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Comme lors de toute activité physique, au cours de l'entraînement et de la compétition sportive se développe une fatigue musculaire. Celle-ci est d'autant plus marquée lorsque le travail musculaire est intense et prolongé. Cette fatigue musculaire se traduit par une diminution de la force et de la vitesse des contractions musculaires: l'athlète devient d'autant moins performant (moins fort et rapide) qu'il est fatigué. Souci, à part la sensation subjective de l'athlète lui-même, rien jusqu'à présent ne permet de mesurer objectivement, précisément et rapidement la fatigue musculaire, ce qui ouvre la porte au risque de blessure. Pour Pierre Rigaux, cofondateur et conseiller scientifique de Myocene, c'est aujourd'hui chose faite: "Notre technologie se base sur la relation entre la force d'une contraction et les influx nerveux. Pour commander une contraction, les nerfs moteurs envoient des influx nerveux aux muscles qui se contractent en réponse à cette commande nerveuse. Plus les influx nerveux sont nombreux, plus leur fréquence augmente, plus la force de contraction est élevée. Ainsi, pour un nombre déterminé d'influx nerveux envoyés à un muscle, une contraction d'une certaine force est produite. Mais lorsque le muscle est fatigué, il n'est plus capable de produire la même force pour le même nombre d'influx nerveux que celle qu'il développe lorsqu'il est reposé."Rassemblant une équipe de physiciens et d'ingénieurs, Rigaux aboutit à un triple mécanisme. Un système de commande de la contraction des quadriceps à influx nerveux constant permet de produire des contractions musculaires parfaitement quantifiées avec un nombre d'influx nerveux exactement déterminé et constant. On y ajoute un système d'enregistrement de potentiel neuromusculaire de la force de la contraction produite par les influx nerveux. Ce Myo-capteur est un capteur de force semblable à ceux qui sont installés dans nos smartphones, sauf qu'il est capable de détecter des variations de l'ordre du gramme dans une plage de zéro à deux cents kilos. "Il a été spécifiquement développé pour notre application afin d'enregistrer très précisément les variations de force du quadriceps." Enfin, un algorithme de calcul extrait par intelligence artificielle l'indice personnel du muscle testé. Celui-ci sera d'autant plus haut et proche de ses 100% que ce muscle testé est bien reposé et d'autant plus bas qu'il y a une fatigue musculaire de longue durée qui est prononcée. "On obtient de bien meilleurs résultats qu'en se basant sur la fréquence cardiaque au repos qui, d'un jour à l'autre, varie. Ici, le résultat est objectif et constant", assure Pierre Rigaux. "Si vous sautez à cloche-pied trente fois de suite aujourd'hui, en faisant le test sur vos deux jambes demain, nous pourrons vous dire sur quelle jambe vous avez fait l'exercice." Pratiquement, le dispositif est simple et indolore. Une série d'électrodes sont posées sur le quadriceps de l'athlète, assis sur une table de médecin, les jambes pendant dans le vide. Un capteur placé au niveau du tibia se charge ensuite de mesurer la réaction du muscle qui, via la contraction, va faire tendre la jambe de l'athlète et donc l'appuyer sur le capteur. En trois minutes et après une série de contractions, un résultat apparaît, permettant de connaître le niveau de fatigue du muscle par rapport à une situation de repos complet. "Cette mesure est d'autant plus importante qu'elle observe la fatigue musculaire de longue durée qui persiste plusieurs heures jusqu'à plusieurs jours après l'effort", explique Pierre Rigaux. "Si la récupération complète se faisait en quelques minutes ou tout au plus une heure, il n'y aurait pas vraiment de problème ; mais la fatigue persistante est particulièrement importante." En effet, lorsque l'athlète effectue un effort alors qu'il y a fatigue de longue durée, il ne peut pas développer sa force et sa vitesse maximum. Il essaye alors de compenser partiellement en poussant son système nerveux à décharger plus fort sur les muscles sans même pouvoir obtenir une aussi bonne réponse que lorsqu'il n'y a pas de fatigue longue durée. Ainsi, tout le système est mis davantage sous contrainte en étant toutefois moins performant. On va donc avoir une charge d'entraînement mal adaptée, un risque de pousser l'athlète en surentraînement et davantage de risques de blessures. Au-delà du sport de haut niveau, le dispositif pourrait aussi, à terme, développer une application pour les patients "ordinaires" atteints par des sarcopénies et des décompensations musculaires. Le muscle montre de la fatigue calcique et diminue sa capacité d'influx nerveux. Pouvoir l'évaluer précisément peut avoir de nombreuses applications médicales, par exemple en gériatrie, mais aussi en cancérologie, pour les patients qui bénéficient d'une chimiothérapie. Les hôpitaux de Montpellier et de Saint-Etienne testent actuellement le dispositif. Pour l'heure, le dispositif, qui se vend à 20.000 euros, intéresse des clubs de foot et de basket.