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La ministre De Block avait inscrit dans la loi l'obligation pour le prestataire de soins de mentionner sur l'attestation de soins ou de fourniture, et sur le justificatif (en cas de tiers payant par exemple) les prestations et leur prix, pour les prestations remboursables, et aussi pour les non remboursables effectuées en même temps. Cette obligation est étendue à tout le non remboursable, en toute circonstance. L'attestation était adressée à la mutuelle (tiers payant) ou au patient, le justificatif au patient seulement. Maintenant, le justificatif doit être adressé aussi à la mutuelle, qui aura ainsi connaissance de tout le non-remboursable. L'extension de cette obligation de transmission vers les mutuelles est justifiée par leur rôle social. Cette disposition ne touche pas que les médecins. On sort ici de l'assurance maladie pour entrer dans le contrôle par les mutualités de notre consommation personnelle, privée. Il me semble douteux que la mutuelle soit légitimée à connaître les soins non remboursés de leurs affiliés (esthétique, médicaments, orthèses, etc.). Il s'agit d'une intrusion nette dans la vie privée. Ainsi, la mutuelle sera avertie de l'achat de produits de beauté, de dentifrice, de préservatifs par son affilié... Allô, Pékin? Le futur modèle de gestion de la garde des médecins généralistes est donc établi: les Postes médicaux de garde (PMG) ne seront plus financés directement par l'Inami, seules les coopérations le seront ; elles géreront, sous leur responsabilité, la permanence en médecine générale, que ce soit via les PMG ou autrement. Citons l'avis du médecin généraliste pour le patient en fin de vie, et un forfait pour la présence du médecin spécialiste en hôpital (extension du modèle "pédiatrie" à toutes les spécialités) en dehors des plages horaires pour lesquelles il existe un honoraire de disponibilité (garde appelable en médecine spécialisée). Sur proposition de la Commission nationale médico-mutualiste, un arrêté royal définira la garde sur place intra hospitalière. S'il y a des indices graves, précis et constants de fraude dans le chef d'un prestataire, le Contrôle médical (SECM) peut suspendre le remboursement et interdire le tiers payant, pendant maximum un an. Le blocage du remboursement vaut aussi pour des actes prestés avant la décision et non encore remboursés par les organismes assureurs. Le médecin peut se défendre par écrit! merci pour les droits de la défense... Le médecin peut aller en appel devant la Chambre de première instance... mais l'appel n'est pas suspensif! Le ministre poursuit sa politique de renforcement du SECM, comme il l'avait déjà fait en 2002 lors de son mandat précédent. Ou comment partir d'une louable intention d'évaluation pour aboutir à la dictature de la bureaucratie. Sous l'égide de l'Inami, du SPF Santé et de l'AFMPS, une cellule Audit des Hôpitaux est créée. Sa mission est d'évaluer la performance, l'efficacité, la quantité, le respect de l'Evidence Based Medicine, la conformité aux normes (lois et directives...) en ce qui concerne les soins de santé organisés et dispensés par les hôpitaux. L'analyse portera sur les pathologies ou les groupes de pathologies, les trajets de soins, les soins infirmiers, les produits et dispositifs, l'enregistrement des données, les audits prévus dans les conventions, le respect de la réglementation, etc. Un plan d'audit pluriannuel sera publié et mis à jour sur les sites des trois administrations. L'auditeur aura accès à toutes les bases de données des trois administrations, et à tous les documents dans les hôpitaux. Un fichier informatique sera constitué par la cellule d'audit, par hôpital, consultable par les hôpitaux. Les données y seront conservées cinq ans. Un rapport d'audit est transmis à l'hôpital audité, reprenant les points positifs, et les points négatifs: soins inefficaces, sans valeur ajoutée, non-respect de l'EBM, enregistrements et fonctionnement non conformes. Ce rapport est complété par la communication à l'hôpital d'un plan d'amélioration avec des objectifs mesurables, dont certains pouvant être imposés avec ou sans délai. Un audit de suivi est prévu. Curieux modèle, typique des sanctions administratives où celui qui édicte les règles les contrôle, et en sanctionne le non-respect. Les Droits de la défense et l'égalité entre les parties sont bafoués. Et comme le RGPD n'est pas d'application ici, qui s'émouvra de cette ultime dérive? Toutes les prescriptions, pour les médicaments et les autres prestataires et produits, y compris les adressages entre médecins (prescription de renvoi) seront enregistrées dans une Data base commune aux SPF Santé-INAMI-AFMPS, futur Health Data Authority. Les données y seront conservées un an. Donc, exit Recip-e en tant qu'acteur indépendant, peut-être encore sous-traitant (jusqu'à une prochaine loi de dispositions diverses qui en sonnera vraisemblablement le glas). La centralisation excessive et risquée des données de santé, la mise en sujétion des prestataires à l'administration et aux mutuelles, la quasi-interdiction (à peine de sanctions lourdes) de la liberté thérapeutique, la prépondérance de la norme dans le diagnostic et le traitement, annoncent la suite: pas de remboursement des prestations aux patients qui ne s'inscrivent pas dans la trajectoire administrative. Seuls les patients les plus fortunés pourront encore choisir librement les prestations proposées par leur médecin... et la loi sur le droit des patients deviendra lettre morte!