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La communication non violente part de l'intention de reconnaître et de comprendre l'autre, tant rationnellement qu'émotionnellement, comme l'explique Jo Huylebroeck de DialoogPlus. L'intéressé donne des cours de communication et de gestion du stress et des inquiétudes dans le secteur des soins de santé, dans les services de secours et en prison. "Quand deux personnes se rencontrent, deux réalités se font face. Dans un cabinet, il s'agit de la réalité du médecin, fort de ses connaissances des faits et de son savoir-faire, traversé par des émotions, avec des objectifs et un style propres, et puis celle du patient, qui a lui-même son expérience et ses émotions. En tant que prestataire de soins, il importe de reconnaître et de comprendre le patient."La communication non violente se déroule en quatre étapes, poursuit Jo Huylebroeck. "La première étape concerne l'observation: quels sont les faits et les données? La deuxième étape porte sur notre perception: comment ressentons-nous ce que nous observons? Cela peut se comparer à la perception du froid: chez certains, 19°, c'est encore chaud, pour d'autres, pas.""La troisième étape consiste à évaluer ce qui se cache derrière une réaction. La perception indique un élément d'importance pour une personne. Si un patient veut être rassuré, la discussion se déroulera différemment que s'il est en demande d'informations. Au cours de la quatrième et dernière étape, vous devez établir la juste connexion. Il faut s'enquérir des besoins de son interlocuteur/interlocutrice et essayer d'y répondre. Vous pouvez également nommer ce que vous observez (Si je vous comprends bien, vous vous sentez en insécurité ou triste? ) et agir en conséquence."La communication non violente patient-médecin concerne surtout la manière d'annoncer les mauvaises nouvelles. "Les patients vivent différemment les événements. En tant que prestataire de soins, il faut tenter de comprendre quel besoin se cache derrière une réaction. Le patient souhaite-t-il être rassuré ou juste informé? C'est une autre approche de la réaction d'une personne. Une fois celle-ci correctement nommée, il est possible de répondre plus rapidement et plus efficacement à sa demande."La communication non violente est également importante en matière d'autosoins, poursuit Jo Huylebroeck. "Communiquer des mauvaises nouvelles constitue une tâche très lourde pour le messager. On ressent des émotions, mais on n'a pas le temps de les traiter, car le prochain patient attend derrière la porte. Les prestataires de soins se coupent dès lors de leurs émotions. Ils se comportent de manière professionnelle, comme on dit. C'est honorable, mais ça ne tient qu'un temps. Dans une vie normale vient le moment où il faut libérer toutes ces émotions rentrées, cette énergie, cette tristesse et ces frustrations. Il faut libérer son système de tout ça, par une activité agréable, par la détente, histoire de recharger ses batteries. Mais on a pas toujours le temps pour ça. Certains prestataires peinent à s'arrêter. Cette dépendance au travail peut s'avérer lourde de conséquences et entraîner une aliénation."La communication non violente avec soi-même peut elle aussi être d'un grand soutien. "Reconnaître tout d'abord la nécessité de l'autosoin. Vous ressentez peut-être un poids sur les épaules, du stress? Vous vous demandez d'où cela vient et quel est le rapport avec ce qui compte pour vous. J'entends parfois des médecins dire qu'ils sont là pour aider le patient à rester en bonne santé et qu'ils se sentent rejetés quand celui-ci ne vient que pour le "petit mot du médecin". C'est ainsi que naît chez le médecin le sentiment qu'il ne respecte pas ses propres valeurs. La communication non violente permet d'éviter de tomber dans cette spirale négative. S'arrêter sur ses besoins et valeurs, voilà la première étape de l'autosoin. Cela permet de mieux comprendre d'où vient la frustration ou le désarroi en vous. Changer la société ou le patient, ce n'est pas (toujours) possible, mais vous pouvez prendre soin de vous."Jo Huylebroeck apprend aux prestataires de soins et aux secouristes à se soutenir mutuellement grâce à la communication non violente. "On se heurte parfois à nos propres limites, ce qui donne lieu à un sentiment d'impuissance. Il est alors crucial de ne pas oublier ce qui reste, comme c'est aussi le cas chez les patient qui parviennent à se focaliser sur ce qu'ils sont encore capables de réaliser, là où d'autres sont bloqués sur leurs échecs.""Cette communication non violente entre collègues passe par l'expression libre des réussites et des échecs. Faire un deuil ensemble et en même temps se féliciter d'avoir fait de son mieux. Voilà une démarche importante pour bien fonctionner dans le domaine des soins de santé. La tâche n'est pas aisée. Un chirurgien en chef souhaitait aborder les échecs et les faiblesses de son équipe au cours d'une réunion. Cela a pris des mois pour les amener à reconnaître qu'ils taisaient certaines erreurs, certaines inquiétudes, et ce dans le but de toujours donner une bonne image d'eux-mêmes, et que ces tabous les stressaient. L'équipe a ainsi pu travailler sur cette faiblesse et se renforcer, avec davantage de considération pour le travail de l'autre à la clé. L'ambiance de travail s'est aussi améliorée. De quoi permettre à chacun de mieux apprendre de l'autre."Erik Derycke