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Concoctée en collaboration avec les musée Saint-Raymond de Toulouse (pour le côté ibérique du culte mithraïque) et le musée Archéologique de Francfort connus tous deux pour leurs forts passés antiques (4 mitréums trouvés dans la ville allemande), l'exposition Le mystère Mithra présentée à Mariemont, soutenue par des fonds européens, présente plus de 130 pièces issues de 50 musées en provenance de 13 pays européens. Ce qui indique déjà la grande diffusion de ce culte qui a migré des confins de l'Inde et de la Perse (l'empereur Mithridate lui doit son nom) pour s'imposer peu à peu en Grèce, via Alexandre, puis à Rome au début de notre ère de manière très rapide. Le début de l'expo, qui se veut à rebours au départ, présente d'ailleurs des oeuvres contemporaines ou récentes qui mettent en scène de manière fantaisiste le culte mithraïque, divinité souvent vécue comme un rival de Jésus-Christ: le démontre des images tirées de la série de SF produite par Ridley Scott intitulée Raised by Wolves dans laquelle des païens post-modernes font face à des sortes de templiers mithraïques. En peinture également, Ernest Pignon-Ernest montre un Picasso tauromachique sous les traits du dieu souvent représenté en train de tuer un taureau dont le sang, et donc la vitalité, doit faire renaître le monde et la nature qui la compose, comme l'illustrent aussi les sanguines d'André Masson (très Picasso d'ailleurs dans le style). Plus loin des récits de Montherlant, de Kipling qui, dans un conte pour enfants, invente une chanson de Mithra reprise par des groupes folk et rocks. Dans une Muséographique très contemporaine, à la circulation fluide, reprenant trois couleurs noir, blanc et or couleur des dieux et de ce dieu solaire, le lien avec Mariemont, dans ce retour vers le passé, se justifie par la présence auprès de Raoul Warocqué de Franz Cumont, premier grand spécialiste du culte de Mithra au tournant du siècle dernier. Ce grand initiateur des collections antiques du musée hennuyer fut - des photographies, livres et une stèle romaine montrant le dieu poignardant le taureau venue du musée de l'Ermitage et ayant appartenu à Catherine II de Russie le démontrent à suffisance - le premier grand théoricien de ce dieu antique dont la propagation dans la sphère romaine fut fulgurante entre le premier et le quatrième siècle. Dans une seconde partie, après une petite introduction au monde antique, montrant au travers de statuettes de bronze l'importance du sanctuaire domestique et dont Mithra faisait partie au même titre que les dieux lares, intégrant ce panthéon romain ouvert aux autres divinités "étrangères" à l'instar de la déesse gauloise Cibelle (elles étaient acceptées à la condition de respecter l'ordre établi, ce que ne firent pas les chrétiens), l' expo montre comment ce culte était pratiqué par des initiés sous forme privée, restant volontairement un peu à la marge. Des cratères servant à mélanger vin et eau figurent notamment ce dieu, sorte de super héros de l'époque qui doit sauver l'univers suite à une bourde du dieu Sol. Les stèles figurant sa naissance, depuis la pierre frappée par Jupiter, venues de Transylvanie du royaume des Daces ou de Hongrie, sont souvent issues de lieux de cultes appelés mithréums. Il s'agit d'une sorte de grotte figurant l'univers que l'exposition reconstitue au sein d'une black box, introduite, entre autres, par un superbe zodiaque fragmentaire découvert dans la région de Liège, d'origine romaine bien entendu, mais qui montre bien l'origine orientale de la divinité, dans l'importante accordée aux astres et constellations. Des vidéos mappings sur inscription permettent de faire parler les stèles à défaut des magnifiques statues figurant les jumeaux compagnons du dieu, Cautès et Cautopatès, représentant pour l'un le soleil levant, le couchant l'autre. Les analogies dans le rituel, la hiérarchie (le novice corbeau peut devenir lion et terminer pater, père d'un temple au travers sept grades, la hiérarchie ne correspondant pas à la vie civile, un esclave pouvant notamment atteindre un grade élevé) rappelle la franc-maçonnerie: la solidarité y est importante toute comme la convivialité, au travers de la thématique du repas, primordial, auquel le dieu participe ; un couronnement de récipient en forme de vase aux serpents (symbole d'éternité) qui sert de bouchon, et des gobelets avec devise trouvés dans nos régions dont l'une précise " bois autant que tu le peux", ainsi qu'une stèle ronde aux poissons figurant les libations des convives lors de ces rituels, en attestent. Comme chez les francs-maçons, une initiation est requise, la mort symbolique du candidat étant pratiqué avec une fausse épée (montrée dans l'exposition) ou d'une flèche ce qui lui permet de renaître à nouveau comme le montre un très beau bas-relief bosniaque au style Bas Moyen Age et pourtant daté du quatrième siècle ou un vase cultuel d'initiation superbe et trouvé à Mayence en Allemagne. Dans nos régions, ont récemment été mis à jour des sanctuaires, notamment à Angers lors de fouilles d'urgence en 2010, où furent découvert une vase singe musicien ou un autre en forme de serf symbole de l'altérité du monde mithraïque au sein d'un culture qui fonctionne en réseau, comme le montre le mithréum découvert à Tirlemont en 1998. Ce petit sanctuaire a en effet révélé les restes d'un banquet de 250 personnes, preuve que le culte pouvait aussi prendre une forme publique, et dont est issu un vase portant l'inscription " je bois à ta santé". Chaque année, un nouveau sanctuaire est découvert de cette "religion" qui, une stèle en bronze remarquablement préservée et sortie exceptionnellement d'un musée autrichien aux noms gravés le démontre, puisait des disciples dans toutes les couches et qui survivra à la conversion au christianisme de Constantin en 315, pour ne disparaître qu'avec les édits de la fin du quatrième siècle, interdisant tout autre type de religion que la chrétienne. D'ailleurs, l'on retrouve nombre de sanctuaires mithraïques sous d'anciennes églises catholiques: c'est le cas à Rome de San Clemente. Enfin, quel est le lien avec l'entreprise Mithra? En Orient, la divinité était considérée comme le dieu des contrats ou des traités, et aujourd'hui encore en Iran ou en Inde Mithra est un prénom féminin, que la société pharmaceutique belge a choisi puisqu'elle propose des médicaments destinés aux femmes...