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Jusqu'au 31 décembre 2015, une exemption de TVA était applicable de manière générale, aux prestations de services exécutées par les professions médicales " dans l'exercice de leur activité habituelle". Cette exemption de taxe a connu une première brèche lorsque l'ensemble des prestations esthétiques réalisées sans but thérapeutique et certaines prestations réalisées par des praticiens de professions médicales non conventionnelles ont été soumises à la taxe de 21%. Cette législation a été censurée par notre Cour constitutionnelle qui en a annulé la majeure partie en 2019, en maintenant néanmoins ses effets jusqu'au 1er octobre 2019. On s'attendait alors à une rapide réaction du législateur pour adapter la législation aux inconstitutionnalités constatées par la Cour et ne pas perdre trop longtemps cette source de recettes fiscales. Ce n'est pourtant que l'année dernière que la nouvelle législation a été remaniée avec effet au premier janvier 2022. Le fisc vient de publier une circulaire pour détailler les modalités d'exécution de ces dispositions. Pour déterminer si une prestation médicale est bien un service exempté de TVA, il est désormais important de déterminer sa finalité puisque la circulaire précise que " les prestations de soins médicaux exemptées ont donc un but thérapeutique" et que " les autres prestations qui ne poursuivent pas de but thérapeutique sont exclues de l'exemption. C'est la finalité d'une prestation médicale qui détermine si celle-ci doit être exemptée. Ni le contenu de l'activité médicale, ni sa place dans l'éventail des tâches du praticien de soins ne sont déterminants. Ainsi, si une prestation médicale est fournie dans un contexte dans lequel il peut être établi que le but premier du service consiste en le diagnostic, le traitement ou la guérison de maladies ou d'anomalies de santé, ou encore la protection, le maintien ou le rétablissement de la santé des personnes, ledit service bénéficie de l'exemption".La circulaire précise toutefois que " c'est le professionnel de la santé qui effectue la prestation principale qui détermine en son âme et conscience, si un traitement médical poursuit un but thérapeutique". Elle ajoute que "cet examen ne vaut pas que pour les prestations de nature esthétique. Pour les autres prestations médicales qui ne sont pas de nature esthétique, le professionnel de la santé doit également déterminer si la prestation médicale poursuit un but thérapeutique". Le texte ne fait donc plus référence à la nomenclature Inami comme c'était le cas par le passé, ni au remboursement, puisque c'est ce qui avait été sanctionné par la Cour constitutionnelle. Seul le but thérapeutique est donc désormais pris en compte. La nomenclature Inami est cependant toujours utile puisque la circulaire précise que " le fait que l'intervention ou le traitement figure dans la nomenclature des prestations de santé en matière d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, ou dans la nomenclature des prestations de rééducation, ou réponde aux conditions pour bénéficier d'une intervention conformément à la réglementation relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, constitue une présomption d'une pratique de soins médicaux/intervention ou traitement à but thérapeutique. Il s'agit d'une présomption réfragable, dont la preuve contraire peut toujours être apportée". La circulaire détaille également que "le fait qu'une intervention ou un traitement soit effectué sur prescription médicale est également une présomption réfragable de l'existence d'un but thérapeutique" et que "le fait que le traitement ne figure pas dans la nomenclature (Inami) ou ne réponde pas aux conditions pour bénéficier d'une intervention (remboursement) conformément à la réglementation relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, ne constitue pas en soi une raison pour exclure le traitement de l'exemption. Dans ce cas, la charge de la preuve incombe à la personne qui souhaite bénéficier de l'exemption". La nomenclature Inami vient donc au secours du praticien qui ne doit pas justifier l'exemption de la TVA pour une prestation lorsqu'elle figure dans la nomenclature. En revanche, l'administration pourrait toujours remettre en cause l'exonération de la TVA et tenter de démontrer qu'un acte médical n'a pas été effectué dans un but thérapeutique. Des répercussions touchent également les "livraisons de biens et prestations de services étroitement liés" de sorte que certains services fournis par les hôpitaux, tels que les repas, parkings, médicaments, télévision en chambre, etc., sont également soumis à la TVA sous certaines conditions qu'il nous serait trop long d'analyser dans cet article. Le législateur a identifié deux catégories de praticiens qui peuvent bénéficier de l'exemption de la TVA sur leurs prestations: Le premier groupe des personnes pouvant se prévaloir de l'exemption regroupe les professions médicales et paramédicales reconnues par la loi coordonnée du 10 mai 2015. Il s'agit des médecins, des dentistes, des pharmaciens, des kinésithérapeutes, des infirmiers, des aides-soignants, des sages-femmes, des secouristes-ambulanciers, des psychologues cliniques, des orthopédagogues cliniques, mais aussi des praticiens des professions paramédicales visées à l'AR du 2 juillet 2009: audiologie, diététique, podologie, etc. La circulaire précise que pour l'ensemble de ces catégories de praticiens , "il existe en quelque sorte, sur la base de cet encadrement réglementaire strict, une présomption légale selon laquelle ces personnes sont réputées disposer des qualifications nécessaires pour rendre des prestations de soins à la personne d'une qualité suffisante".Les praticiens qui ne bénéficient pas d'un cadre légal ou réglementaire aussi clairement établi peuvent également bénéficier de l'exemption de la TVA sur les prestations de soins, mais ils ne disposeront pas du bénéfice de la présomption de compétence des professions réglementées et doivent dès lors répondre à deux conditions cumulatives: ? Ils doivent être titulaires d'une certification délivrée par un établissement reconnu par une autorité compétente du pays où est situé cet établissement (art. 44, § 1, al. 1, 2°, a du Code). La circulaire précise qu'il s'agit de diplômés d'établissement d'enseignement agréés. En Belgique, ces professions sont actuellement les suivantes: psychomotricien, pédicure médical ou spécialisé et assistant en psychologie. ? La certification doit conférer les qualifications nécessaires pour fournir des prestations de soins à la personne " dont le niveau de qualité est suffisamment élevé pour être semblables à celles qui sont proposéespar les praticiens de professions (para)médicales réglementées". La circulaire précise pour les praticiens ayant obtenu leur certification au sein d'un établissement belge reconnu que " ces praticiens sont présumés, sauf preuve contraire, détenir une certification qui leur confère les qualifications nécessaires pour fournir des prestations de soin à la personne dont le niveau de qualité est suffisamment élevé pour être semblables à celles qui sont proposées par les praticiens de professions de la première catégorie". Les praticiens diplômés à l'étranger devront démontrer que leur certification est équivalente à la certification belge. La circulaire détermine les modalités de cet examen sans qu'il nous semble utile d'en détailler ici les modalités. Enfin, les praticiens " non-conventionnels" doivent notifier à l'administration fiscale leur volonté de bénéficier de l'exemption de la TVA et prouver qu'ils répondent bien aux deux conditions exposées ci-avant. Les médecins ou autres professionnels de la santé qui effectuent ce type d'opérations doivent s'assujettir à la TVA depuis le premier janvier 2022. Un régime transitoire leur permet cependant d'être dispensés de la première déclaration trimestrielle, sous réserve de régulariser le premier trimestre dans la déclaration de juin 2022. Le régime transitoire permet également de ne pas soumettre les traitements et interventions planifiés avant le 31 décembre 2021 à la taxe. Le nouveau régime de la TVA applicable aux professions médicales, introduit une révolution majeure dans la fiscalité des professionnels de ce secteur. En effet, la qualité du professionnel qui était jadis déterminante, s'efface désormais au profit du but des prestations qu'il accomplit. La réforme qui est souvent présentée comme uniquement applicable aux prestations esthétiques est en réalité plus large puisqu'elle assujettit à la TVA de très nombreuses autres prestations régulièrement accomplies par les professions médicales. Il s'ensuit qu'une grande prudence s'impose à celles et ceux qui veulent s'y conformer. Les formalités d'assujettissement à la TVA ne sont pas anodines et si les nouveaux venus au sein de la famille des assujettis pourront probablement compter sur la bienveillance de l'administration fiscale dans les premières phases de la mise en place de cette nouvelle législation, il ne faudra certainement pas abuser de sa clémence, les amendes en cas d'erreur ou d'oublis étant particulièrement élevées. Nous ne saurions jamais trop recommander aux personnes visées par cette réforme de faire appel à leur comptable pour qu'il les conseille à propos de ces nouvelles obligations fiscales.