...

Je m'interroge, car ces recommandations nous mettent, nous les médecins généralistes, clairement en danger. Depuis le début de la crise, ces recommandations nous disent que " le virus se transmet par gouttelettes sur +/- 1,5 m et ne reste pas en suspension dans l'air " et qu'en tant que médecins généralistes, nous devons " porter un masque chirurgical " pour examiner un patient présentant des symptômes suspects de COVID-19. C'est ce que l'on peut toujours lire, de façon inchangée, dans les dernières recommandations du 1er avril 2020. Ces recommandations ne tiennent compte ni du fait que la transmission de ce virus se produit aussi via des patients sans symptôme, ni du fait que ce virus se transmet aussi en restant en suspension dans l'air expiré par les gens. Pour ceux qui en douteraient encore, la transmission aérosol du COVID-19, c'est-à-dire par microgouttelettes qui restent en suspension dans l'air expiré et qui sont produites par la simple respiration ou le fait de parler, et donc en dehors de tout acte médical générant des aérosols, est une évidence. Cette phrase de Sciensano " le virus ne reste pas en suspension dans l'air " est donc lourde de conséquences, et ce depuis le début de la crise. En effet, il en découle qu'on recommande aux médecins généralistes de porter un masque chirurgical qui est, tout le monde le sait, très peu efficace pour les protéger contre la transmission aérosol. Seul un masque FFP2 est une protection vraiment efficace contre ce mode de transmission. Pourtant, les experts qui conseillent le gouvernement reconnaissent clairement l'existence de cette transmission aérosol depuis plus d'un mois, même si selon eux, et de façon erronée, " cette transmission n'est pas un élément moteur de la transmission ". Pourquoi alors maintenir dans ces recommandations adressées aux médecins généralistes que le virus ne reste pas en suspension dans l'air ? C'est par exemple le cas de la prestigieuse revue Nature Medicine qui vient de publier un article d'experts qui démontrent qu'il ne fait aucun doute que le virus se propage dans l'air expiré ( Respiratory Virus Shedding in Exhaled Breath and Efficacy of Face Masks, Nancy H. L et al.). Même chose pour l'article de Sima Asadi et al. (The Coronavirus Pandemic and Aerosols : Does COVID-19 Transmit via Expiratory Particles ? ) dans le journal Aerosol Science and Technology : la transmission du Covid-19 par voie aérosol et par des patients asymptomatiques sont à prendre en considération et sont loin d'être négligeables en termes de propagation du virus. Il serait donc temps de rectifier ces recommandations belges, non ? Aux USA, les centres de contrôle et de prévention des maladies (CDC) reconnaissent formellement cette transmission aérosol du Covid-19 rien qu'en parlant, raison pour laquelle ils recommandent le port d'un masque, même en tissu, pour la population générale. Le Dr Anthony Fauci, directeur de l'Institut national des maladies infectieuses et conseiller à la Maison Blanche, ainsi que les académies américaines des sciences déclarent que les données scientifiques indiquent que le Covid-19 se transmet aussi par voie aérosol et peut se transmettre quand les gens ne font que parler. Il n'est donc pas question ici de " certains gestes médicaux aérosolisants " en particuliers et uniquement, comme le soutiennent certains depuis plusieurs semaines. Le 3 avril, le Dr Michael Ryan de l'OMS reconnaît également la transmission aérosol du Covid-19, ainsi que la transmission par des patients ne présentant pas de symptôme, raisons pour lesquelles l'OMS encourage les gouvernements à recommander le port d'un masque en tissu pour la population générale, et de réserver les masques médicaux pour les soignants (vidéo à voir sur YouTube : WHO's Ryan Says Using Homemade Face Masks Isn't a Bad Idea : https://www.youtube.com/watch ? v=2d8x1njGbFE&t=7s). Faut-il rappeler que toutes ces évidences de transmission du Covid-19 par voie aérosol et par patients asymptomatiques sont étayées et criées depuis le mois de février déjà, afin de prévenir et d'anticiper le renforcement des stocks de masques adéquats, par des scientifiques indépendants, comme le docteur en Sciences Marc Wathelet qui est expert en coronavirus ? Le reconnaître en dérangerait certainement plus d'un... mais il va bien falloir le faire à un moment ou à un autre. L'institut Sciensano se considérerait-il supérieur à toutes ces évidences pour continuer d'affirmer en gras dans ses recommandations le contraire aux médecins généralistes ? Et ce n'est pas parce qu'il y a pénurie de matériel de protection qu'il faut maintenir dans ces recommandations une telle phrase qui met la santé et la vie des médecins généralistes en danger. Alors, qu'elle soit corrigée sans plus attendre !