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Depuis la crise du coronavirus, plus personne ne doute du caractère indispensable, de l'importance et de l'utilité de la profession d'infirmière. Ces derniers mois, les infirmiers de Belgique et du monde entier ont montré qu'elles faisaient la différence, même dans les circonstances les plus pénibles. Nous pouvons compter sur les infirmiers. Ils sont là quand on a besoin d'eux et cela n'a échappé à personne. La population a applaudi, accroché des draps blancs et a qualifié les infirmiers "de héros" ou encore "d'anges gardiens". Nous en sommes extrêmement reconnaissants: cela a donné du courage à beaucoup d'infirmiers qui ont tenu bon, à bout de souffle, pendant des mois. Mais faire de nous des anges gardiens ou des héros ne joue pas du tout en la faveur de l'art infirmier. Il en va de même pour cette autre méprise selon laquelle les infirmiers en gériatrie s'occuperaient principalement du linge et du change. La coexistence de ces deux légendes est en effet étrange. Aucune de ces représentations ne rend justice à la magnifique profession en pénurie qu'est celle d'infirmière. Les infirmiers sont, avant tout, des experts hautement qualifiés. Ils possèdent une formation scientifique, jouissent d'une vision clinique et travaillent de manière autonome ou en équipe avec d'autres experts. Les infirmiers évoluent dans des contextes très variés: des salles d'opération aux centres de soins résidentiels, des hôpitaux de réadaptation aux centres pour grands brûlés, des services de gériatrie aux unités psychiatriques en passant par les établissements pour personnes handicapées. Ce qui les relie - en plus de leur expertise - c'est leur dévouement envers le patient et ses proches. La profession d'infirmière évolue rapidement et les défis sont de plus en plus nombreux. Nous n'en nommerons que cinq: la lourdeur croissante des soins, la complexité en hausse, l'apparition constante de nouvelles technologies, le degré élevé de spécialisation, l'approche multidisciplinaire. Les séjours à l'hôpital sont de plus en plus courts. Alors qu'une opération nécessitait auparavant une hospitalisation de trois semaines, on peut aujourd'hui rentrer chez soi après seulement trois jours. Les soins infirmiers à l'hôpital sont dès lors beaucoup plus intensifs. Les personnes âgées vivent chez elles le plus longtemps possible. Elles ne sont transférées dans un centre de soins résidentiel que lorsqu'elles ne s'en sortent vraiment plus. Cela renforce dès lors la lourdeur des soins requis dans les centres de soins résidentiels. Il en va de même à domicile: les patients regagnent plus tôt leur foyer après une opération à l'hôpital et les personnes âgées ayant besoin de soins continuent de vivre chez elles plus longtemps. Cela accentue également la lourdeur des soins requis pour les infirmiers à domicile. Le vieillissement de la population n'est pas étranger à cette complexité croissante. Plus nous vivons longtemps, plus nous développons de maladies chroniques - deux, trois ou quatre - telles que l'hypertension artérielle, le diabète et les problèmes rénaux, par exemple. Ces "comorbidités" (coexistence de plusieurs maladies) rendent plus complexes les soins infirmiers aux personnes âgées. L'arrivée de nouvelles technologies, la numérisation et les nouvelles connaissances scientifiques constituent un troisième défi. L'éducation permanente, "l'apprentissage tout au long de la vie", n'est pas un luxe, mais une nécessité. Une quatrième tendance est la spécialisation. À l'instar des médecins, les infirmiers se concentrent de plus en plus sur un seul domaine. Les infirmiers urgentistes, en soins intensifs, en soins psychiatrique, pédiatrique et gériatrique existent depuis déjà un certain temps. Mais saviez-vous qu'il existe également des infirmiers spécialisés dans le traitement du diabète, dans le traitement des plaies et dans des domaines tels que les maladies rénales, les soins par cathéter et la néonatologie? La liste est presque infinie. Ces infirmiers sont des experts hautement qualifiés dans leur branche, tout comme les médecins avec lesquels ils travaillent toujours en étroite collaboration (...) Sommes-nous des héros? Nous avons, en effet, fait preuve de courage et de persévérance. Nous avons tenu bon, de jour comme de nuit, souvent dans des conditions difficiles. Pas vraiment parce que nous sommes des héros, mais parce que nous sommes des experts bien formés, qui s'investissent corps et âme. Nous n'avons pas de superpouvoirs. Nous sommes des experts possédant une formation scientifique, qui ne reculent pas devant le travail. Nous n'abandonnons pas. Nous gardons la tête froide. Même quand ce n'est pas évident. En outre, chaque infirmier est unique. Il y a des infirmiers brevetés, des bacheliers et des masters. Il y a ceux qui vivent de stress et d'adrénaline, ceux qui s'intéressent aux aînés ou aux personnes mentalement vulnérables. Certains se spécialisent dans un domaine spécifique, d'autres préfèrent les soins infirmiers généraux. Certaines préfèrent travailler de manière indépendante, d'autres se sentent plus à l'aise entourés d'une équipe. Le plus beau, c'est que chacun de ces infirmiers uniques trouve sa place unique en tant qu'expert en soins de santé. C'est une évidence. Alors, ne vénérez pas les infirmiers comme des héros. Considérez-les plutôt comme des experts professionnels sur lesquels vous pourrez toujours compter. Respectez-les en leur présentant un plan d'attractivité concret visant à rendre la profession infirmière plus attrayante. Respectez-les en améliorant les normes d'encadrement de qualité dans tous les secteurs des soins infirmiers. Respectez-les à travers une différenciation de fonction équitable et correctement financée. Respectez-les en leur donnant des moyens de formation adéquate et de qualité. Respectez-les à travers une représentation réelle et équilibrée de la profession infirmière dans les organes qui la concernent. C'est la meilleure garantie qu'il y ait des infirmiers en effectif suffisant pour vous soigner vous et pour vos proches à l'avenir.