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Pour les médecins, la pauvreté constitue surtout un problème financier. La plupart préconisent des mesures qui pourraient améliorer l'accessibilité des soins de santé : élargir le tiers payant (également aux spécialistes et aux autres prestataires de soins), supprimer le ticket modérateur ou différencier davantage. De nombreux soins sont aujourd'hui certainement trop coûteux et un meilleure remboursement s'impose dans plein de domaines : soins dentaires, kinésithérapie, conseils alimentaires, lunettes, semelles orthopédiques, bandage, etc. Le principal chantier réside dans l'accès aux soins de santé mentale. Certains préconisent une réforme plus radicale encore : une médecine forfaitaire, des tarifs standards, l'abolition des suppléments... Bien entendu, le médecin doit alors recevoir un salaire de base adapté. Les médicaments, et surtout les plus onéreux d'entre eux, voilà la pierre d'achoppement. Le pharmacien a-t-il le droit de remplacer les médications onéreuse par des produits plus abordables ? Planifier une review d'un médicament demande certes plus de travail, mais pourrait s'avérer efficace pour une meilleure compréhension mutuelle. Par ailleurs, les médecins avancent des propositions diverses et variées pour mieux soutenir le patient. Un point de départ pourrait être une information adaptée à la problématique de la personne, une information à laquelle le patient doit avoir facilement accès, dans sa langue qui plus est. Les personnes en situation de précarité ont besoin d'un travailleur social disponible pour aller au bout du chemin de croix administratif. Certains estiment que ce soutien individuel peut même encore aller plus loin : observation fine du mode de vie de la personne, prise en charge des facteurs de stress, une éducation adaptée en matière de santé, lutte contre l'analphabétisme caché... L'important, c'est de casser le cycle de transmission de la pauvreté de génération en génération Certains médecins préconisent une approche individuelle. Il faut que le patient sente clairement qu'il peut parler de sa situation de pauvreté. D'autres pensent, au contraire, qu'il faut le traiter comme n'importe quel autre patient ou, encore plus explicitement, demandent à ce qu'on ne " dorlote pas trop le patient ". On peut aussi responsabiliser l'individu : lui apprendre à mieux gérer ses finances, à poser les bonnes priorités, à chercher du travail. On peut aussi lui offrir un travail adapté. Alcoolisme, obésité, tabagisme, dépendance, manque d'exercice physique vont souvent de pair avec une situation de précarité financière. Prenons d'abord ces problèmes à bras le corps, conseillons un médecin, mais ce que cela suggère est-il juste : doit-on prendre en charge la pauvreté des autres ? Pour beaucoup, c'est à la société de trouver des solutions. C'est surtout l'approche HIAP (Health in all policies) : rendre facile l'accès à des logements abordables et de qualité, créer des banques alimentaires ou rendre la nourriture saine accessible financièrement, ou dans un même esprit : renforcer la cohésion sociale, soutenir le travail de proximité. Seule une vision globale semble pertinente pour lutter contre la complexité de ce grand chantier. Mais n'est-il pas plus aisé de confier la lutte contre la pauvreté à d'autres échelons, comme le CPAS, les mutualités, les politiciens... ? Un salaire de base minimum permet de lutter contre cette problématique. Les mutuelles doivent accompagner leur patients de manière beaucoup proactive et altruiste, entend-on souvent. Autre son de cloche classique : les prestataires et institutions de soins devraient s'organiser avec plus de transparence. Les hôpitaux devraient se déployer raisonnablement, pas devenir des mastodontes. Des soins par paliers seraient davantage accessibles, estiment d'autres. L'argent devrait être dépensé avec intelligence : moins dans les derniers jours des patients incurables, plus dans la prévention et les besoins des jeunes patients. Une meilleure collaboration pourrait permettre de résoudre certaines problématiques, a-t-on déjà entendu également plus d'une fois. L'un met l'accent sur le micro-niveau et sur le travail d'équipe, l'autre parle de coopération entre tous les échelons (un échange structurel à différents niveaux). Les origines sociales doivent faire partie du dossier médical partagé. Le soutien du médecin peut prendre plusieurs formes : formation adaptée du généraliste/spécialiste, information plus précise pour ces derniers, un charge administrative moindre, une carte sociale utilisable, un soutien pratique, d'un travailleur social par exemple, une meilleure conscience du background social au sein des hôpitaux, mention du prix des conditionnements dans les prescriptions électroniques, etc. Certaines solutions avancées sont très concrètes : il importe de mieux indemniser les consultations qui durent longtemps, envoyer du personnel infirmier spécialement formé au domicile du patient, proposer une liste de médecins (généralistes et autres) ayant une ouverture évidente à cette problématique, mettre en place un accompagnement hors des soins réguliers par des médecins à la retraite, etc.