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L'épidémie de Covid-19 a contraint la plupart des pays à imposer des restrictions limitant les contacts sur les lieux de travail. Pourtant, l'efficacité de ces interventions sans précédent pour contenir la propagation du virus reste largement non quantifiée. Les chercheurs ont développé une simulation pour analyser les épidémies de Covid-19 sur trois réseaux de contacts réels issus d'un lieu de travail, d'une école primaire et d'un lycée en France. "Notre étude fournit une analyse fine de l'impact des stratégies de limitation des contacts sur les lieux de travail, les écoles et les lycées, notamment les stratégies de rotation, dans lesquelles les travailleurs sont répartis de manière égale en deux équipes qui alternent quotidiennement ou hebdomadairement. Et des stratégies On-Off, où l'ensemble du groupe alterne des périodes d'interactions de travail normales avec un télétravail complet", écrivent les auteurs. "Nous modélisons les épidémies propagées en incluant les caractéristiques les plus saillantes du coronavirus: super-propagateurs, individus asymptomatiques infectieux et périodes infectieuses pré-symptomatiques. Notre étude donne des résultats clairs: le classement des stratégies, basé sur leur capacité à atténuer la propagation de l'épidémie dans le réseau à partir d'un premier cas index, est le même pour toutes les topologies de réseau (lieu de travail, école primaire et lycée). À savoir, du meilleur au pire: Rotation semaine par semaine, Rotation jour par jour, On-Off semaine par semaine et On-Off jour par jour.""De plus", explique Simon Mauras, doctorant à l'Irif (Institut de recherche en informatique fondamentale), co-auteur, "nos résultats montrent qu'en dessous d'un certain seuil pour le nombre de reproduction local d'origine R0 au sein du réseau (< 1,52 pour les écoles primaires, < 1,30 pour le lieu de travail, < 1,38 pour le lycée, et < 1,55 pour le graphe aléatoire), les quatre stratégies contrôlent efficacement l'épidémie en diminuant le nombre de reproductions locales effectives à R0 < 1. Ces résultats peuvent fournir des orientations pour les décisions de santé publique liées au télétravail."Pour le professeur Nathan Clumeck, directeur honoraire du département des Maladies infectieuses au CHU St-Pierre (ULB), "cette étude est intéressante parce qu'elle compare plusieurs approches. Mais elle a les limites des modèles qui sont conditionnés par les variables introduites. Dans le cas des activités professionnelles, il aurait été intéressant d'intégrer la variable "mesures de protection" en particulier la ventilation et le contrôle de la qualité de l'air ds les milieux clos". L'expert ajoute qu'une "autre variable est le bien-être psychologique et l'importance des contacts et liens sociaux au travail. Toute la difficulté est de trouver le juste équilibre entre un télétravail prépondérant, mais aux impacts psychosociaux potentiels et un travail au bureau au risque d'une transmission accrue". La rotation implique en effet qu'un individu A ne travaillera plus jamais avec l'individu B, du moins en présentiel. Pour faire chuter le nombre de contacts interpersonnels et donc le risque de propagation, c'est l'idéal. Mais cela implique que, pour des mois parfois, des collaborations et des affinités électives seront perturbées, tandis qu'on risque d'être condamné à fréquenter bien davantage le collègue qu'on préférait éviter auparavant. Pour assurer une permanence par métier dans certaines entreprises, cela implique de briser de petites équipes soudées. Un casse-tête pour les RH. Cette recherche vient à point alors que la Belgique, comme d'autres pays voisins, entend alléger l'obligation de télétravail tout en la recommandant chaudement. Les négociations sont en cours au sein du Comité national du travail. La question de la santé et du bien-être y est centrale. Et il reste de nombreuses questions pendantes. Il s'agit notamment de s'assurer que le travailleur dispose d'un poste de travail adapté à son domicile, avec un siège ergonomique, un second écran d'ordinateur, un "dock" et un clavier rapproché. Il s'agit aussi de fixer le droit à la déconnexion, le nombre d'heures réellement prestées ayant bondi durant la période de confinement. Se pose aussi l'épineuse question de la prise en charge des frais liés au télétravail. Car même après la fin de la pandémie, le télétravail restera une composante essentielle du monde de l'entreprise. Une étude montre que 42% des employeurs l'autoriseront. Avant la crise, ils n'étaient que 27%. Six collaborateurs sur dix veulent continuer à télétravailler d'une manière ou d'une autre. Mais, par ailleurs, 16,5% d'entre eux ne veulent plus jamais travailler à la maison. " Ces derniers mois, certaines entreprises ont déjà établi des lignes claires. Chaque organisation a des arguments spécifiques pour mettre l'accent sur l'un ou l'autre aspect - et accorder plus ou moins de liberté. Mais nous sommes tous conscients que l'organisation du travail telle que nous l'avons connue pendant la crise du coronavirus ne peut devenir la nouvelle norme", explique Pieter Timmermans, CEO de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB). "Une politique de télétravail durable dépend du contenu de la fonction et repose sur l'autonomie et la confiance mutuelle, tant du côté du travailleur que de celui de l'employeur."