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Dans son avis, le CSS constate que l'énergie nucléaire est présentée comme alternative idéale aux combustibles fossiles car peu émettrice de CO2. "Mais la réalité est plus complexe", pointe le conseil. Il liste la durée de vie très longue des déchets radioactifs qui peut impacter plusieurs générations, le risque d'un accident nucléaire grave à ne pas exclure voire une attaque terroriste. "La poursuite de ce risque pendant 10 ou 20 ans supplémentaires pose donc des questions d'ordre environnemental, sanitaire et éthique."Sortant du champ de la santé publique, le CSS ne croit pas aux petits réacteurs nucléaires (SMR) "seulement en développement". Il plaide pour des centrales au gaz qui produiraient à terme de l'hydrogène "bleu" (avec CO2 stocké). Se fondant sur les études menées par EnergyVille et le Bureau fédéral du Plan, le CSS conclut que "l'arrêt des centrales nucléaires est possible en Belgique pour un coût relativement limité, y compris en termes d'impact CO2", à condition d'accepter de quitter "le paradigme de la croissance illimitée". Cette position est-elle étrangère au fait que Jacques van Yperseele (UCL), ancien vice-président du GIEC, fait partie des 23 experts ou Gilbert Eggermont, professeur émérite à la VUB, ennemi farouche de l'industrie nucléaire[1]? On peut se demander en tout cas ce qui a motivé le CSS à s'aventurer dans un dossier politiquement miné et qui ne ressort pas immédiatement de son champ de compétence... Dans la journée du 25 octobre, le SCK CEN, organe indépendant d'expertise en matière nucléaire, publie un communiqué. Il indique que ses trois experts participants se désolidarisent du rapport du CSS. "Les analyses menées dans le cadre de ce rapport ne répondent pas aux règles de l'art scientifique", pointe Eric Van Walle, directeur-général du SCK CEN. "Notre intégrité scientifique a été compromise", déclare Johan Camps (qui est intervenu en tant qu'expert en planification d'urgence, risques nucléaires et radioprotection). "En tant que scientifique, je ne pouvais pas soutenir cette façon de travailler. Il n'y a pas eu d'analyse approfondie et objective des domaines pour lesquels j'ai agi en tant qu'expert. En effet, une analyse objective de ces domaines a été compromise en les liant à des facteurs tels que la "durabilité de l'énergie nucléaire". Les conclusions du rapport ne sont donc pas fondées sur une large consultation scientifique."Les experts du SCK CEN, par ailleurs accusés d'être "pro-nucléaires", affirment s'être ensuite "sentis poussés à approuver le rapport malgré tout. Il est inacceptable que nos experts soient traités de cette manière". "Je suis fier qu'ils aient tenu bon, car nous tenons en haute estime notre intégrité scientifique indépendante", explique Van Walle. Le même jour, le MR s'empare de l'affaire et Georges-Louis Bouchez, président du MR, twitte: "Ce serait une faute politique de décider sur base de l'avis du CSS" car, "il n'objective rien du tout". Puis, note-t-il plus loin, "il repose sur des erreurs d'analyse comme en ce qui concerne la part de l'électricité dans notre production énergétique, en ignorant son accroissement dans les prochaines années, entre autres, par l'électrification de notre parc automobile."L'ancienne ministre de l'Energie, Marie Christine Marghem (MR, photo) tranche. "Ce rapport tombe à point nommé pour les anti-nucléaires primitifs jouant sur les peurs. Sa qualité scientifique est d'autant plus branlante que trois experts l'on désapprouvé et qu'on n'a même pas la force morale de citer leurs noms", écrit-elle en retweetant le spécialiste de l'ULiège, Damien Ernst pour qui le CSS "s'est couvert de disgrâce aujourd'hui en publiant un énième rapport à charge du nucléaire dont la qualité scientifique est au mieux indigente.""On ne se rend pas compte en Belgique francophone à quel point la liberté des académiques et des journalistes est menacée. J'ai reçu des dizaines de coups de téléphone, surtout de journalistes, qui me disaient qu'ils avaient peur. Cela doit s'arrêter."Et Mme Marghem de demander l'audition d'experts à la Chambre. "Il y a des choses que l'on trouve dans le rapport et qui ne se trouvent pas dans les conclusions. Le rapport purement idéologique montre que ces scientifiques sont fixés sur la décroissance (...) Je fais partie de la majorité mais quand quelques personnes au gouvernement emmènent les autres, comme des moutons de Panurge, et les citoyens de ce pays vers un précipice, je dis stop", précise encore Marie-Christine Marghem. Chacun choisira son camp mais, en conclusion, on peut noter que le CSS a le devoir d'afficher une probité exemplaire car il est la véritable balise scientifique qui a guidé le gouvernement en matière de Covid-19. La publication d'un tel rapport, s'il se révèle bancal, contribue à jeter le doute sur les avis qui concernent le coronavirus et l'ensemble des matières médico-scientifiques.