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Le journal du Médecin: La préménopause est-elle plus compliquée à supporter dans la vie actuelle qu'auparavant? Dre Lyne Desautels: Notre mode de vie fait que les symptômes liés à une transition hormonale sont très présents chez les femmes aujourd'hui. Une bonne gestion du stress et une alimentation saine permettent de les atténuer. Le stress amène aussi un débalancement hormonal: la préménopause, c'est tout simplement un déséquilibre hormonal accéléré par un mode de vie de stress chronique. Vous écrivez que la thérapie hormonale de substitution (THS) permet de réduire les risques d'ostéoporose et d'Alzheimer... L.D. : Les problèmes de santé ou les maladies qui s'installent avec l'âge, avec l'inflammation, peuvent être prévenus par une hormonothérapie bien dosée. L'équilibre hormonal est important parce que les hormones sexuelles ou les autres, fabriquées par les glandes surrénales, sont essentielles au métabolisme. Elles contribuent à la prévention des maladies cardiovasculaires, du diabète, de la neuroinflammation par la maladie d'Alzheimer, de la sclérose en plaques, de la santé mentale. On ne parle pas de dépression majeure, mais de troubles de l'humeur, de manque d'énergie, de douleurs chroniques, des symptômes qui peuvent amener un dysfonctionnement. Sur ce plan, les hormones ont un rôle à jouer. Isabelle Huot: Et l'alimentation également. Vous parlez du deuxième cerveau, l'intestin? I.H. : Oui, le microbiote intestinal. Il existe un lien fort entre l'intestin et le cerveau. On s'est rendu compte que les gens qui ont des problèmes de santé mentale, Alzheimer et Parkinson notamment, souffrent de dysbiose intestinale: leur flore intestinale est déséquilibrée. Agir sur le microbiote permet de réduire des symptômes dépressifs, d'anxiété. Pour ce qui est de l'ostéoporose, le lien existe avec l'alimentation, via le calcium et la vitamine D. Pour la maladie d'Alzheimer, qu'on appelle également diabète de type 3, on constate un mauvais métabolisme des glucides. On peut donc agir dessus pour réduire le risque de maladie d'Alzheimer ou de maladies inflammatoires. La dépression peut-elle découler de la ménopause? L.D. : Tout découle de la neuroinflammation. Les premières manifestations de troubles cognitifs peuvent être reliées à la maladie d'Alzheimer ou à d'autres sources de déclin cognitif. Quand on commence à perdre un peu la mémoire et ses repères, ça devient anxiogène. Cette anxiété, cet état légèrement dépressif, peut être le premier signe d'une maladie neurodégénérative. L'essentiel est de préserver l'équilibre entre la progestérone et les oestrogènes? L.D. : En préménopause, on observe un déclin des hormones. Celle qui baisse le plus rapidement, c'est la progestérone, fabriquée dans la deuxième partie du cycle menstruel. Cette inégalité dans la production des hormones peut causer les symptômes fréquents en préménopause, comme l'irritabilité, l'insomnie, des bouffées de chaleur et parfois même des règles abondantes, régulièrement liées à une souffrance mentale. Raison pour laquelle les femmes nous consultent majoritairement en préménopause. En 2002, la Women's Health Initiative (WHI) suggérait que la THS était dangereuse... L.D. : Elle est remise en cause depuis, même si cette étude était utile afin de faire ressortir les points négatifs. La situation a beaucoup évolué en 20 ans. Premièrement, les types d'hormones qu'on utilise, la façon dont on les utilise en optant pour une approche personnalisée, en observant les facteurs de risque individuels ou l'influence des habitudes de vie. On a réanalysé cette étude qui avançait juste de mauvaises conclusions. À savoir qu'il y a moins d'ostéoporose, moins de fractures, une diminution du cancer du côlon et du cancer du sein, si l'on prescrit seulement les oestrogènes. Cette nouvelle version a fait ressortir que certaines hormones peuvent être considérées à risque, en fonction de la manière dont on les utilise et de leur type. L'étude initiale portait également sur des sujets âgés... L.D. : L'effet préventif de l'hormothérapie ne s'y trouvait pas. Dans les cohortes de la nouvelle étude, on a séparé les femmes qui commençaient plus tôt avec des facteurs de santé à long terme. L'ensemble a donc été réanalysé et, toutes causes confondues, on n'a pas constaté plus de risque de mortalité dans le groupe THS en comparaison au placebo. Voilà la conclusion de l'étude de 2017. Il faut remettre les pendules à l'heure, ne pas diaboliser les hormones et voir que la science, la compréhension du rôle des hormones, a évolué. Et surtout, on a développé une approche qui tient compte de l'individu. Que faire si l'hormonothérapie est contre-indiquée? I.H. : Si une femme ne désire pas prendre d'hormones ou si c'est contre-indiqué, on peut agir sur l'alimentation. Même si ce n'est pas aussi efficace que l'hormonothérapie sur les bouffées de chaleur ou l'insomnie, l'alimentation allège de façon significative les symptômes en lien avec elle. L.D. : C'est une approche préventive, une manière de moduler les hormones en avançant en âge. Au lieu de prendre en charge les patientes, on leur demande de prendre leur santé en main. Nous sommes des guides. En partenariat avec les patientes qui apprennent à s'autogérer en matière de santé d'un point de vue hormonal. La ménopause entraîne plus de démence chez la femme... L.D. : Dans "The XX brain", Linda Mosconi démontre le rôle des oestrogènes au niveau cérébral, et notamment le temps d'exposition qui protège du déclin cognitif. L'hormonothérapie est donc bénéfique de ce point de vue. Le fait d'avoir eu des enfants augmente la matière grise de 2% à chaque grossesse. Les années de menstruations résultent en 1% de gain en matière grise. Il faut par conséquent se poser la question des conséquences à long terme de la contraception sur le cerveau. On a aussi démontré que les oestrogènes étaient neuroprotecteurs dans la sclérose en plaques. Mais trop d'oestrogènes peuvent provoquer des réactions inflammatoires. C'est toujours une question d'équilibre, comme pour le cortisol: l'excès induit des réactions inflammatoires, sa carence entraîne le syndrome de fatigue et de douleurs chroniques.