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Telle institution hospitalière qui explique doctement aux employés, soignants et médecins qu'ils sont dans un hôpital qui rechigne à pratiquer l'euthanasie, des soignants qui affichent des signes religieux ostensibles, telle femme à journée qui, avertie des velléités d'une patiente de se faire avorter, lui dit "qu'elle va prier pour elle" sans doute pour l'en dissuader, des médecins qui refusent de pratiquer des euthanasies sans référer le patient vers un confrère qui la pratique, des patients qui refusent même en urgence de se faire soigner par une femme médecin: le prosélytisme religieux n'a pas disparu des soins de santé, affirme le CAL (Centre d'action laïque). Qui a invité l'ensemble des partis politiques francophones à en discuter le 27 avril dernier alors que la réforme de la Loi droits du patient, portée par Frank Vandenbroucke poursuit son parcours législatif. D'emblée, le président de la Commission santé de la Chambre, Thierry Waermoes, au nom de son parti (le PTB) a regretté que le projet de résolution porté par l'opposition PTB-Les Engagés-Défi n'ait pas eu l'heur de plaire et que la majorité l'ait rejeté en bloc. Il contenait notamment la possibilité pour le patient d'amender son dossier médical... André Bosly (médecin retraité - Les Engagés) voit toutefois une grande qualité au texte majoritaire: la personne de confiance que peut désigner le patient mineur, personne qui peut être autre que ses parents. Le député MR (et médecin) Daniel Bacquelaine, le seul des intervenants à avoir voté la Loi droits du patient il y a 20 ans, souligne l'importance que la réforme de la nomenclature s'inscrive également dans la philosophie des droits des patients. Mais tout aussi essentielle pour l'inamovible bourgmestre de Chaudfontaine est la protection de la vie privée, la déclaration anticipée surtout négative (refus de soins) et l'intelligence artificielle porteuse de nouvelles techniques (radiologie) mais aussi de nouvelles menaces... Passé ce hors-d'oeuvre, le CAL a posé la question essentielle: le prosélytisme dans les soins de santé. Le CAL est en train de rassembler des "anecdotes" qui circulent à ce sujet et compte les objectiver pour sortir prochainement un rapport circonstancié. On ne manquera pas de vous en faire part. "Le patient est une proie facile perméable aux influences", a souligné le Dr Bacquelaine. "Car il est dans un état de vulnérabilité. Il est important que le consentement éclairé soit obtenu sans influence religieuse. C'est pourquoi j'insiste sur le respect de la neutralité du personnel dans les services publics hospitaliers. Il est impensable qu'un soignant se présente au chevet du patient avec un signe extérieur ostensible de sa religion. En revanche, le patient s'habille bien entendu comme il le souhaite... La CEDH (Cour européenne des droits de l'homme) a d'ailleurs condamné le prosélytisme ''de mauvais aloi''... Je pense tout de suite à cette enquête sur le personnel de la STIB qui montrait un taux de prosélytisme religieux de 50%..." Position à laquelle s'oppose le PTB qui estime que l'interdiction du port du voile par exemple dans les hôpitaux débouche sur des discriminations à l'embauche. "Le prosélytisme doit être écarté en particulier lorsqu'il occulte une vérité médicale", souligne à son tour Laurence Hennuy, députée fédérale Ecolo. "Cacher une partie de l'information ne revêt toutefois pas le même caractère s'il s'agit de la ligature des trompes ou la vasectomie..." Le Dr Bosly reconnaît l'existence d'un prosélytisme de congrégation dans certains hôpitaux. Mais ce médecin relativement âgé, qui a toujours travaillé dans des hôpitaux de l'UCL, précise que ceux-ci ont toujours respecté la loi... Pour autant, la neutralité doit évidemment être respectée dans les hôpitaux privés également. Face aux résistances qui existent en matière d'avortement, précise Sophie Rohoniy, députée fédérale Défi, les centres de planning familial existent fort heureusement. Et face aux clauses de conscience exprimées par les médecins face à l'euthanasie, EOL (End of life) fournit une formation continue aux médecins qui se sentiraient mal à l'aise... Si des patients se présentent à la porte de l'hôpital exigeant de n'être pas soignés par une femme médecin, ont-ils le droit, au fond, de choisir le genre de leur médecin? Après tout, un homme peut préférer un proctologue du même sexe et une femme une gynécologue plutôt qu'un obstétricien... Réponse de Bacquelaine: "Les droits des patients ne sont pas absolus. En cas d'urgence, par exemple, le patient doit accepter le médecin qu'on lui présente." Hervé Rigot (PS) rappelle le devoir de tout professionnel de soins d'informer le patient en respectant la neutralité. Ce concept s'étend également aux structures de soins. Quid de l' "accompagnement laïque" qui apporte du réconfort au patient qui n'appartient à aucune religion? Une circulaire de 1973, désuète, mériterait d'être dépoussiérée, appuie le CAL. "Oui à l'accompagnateur laïque", assure Daniel Bacquelaine. "À condition qu'il ne fasse pas du prosélytisme laïque. Car ce serait introduire le loup dans la bergerie."