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Un jour, à l'Institut Pasteur, Elie Vamos, alors jeune chercheur dans le service de virologie, me prit à part, un peu bizarrement... comme pour un complot. Il me dit qu'il venait d'adhérer à un nouveau groupe, encore sans nom. Les motivations en étaient encore peu plus claires. Mais ses propos me plurent, et le nom de certains médecins engagés dans ce groupe me plurent aussi. J'acceptai donc de venir participer à leurs réunions du soir. Les futurs créateurs du groupe n'avaient même pas encore le nom de Germ, "Groupe d'étude pour une réforme de la médecine" (...). Nous ne possédions pas encore de bureau et nous nous réunissions chez l'un ou l'autre le soir, ce qui renforça sans doute notre solidarité, vers des amitiés profondes. Je nous revois par exemple, Maurice Goldstein rescapé d'Auschwitz, aux côtés d'Elie Vamos qui susurre de douces suggestions révolutionnaires... Et l'on prendra bientôt quelques décisions, grâce au dynamisme et à la persévérance du cardiologue Henri Cleempoel. Chez celui-ci, sous le flegme britannique se cachait un frémissement intérieur. Il me semble qu'il devint mon meilleur ami. Ce fut le cas, sans doute, pour plusieurs d'entre nous. Puis, bien vite se joindra à nous le gynécologue Willy Peers qui apportera sa fougue et son courage. Des premiers soutiens financiers nous permirent de louer un bureau, au quatrième étage d'un immeuble au centre de Bruxelles. Nos préoccupations concernèrent vite les relations du médecin avec son malade. Certes, le "patient", le souffrant, c'est le plus souvent, un malade qui tousse, ou bien se plaint de maux de tête. Mais c'est aussi, parfois, une personne qui déclare: "Je ne me sens pas bien dans ma peau". Et ce, dès sa première visite. Il nous parut que très tôt, dès le premier contact entre le "client" et son médecin, il serait bon que celui-ci demande la collaboration d'un psychologue, d'une infirmière. Ceci devrait aider à mieux accompagner le malade dans son parcours. Le but se précisa, progressivement, vers une collaboration, en-dehors de l'hôpital, entre médecins, infirmières, psychologues, voire d'autres, pour entourer au mieux un "client". Au fil des années, notre projet se concrétisera. On parlera de "médecine de groupe". Très vite, notre comportement déplaira vivement à l'Ordre des médecins. Selon lui, nous accordions trop de "confiance" à ceux qui n'avaient pas acquis assez de compétence, puisqu'ils n'avaient pas étudié pendant sept ans. Nous répliquions que les psychologues, les infirmières n'avaient pas acquis moins que nous, mais autre chose, d'additionnel. Par ailleurs, l'Ordre va trouver regrettable que certains membres du Germ se soient "ridiculisés" en participant aux activités du groupe Balint. Groupe qui - pour synthétiser à l'extrême -, pense qu'il y a, dans les signes d'une maladie, plus que les symptômes bruts. Mais parfois aussi une "dimension personnelle intérieure" une perception de la maladie, différente de celle apportée par les outils diagnostiques de la médecine.