en est une autre. Le challenge en Belgique (et ailleurs) est d'assurer une compétence et une expertise suffisante 24h/7 j avec les sages-femmes et les gynécologues-obsétriciens disposés à s'investir dans les salles d'accouchement. Les obstétriciens compétents et disponibles ne sont pas aussi nombreux qu'on pourrait le croire. Les sages-femmes ont donc bien leur place pour assurer l'aspect physiologique de la surveillance de la grossesse et de l'accouchement. Quelle est en quelques lignes votre vision des rapports entre gynécologue et d'une part sages-femmes et d'autre part les généralistes? C.L.: Personnellement, je travaille depuis toujours "à la française", c'est-à-dire "bas risque" chez les sages-femmes, "haut risque" chez les gynécologues et un "entre deux" suivi en alternance. Nos professions sont complémentaires. À noter, les sages-femmes sont aussi formées à la préparation à la naissance, il n'est donc pas rare d'avoir une patiente "haut risque" qui suivra en parallèle une sage-femme pour sa prépa. Les généralistes me semblent avoir lâché le suivi des grossesses, sur Bruxelles. Ils sont déjà totalement débordés. Exceptés quelques-uns qui travaillent en planning familial avec lesquels nous collaborons... Quoi qu'il advienne, la femme doit garder le libre choix du type de suivi et du praticien qu'elle souhaite pour l'accompagner pendant sa grossesse et son accouchement en fonction de ses besoins. P.B.: Depuis la réforme des études de médecine en six ans, le médecin de base n'a plus la formation obstétricale élémentaire qui lui permet de suivre en toute compétence une grossesse. Le médecin généraliste ne reçoit pas non plus, a priori, cette formation lors de ses trois ans de spécialisation. Il reste cependant un partenaire indispensable pour le suivi et le traitement des affections relevant de ses compétences et qui n'épargnent pas les femmes enceintes. Ma vision de la collaboration entre gynécologue-obstétricien et sage-femme est une collaboration structurée en équipe où chacun prend sa place selon ses compétences dans l'esprit du référencement pour le suivi des grossesses et dans un parcours de soins qui amène les patientes enceintes vers la maternité qui travaille en continuité et en multidisciplinarité avec l'équipe sage-femme/gynécologue-obstétricien du suivi prénatal. Les mêmes pouvant évidemment assurer le suivi prénatal, l'accouchement et le post-partum. Ce système permet également une gestion de l'accouchement physiologique exclusivement par les sages-femmes dans une maternité où l'éventuel recours à une aide médicale urgente (gynécologue-obstétricien, anesthésiste-réanimateur, pédiatre-néonatologue) ne souffre aucun délai.