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150 millions de femmes prennent la pilule contraceptive à travers le monde. Environ un tiers des adolescentes en Europe. C'est le médicament le plus prescrit aux adolescentes. Mais si la pilule a le pouvoir de modifier le cycle menstruel des femmes, il a également le pouvoir d'entrer dans leur cerveau, notamment dans la zone qui régule les émotions. C'est ce qu'ont démontré deux chercheuses québécoises, avec des résultats publiés dans Frontiers in Endocrinology[2]. "Des études ont déjà associé l'utilisation de contraceptifs oraux combinés (COC) à de moins bonnes performances de régulation émotionnelle et à un risque plus élevé de développer des psychopathologies", constatent Alexandra Brouillard et Marie-France Marin. "De plus, les femmes sont plus susceptibles que les hommes de souffrir de troubles liés à l'anxiété et au stress chronique. L'utilisation des COC étant très répandue, il importe de mieux comprendre leurs effets sur l'anatomie des régions du cerveau qui sous-tendent la régulation émotionnelle."Doctorante et professeure ont donc conduit une étude pour examiner les effets des COC sur l'anatomie des régions cérébrales impliquées dans les processus émotionnels. "Nous nous sommes intéressées aux effets liés à leur utilisation actuelle, mais aussi aux effets possiblement durables, à savoir si les COC pouvaient affecter l'anatomie du cerveau - même après avoir cessé leur utilisation."Quatre profils ont été recrutés: des femmes qui utilisent actuellement des COC, des femmes qui ont utilisé des COC dans le passé, des femmes qui n'ont jamais utilisé une quelconque méthode de contraception hormonale et des hommes. "À l'aide de l'imagerie cérébrale, nous avons trouvé que seules les femmes qui utilisent actuellement des COC présentaient un cortex préfrontal ventromédian légèrement plus mince que les hommes. Cette partie du cerveau est reconnue comme étant essentielle à la régulation des émotions comme la peur. La littérature scientifique montre que plus cette région est épaisse, meilleure est la régulation émotionnelle."Les chercheuses confirment ici que les COC pourraient altérer la régulation des émotions chez les femmes. Mais comment? Cela peut sembler surprenant, mais c'est à faible dose que l'on constate un effet cérébral. "Nous avons découvert que cela était associé à la dose d'éthinylestradiol. En effet, parmi les utilisatrices actuelles de COC, seules celles qui utilisaient un COC à faible dose (10-25 microgrammes), mais pas à dose plus élevée (30-35 microgrammes), étaient associées à un cortex préfrontal ventromédian plus mince." L'hypothèse avancée par les chercheuses: "les récepteurs estrogènes de cette région cérébrale pourraient être insuffisamment activés lorsque de faibles niveaux d'estrogène endogène sont combinés à un faible apport en estrogène exogène (éthinylestradiol). À l'inverse, des doses plus élevées d'éthinyl- estradiol pourraient aider à obtenir une liaison adéquate aux récepteurs à estrogènes dans le cortex préfrontal, simulant ainsi une activité modérée à élevée similaire à celle des femmes ayant un cycle menstruel naturel."Bonne nouvelle par contre: si l'utilisation de COC affecte potentiellement l'anatomie cérébrale, l'effet est réversible. Les femmes ayant utilisé des COC dans le passé ne présentaient effectivement pas d'amincissement comparativement aux hommes.