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Les recommandations de l'Eular pour le traitement de la polyarthrite rhumatoïde sont formelles : elles classent les inhibiteurs de JAK au même rang que les agents biologiques. " Dans nos schémas thérapeutiques quotidiens, les deux catégories sont de plus en plus souvent au coude-à-coude ", explique le Dr Kristof Thevissen (Reumacentrum Genk, service de rhumatologie, hôpital Oost-Limburg, Genk). " Nous utilisons également les inhibiteurs de JAK en deuxième ligne, lorsque les agents biologiques n'offrent pas le résultat escompté ou provoquent des effets secondaires nécessitant un arrêt du traitement. Dans toutes ces situations, les inhibiteurs de JAK offrent de bons résultats, soit en monothérapie, soit en combinaison avec des DMARD classiques. " Un autre avantage est que le traitement peut être administré par voie orale. " Les patients apprécient, surtout s'ils ont déjà été traités plusieurs fois à l'aide d'injections. " Contrairement aux agents biologiques, les inhibiteurs de JAK n'agissent pas sur une seule protéine, mais sur la transduction du signal, ce qui leur permet d'avoir un effet plus vaste et d'induire un blocage simultané de plusieurs interleukines. Ce phénomène explique leur effet rapide sur l'activité de la maladie. Le Dr Thevissen ajoute un commentaire personnel : " Normalement, nous évaluons l'impact d'un traitement environ deux à trois mois après son démarrage. Nous surmontons cette période en ajoutant des corticoïdes, pour soulager les douleurs le plus rapidement possible. Mais nous savons que le risque d'infection accru lié à la médication se manifeste surtout chez les patients qui utilisent une combinaison d'un immunomodulateur et d'un corticoïde. Les patients sont par ailleurs peu friands de corticoïdes, surtout s'ils en ont déjà subi les effets secondaires. C'est différent avec les inhibiteurs de JAK, du moins dans mon cabinet : si je démarre un traitement à base d'inhibiteurs de JAK, je n'y ajoute pratiquement jamais de corticoïdes, car je sais que je serai fixé sur l'effet du traitement dans la semaine ou dans les deux semaines. "Les inhibiteurs de JAK fonctionnent donc plus rapidement, mais ils ont également un effet plus court que les agents biologiques. " Si l'on arrête un inhibiteur de JAK, son action aura disparu après quelques jours ", explique Kristof Thevissen. " Une plus grande sécurité en découle. Et c'est pratique si le patient doit subir une intervention. Avec les agents biologiques, nous avons besoin de plus de temps pour que l'effet sur le système immunitaire s'amoindrisse. Et après l'opération ? Comme nous l'avons expliqué, un inhibiteur de JAK permet d' agir plus rapidement de manière efficace sur les symptômes. "Un autre atout concerne les pauses thérapeutiques. Le Dr Thevissen : " Nous tentons actuellement de traiter d'emblée les patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde de manière forte, dans l'espoir de pouvoir ensuite mettre progressivement un terme au traitement, tout en maintenant tout de même la rémission (voir également page 16). Force est malheureusement de constater qu'une grande partie des patients récidivent. Et lors de la réintroduction, nous ne pouvons pas toujours garantir que le traitement sera tout aussi efficace. La perte d'efficacité lors de la réintroduction d'un anticorps monoclonal est due à l'apparition d'anticorps agissant contre l'agent, ce qui atténue son action. Dans le cas des inhibiteurs de JAK, qui sont de petites molécules synthétiques, nous ne nous attendons à aucune immunogénicité. La possibilité d'interrompre le traitement de temps à autre (en sachant que nous pourrons le redémarrer avec autant d'efficacité) constitue non seulement un soulagement pour le patient, mais nous offre également un avantage social : le traitement continu s'accompagne en effet d'un coût supérieur. "Pourquoi continuer d'utiliser des produits injectables ? " Il faut bien le reconnaître : nous bénéficions maintenant de 20 ans d'expérience avec les agents biologiques ", explique le rhumatologue de la région de Genk. " Le prix joue également un rôle. Les agents biologiques sont disponibles sous la forme de biosimilaires, ce qui les rend nettement moins onéreux. "Les données issues de la vie réelle concernant l'utilisation d'inhibiteurs de JAK ne révèlent aucun problème de sécurité majeur. Un point d'attention subsiste cependant : des rapports font état d'un risque accru de thromboembolie. " Mais après réflexion, les patients concernés présentaient déjà un risque accru préexistant de thrombose veineuse profonde et d'embolie pulmonaire, lié à des facteurs comme des maladies cardiovasculaires, l'obésité ou le tabagisme ", développe le Dr Thevissen. " Le résumé des caractéristiques du produit recommande d'utiliser les inhibiteurs de JAK avec prudence chez les patients présentant un risque accru préexistant d'accidents thromboemboliques. Mais il ne s'agit absolument pas d'une contre-indication absolue. Sur le terrain, la situation est suivie de près. Dans tous les cas, nous devrons refaire un bilan lorsque ces médicaments seront sur le marché depuis au moins cinq ans et que nous pourrons analyser des données issues de la vie réelle. "L'utilisation d'inhibiteurs de JAK induit un risque accru de développement de zona. Kristof Thevissen constate qu'il s'agit généralement de formes localisées, qui se traitent facilement. Ce n'est donc pas non plus un argument pour écarter les inhibiteurs de JAK. Les inhibiteurs de JAK sont-ils utilisés différemment selon que leur action vise essentiellement JAK 1, JAK 2 ou JAK 3 ? " Pour l'heure, nous n'avons pas de réponse à cette question ", affirme le Dr Thevissen. " Ni la pratique ni les études ne fournissent les données nécessaires à ce propos. Il convient de tenir compte du fait qu'aucune des molécules disponibles n'entre en interaction avec un seul des trois sous-types. Il y a toujours une réactivité croisée. Je pense qu'à terme, nous allons développer des critères qui permettront de privilégier la prescription d'une molécule spécifique pour un profil de patient défini. C'est un sujet qui préoccupe par ailleurs les rhumatologues dans d'autres domaines que celui des inhibiteurs de JAK. Pour les agents biologiques également, nous sommes à la recherche de critères permettant de prévoir d'emblée la molécule qui offrira à un patient le plus de chances d'obtenir une efficacité optimale. " (Voir également pages 16-17) Et c'est d'autant plus important lorsqu'on sait que les inhibiteurs de JAK verront probablement leur champ d'application s'étendre au-delà de la rhumatologie. Des données indiquent qu'ils pourraient être utilisés pour le traitement de la colite ulcéreuse et de la dermatite atopique. " De ce point de vue également, les inhibiteurs de JAK semblent être une catégorie puissante ", déclare le Dr Thevissen.