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L'agencement des bâtiments de la rue des Alexiens, en plein centre de Bruxelles, peut prêter à sourire. Coincé entre un centre de don de sang de la Croix-Rouge, un des sites du CHU Saint-Pierre et une pharmacie, le rez-de-chaussée du numéro 41 est occupé par... une salle de lancer de hache. Le parcours est tout tracé. Ceux qui s'amusent le plus de cette coïncidence typiquement belge sont probablement les discrets habitants des étages supérieurs. Sous ses airs modernes de bloc d'appartements de standing, la Maison Vésale du CPAS de Bruxelles se dresse sur sept étages, offrant à son sommet une des vues les plus impressionnantes de la capitale. La spécificité principale de la Maison Vésale est qu'elle accueille exclusivement des patients à fragilités cognitives (les patients MAMA, pour "maladie d'Alzheimer et maladies apparentées"). Toutefois, ne parlez ni de "patients" ni de "résidents". Les habitants de Vésale sont au centre d'un projet global qui veut les considérer pour ce qu'ils sont toujours, de vrais citoyens ouverts sur le monde. La pédagogie de Maria Montessori a concouru à l'avènement du projet, en route depuis six ans, mais dont la réflexion était sur les rails depuis dix ans. L'ensemble du personnel a suivi une formation de 40 heures. Dans la foulée, une élection sans candidats a été réalisée pour désigner des référents Montessori afin de pérenniser la démarche. "Je ne fais pas à la place de la personne, je crée un environnement plus facile pour que la personne puisse faire par elle-même": voici comment synthétiser l'idée derrière la pédagogie, résume Florence Flamme, coordinatrice Montessori à la Maison Vésale. "C'est un peu différent des MRS classiques. Là où le repas tout prêt est apporté, ici, on leur propose de participer à la cuisine. Tout ce que les personnes peuvent faire par elles-mêmes, c'est d'autant plus appréciable pour elles parce que leurs capacités préservées vont l'être plus longtemps dans le cadre de la maladie d'Alzheimer. Si on fait tout pour une personne, elle va se dégrader beaucoup plus vite. Mais c'est tout un échange à avoir avec les familles parce que si elles voient leur maman ou leur papa balayer ou nettoyer les tables, elles peuvent se dire à première vue que le personnel ne remplit pas ses tâches." Cuisine, aménagement des locaux, potager... La Maison Vésale vit autour de projets qui impliquent personnel et habitants. "Souvent, quand on parle d'Alzheimer, on communique en termes de déficits", regrette Michael Artisien, directeur de la Maison Vésale. "Nous, ce qui nous intéresse, ce sont les compétences préservées des personnes. Mettre l'accent sur l'accompagnement qui va mettre la personne en valeur dans ses compétences. Même si elle perd des capacités, il est encore possible de valoriser toute une série de choses chez elle." Le directeur de la MRS, qui dépend directement du CPAS de Bruxelles, situe leur approche au carrefour entre le médical, le psychologique et le social. Avec un exemple bien concret: "Dans beaucoup de MRS, on effectue un bilan gériatrique global. Nous considérons que certains de ces tests ne vont rien apporter de plus à la situation, à part confronter la personne à ses déficits. Notre objectif est de questionner le testing: quelle est la plus-value? Nous évitons de tester pour tester. C'est un changement de paradigme pour les médecins qui travaillent chez nous. Le rôle du médecin coordinateur (assuré à la Maison Vésale par le Dr Patricia Kirkhove, ndlr) est de fluidifier les relations avec eux, pour qu'ils s'intègrent dans cette approche qui n'est plus entièrement médicale." Cette approche holistique est concrétisée dans une série de principes mis en place au sein de la Maison Vésale. Du bâtiment des années '70, il ne subsiste pratiquement que les murs. Et encore... L'architecture est complètement ouverte pour que les habitants puissent circuler librement dans la maison. "Les grands espaces ouverts permettent de ne pas coincer l'habitant dans la confrontation qu'impose le long couloir fermé", explique Michael Artisien. Une optique de non-contention va de pair avec une volonté de libre-circulation des habitants dans la maison. Leurs rythmes sont respectés, ils sont libres de se lever quand ils le souhaitent. Toutes les pièces sont ouvertes. Le bureau du directeur ne fait pas exception à la règle ; il arrive régulièrement que certains habitants viennent discuter avec lui pendant la journée. "Il y a des habitués", sourit Michael Artisien.