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Les vaccination des voyageurs, voilà un sujet qui n'a plus préoccupé grand monde ces derniers mois passés confinés, mais il réapparaît à la faveur de la reprise des transports en avion. " Avant l'arrivée du coronavirus, les statistiques des voyages étaient en augmentation dans le monde. Cela a fort changé, ce n'est pas une raison pour négliger les vaccins du voyageur", souligne le Dr Yves Van Laethem (CHU St-Pierre). " Aujourd'hui, on compte encore 50-80 cas liés au virus sauvage de la polio dans une zone limitée au Pakistan et à l'Afghanistan. Ailleurs, il y a malheureusement une accentuation extrêmement importante d'autres formes de la maladie liées à des virus polio dérivés d'une souche vaccinale: le type 1 (Yémen, Madagascar), mais surtout le type 2 qui, ces derniers temps, se retrouve dans la zone Afghanistan-Pakistan mais aussi dans une grande partie de l'Afrique occidentale et de l'Est. Pourquoi cette résurgence? Parce que la vaccination de base était insuffisante et parce que des virus vaccinaux se sont répandus dans la population donnant pratiquement la même pathologie que le poliovirus sauvage ." Quel impact en Belgique? " Aucun Belge n'est revenu de l'étranger avec la polio depuis plus de 50 ans. Par ailleurs, pratiquement plus personne n'a un rappel contre la polio. Or, nous vivons plus vieux et nous voyageons mais nous ne gardons pas forcément toute notre immunité. Dès lors, il n'est pas aberrant lorsqu'on voyage dans des zones où il y a de la polio et entre autres, des virus de type vaccinal, de faire un rappel", met-il en garde en précisant qu'il le conseille pour pratiquement toute l'Afrique subsaharienne. Chaque année, un certain nombre de touristes décèdent de rage dans le monde. " C'est rare mais ça existe. 95% de la transmission à l'homme est due à un chien. Il faut donc songer à une vaccination contre la rage pour des voyageurs qui partent de manière plus aventureuse, longtemps et dans des endroits où ils ne pourront pas bénéficier rapidement d'une vaccination postmorsure", précise Yves Van Laethem. Depuis 2018, l'OMS recommande officiellement un schéma vaccinal en deux doses à une semaine d'intervalle. " Pas de rappel, sauf en cas de morsure pour relancer l'immunité humorale. Ce vaccin n'est pas toujours facile à obtenir en médecine générale, il est disponible dans les centres de vaccination et la Belgique est un des rares pays à le rembourser en partie". " Il y en a essentiellement en Afrique sub-saharienne, dans le sous-continent indien et de manière diffuse dans différents continents. Avant, on estimait qu'il avait à peu près un cas d'hépatite A tous les 300 voyageurs passant un mois sur place, à présent, c'est un tous les 3 à 5.000 voyageurs/mois, parce que les conditions d'hygiène se sont nettement améliorées dans beaucoup d'endroits." " On voit encore des gens vaccinés à répétition contre l'HA. Il est important de dire que l'immunité conférée par une seule dose de vaccin est excellente, qu'elle est pratiquement totale endéans les 10-15 jours. La deuxième dose peut parfaitement se faire lors d'un autre voyage, on peut attendre beaucoup plus que les six mois-un an indiqués sur la notice. Des modèles montrent qu'on a probablement une protection de plus de 90% à 30 ans. Il ne faut donc jamais recommencer le schéma vaccinal, sauf chez les immunidéficients", avance l'infectiologue. D'où la question de savoir s'il faut vraiment deux injections. " Il serait un peu audacieux de dire qu'il ne faut qu'une dose mais, pour une partie significative de la population, il n'est pas impossible qu'une seule injection soit suffisante. Le fait d'être boosté par la présence du virus sauvage sur base d'une immunité cellulaire présente grâce à une première vaccination est suffisant normalement pour l'immense majorité des gens. Donc, une dose unique, peut-être, dans certaines circonstances...", nuance-t-il. " C'est une maladie pour laquelle on vaccine trop souvent des gens qui n'en n'ont pas vraiment besoin. Actuellement, cette pathologie reste limitée à des voyageurs très spécifiques, qui vont vivre avec les habitants, spécialement dans le sous-continent indien et éventuellement en Asie du Sud-Est." Ailleurs, la pathologie est diffusément présente mais à un niveau beaucoup plus bas qu'auparavant: " Avant l'an 2000, il y avait pas mal de fièvre typhoïde en Afrique du Nord. Chaque année au mois d'août, se souvient-il, je voyais revenir une dizaine de fièvres typhoïdes de Marocains et Tunisiens qui étaient retournés au pays. Cela ne se voit plus, les conditions d'hygiène locale se sont fortement améliorées et de facto le touriste bénéficie de la même protection." " Le grand défaut de ce vaccin c'est qu'il ne protège pas entièrement (60-70%) et seulement pendant trois ans. Actuellement, il existe un vaccin conjugué, efficace au moins pendant cinq ans, il est réservé aux pays en voie de développement. On peut espérer disposer dans le futur d'un vaccin contre la fièvre typhoïde plus efficace pour les voyageurs." Présente en Afrique sub-saharienne et en Amérique du Sud (où elle est en extension), la fièvre jaune nécessitait auparavant d'être vacciné tous les dix ans. Depuis 2016, l'OMS a modifié sa recommandation et la vaccination est désormais valable à vie, tant pour les vaccins faits avant qu'après 2016. " Dans nos régions, pour éviter que certains ne fassent malgré tout la maladie 25 ans après un premier vaccin, on recommande une deuxième vaccination, n'importe quand, au minimum un mois après la première dose. C'est ce que la Belgique conseille. La plupart attendent dix ans et font la seconde dose lors d'un voyage qui justifie la vaccination et on considère que c'est bon pour la vie à ce moment-là", fait observer le Dr Van Laethem. " Pour toutes les personnes immunodéprimées, cette modification de l'OMS de 2016 n'est pas valable, on garde une vaccination qu'on répète tous les dix ans. C'est ce que nous faisons à Saint-Pierre chez les patients VIH, par exemple." C'est surtout l'Afrique subsaharienne qui subit le poids de la malaria, et accessoirement d'autres zones à risque (intertropicales). Il n'existe pas de vaccin contre la malaria pour les voyageurs qui doivent donc prendre une prophylaxie. La firme américaine Sanaria développe un vaccin à base de sporozoïtes, non réplicatif, cryopréservé.(2) " Il s'agirait du premier vaccin par IV (trois doses à un mois d'intervalle). Les études de phase 2 montrent une immunité prometteuse de l'ordre de plus de 80%, et ce, sur des dizaines de souches différentes de Plasmodium. Ils espèrent commercialiser un vaccin en 2023. C'est un rêve, c'est la première fois qu'on est aussi proche d'une vaccination hautement efficace contre une maladie qui pose des problèmes aux voyageurs (8.000 cas/an en Europe, quasi tous venant d'Afrique)." Qui dit dengue, dit aussi Chikungunya et Zika. " Pour l'instant, la dengue fait peu de dégâts chez nos touristes qui sont très centrés sur l'Afrique, beaucoup moins sur l'Amérique du Sud et l'Asie. 80% des formes sont asymptomatiques mais il existe un petit pourcentage de formes sévères, ce qui peut justifier (pour un coopérant, par exemple) d'être vacciné." " Il existe un vaccin, le Dengvaxia, qui n'est pas d'application pour le voyageur. Des vaccins sont en développement comme le DENVax de Takeda qui est utilisé en phase 3 chez des voyageurs américains de 18-60 ans (deux injections à trois mois d'intervalle) et qui donne des protections de l'ordre de 65-70% sur les formes graves. C'est peut-être le premier signe qu'un vaccin contre la dengue pour un voyageur adulte d'un pays où il n'y a pas d'épidémie est possible", se réjouit-il. " Les nouvelles plateformes vaccinales vont nous ouvrir d'immenses possibilités de développement de vaccins contre d'autres maladies pour lesquelles on n'a pas de vaccin, comme le Chikungunia, le Zika... On devrait donc avoir dans le futur beaucoup plus de nouveaux vaccins du voyageur", conclut le Dr Van Laethem.