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Disponible dans toute l'Europe depuis 2014, BioMarin a mis au un médicament qui ne guérit pas la maladie, mais freine son développement. Problème : son coût : " 528.000 euros par patient par an et le traitement n'est pas remboursé en Belgique alors qu'elle l'est dans la quasi-totalité des états de l'Union européenne ", rapporte la députée Anne Dedry (Groen ! ), dans une question parlementaire le 20 juin 2017. D'autres parlent d'un coût supérieur à 300.000 euros par an...Bref : si la fourchette est large, le coût reste très élevé.Dans le pays, neuf patients sont concernés. Deux ont reçu gratuitement le médicament jusqu'au 1er février, date à laquelle la livraison a cessé. "Depuis 2014, BioMarin a mis le médicament à la disposition d'un certain nombre de patients, et ce gratuitement, dans le cadre d'un programme médical d'urgence", corrobore l'avocat des parents de Valentina. Le programme d'urgence médicale a, en effet, été interrompu en juin 2016 après l'échec des négociations sur les conditions de remboursement, avec les autorités. "BioMarin a décidé dans un premier temps - en mars 2018 - de continuer à livrer le Vimizim® à Valentina gratuitement, en dehors du cadre, de toute réglementation", poursuit l'avocat. "Mais lorsque la troisième tentative de négociation sur les conditions de remboursement a échoué, en novembre, BioMarin a décidé de stopper les livraisons gratuites. Ce n'est pas acceptable."De son côté, BioMarin prétend que rien ne l'obligeait à activer un tel programme : "D'autre part, si les négociations ont échoué avec l'État belge, c'est parce qu'on exigeait de nous un rabais excessif. Le gouvernement belge souhaite une réduction de 85% sur le prix, alors que d'autres pays européens ont déjà consenti à un remboursement."" Les experts en médicaments parlent d'un prix demandé jusqu'à cinq fois supérieur à la valeur estimée ", réagit le gouvernement. " Les négociations sur le remboursement s'éternisent maintenant depuis des années ", poursuit Maggie De Block, ministre fédérale de la Santé.Le verdict est tombé mercredi : l'entreprise pharmaceutique doit continuer de livrer le médicament à la petite fille. Une décision du juge des référés de Bruxelles.Qui a raison, qui a tort ? Difficile de trancher. Le coeur penche évidemment pour la fillette de cinq ans. Mais la raison, froide, doit voir plus loin. Car le cas est exemplatif des enjeux qui se terrent derrière la question du remboursement des médicaments orphelins.Se pose donc une question de fond pour l'État : faut-il rembourser ces médicaments quel qu'en soit le prix ? Pour répondre, il faut savoir combien coûte la non-prise en charge d'un patient atteint d'une maladie rare par an à l'État, et comparer avec le prix du traitement.Facile à dire, mais difficile à faire. Le coût du remboursement est effectivement visible (entre 100.000 et 400.000 euros par an en moyenne, selon les cas), tandis que les répercussions du non-traitement touchent diverses sphères qui dépassent la santé (mobilité, habitat, scolarité, etc.) qui sont difficilement chiffrables.Tentons néanmoins l'exercice. La Belgique dispose depuis 2014 d'un Registre central des maladies rares. Mais il est toujours au stade initial de son développement. " Nous ne disposons encore d'aucune information sur les maladies rares les plus fréquemment enregistrées ni sur la prévalence en Belgique ", rappelait Maggie De Block à la Chambre en 2016. Pas plus d'informations aujourd'hui puisque le registre est toujours lacunaire.On se tourne alors vers l'Europe. La Commission recense le nombre de désignations et de mise sur le marché depuis l'an 2000. Résultat : de trois désignations de médicaments orphelins en 2000, on en recensait 169 en 2018 (+5.633,33% en 18 ans). Tandis que la mise sur le marché européen concernait deux médicaments en 2007 contre 27 en 2018 (+1.350% en 11 ans). L'évolution est donc exponentielle. Tout comme l'impact budgétaire pour les soins de santé si il s'agissait de rembourser tous les médicaments mis sur le marché.Pas étonnant, dès lors, d'apprendre qu'entre 2006 et 2016, " les dépenses pour des médicaments visant à traiter les maladies rares ont quintuplé (de 79 millions d'euros à 283 millions d'euros) ", selon Test Achats1. " En 2016, 9% du budget total des médicaments de l'assurance-maladie ont été affectés aux médicaments orphelins, pour 2,5 % une décennie auparavant. Cette augmentation exponentielle s'explique en partie par l'augmentation du nombre de médicaments orphelins remboursés, ainsi que par leur consommation accrue. "Il faut toutefois regarder plus loin que la Belgique pour comprendre que la tendance est malheureusement globale. Chez nos voisins français par exemple, les dépenses de médicaments remboursées par la sécurité sociale sont passées de 19,24 milliards en 2010 à 24,9 milliards en 2017, soit une augmentation de 29,41% en sept ans2.L'État - et l'Europe - doivent donc choisir : soit il faut inclure les traitements coûteux dans le remboursement des soins de santé, soit il faut les exclure. Mais il faut décider. Sous peine de voir ces traitements devenir des produits de niche, telles des montres que l'on ne voit que dans les vitrines des grands magasins de luxe. Et de voir poindre de nouveaux conflits juridiques à l'avenir.