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L'investisseur ayant décroché durant les deux derniers mois pourrait croire que l'été fut sans histoire: à la veille du weekend, l'indice Bel 20 de la Bourse de Bruxelles avait progressé d'un peu moins de 5%, portant son avance à 19% depuis le début de l'année. Scénarios identiques pour la Bourse européenne dans son ensemble et pour Wall Street. On s'en voudrait dès lors de ne pas mettre cet investisseur au parfum. Car pour une bonne compréhension des prochains mois, il est préférable de connaître les trois thèmes qui ont inquiété les marchés en juillet et surtout en août, parfois assez durement. Le premier souci, le plus global, c'est la situation sanitaire, qu'on appelle cela une 4e vague ou pas. Quel que soit le vocable utilisé, force est en effet de reconnaître que cela va aujourd'hui beaucoup moins bien qu'il y a encore un bon mois à peine. On peut ne pas se préoccuper outre mesure de la situation dramatique de la Martinique ou de la Polynésie, sauf bien sûr projet touristique en direction de ces régions du monde. Ni prêter attention aux mesures draconiennes prises en Australie ou en Nouvelle-Zélande, pays très épargnés mais très craintifs. Quoi qu'en forte augmentation chez nous, comme en France notamment, les entrées à l'hôpital et admissions aux soins intensifs demeurent sans commune mesure avec les sommets atteints au printemps. Il n'en va pas de même aux États-Unis, pays confronté à une double réalité préoccupante. D'une part, après un départ en fanfare, la vaccination patine sérieusement. Car si les autorités se sont réjouies que la vaccination soit remontée à plus de 500.000 doses par jour peu après la mi-août, il faut se souvenir qu'on vient de 3,4 millions à la mi-avril! Or, on estime à 80 millions environ le nombre d'Américains pas encore vaccinés, soit un quart de la population, surtout dans le Deep South et autres États qu'on peut qualifier de "trumpistes". Le résultat, et c'est là l'autre réalité dramatique du moment aux États-Unis, c'est que le nombre de nouvelles infections est reparti en flèche à cause de la propagation du variant Delta. À la mi-août, on en recensait 145.000 par jour, au plus haut depuis février. Même envol dramatique du nombre de décès. Le pays en compte à nouveau plus de 1.000 par jour, parfois 1.500, un chiffre plus proche des quelque 3.000 recensés en janvier que du plancher de 200 à 300 affiché au début juillet. C'est aujourd'hui le Texas qui est en tête du palmarès. Cette détérioration de la situation sanitaire n'a jusqu'ici pas entravé la production industrielle, par exemple, encore moins pesé sur l'emploi, puisque le taux de chômage américain a fléchi à 5,4% seulement en juillet. Il est de toute manière trop tôt pour observer de pareilles conséquences. Par contre, l'invasion du variant Delta et les mesures de distanciation prises ici et là ont rapidement pesé sur le moral des consommateurs. Est-ce la raison pour laquelle les ventes de détail ont fléchi de 1,1% en juillet? Ici aussi, c'est peut-être un peu tôt. Les consommateurs pourraient simplement avoir fait une pause après leur récente frénésie, puisque ces ventes sont encore supérieures de 13% à leur niveau de début d'année. Plus significatif, et plus préoccupant, est sans doute le fort repli du "sentiment des consommateurs", un indicateur concocté par l'université du Michigan. Il est revenu à 70,1 points en août, ce qui est quand même le plus bas depuis dix ans. La détérioration de la situation sanitaire aux États-Unis pourrait déboucher sur une croissance économique un peu plus faible qu'attendu au 3e trimestre, ont dès lors prévenu plusieurs économistes. Deuxième souci: le vent contraire qui souffle de Pékin. Le vendredi 20 août, à la Bourse de Paris, le titre Kering clôture à 652,50 euros, une chute de 17,3% sur la semaine! Kering est le groupe de luxe rassemblant des marques telles que Balenciaga, Boucheron, Gucci et Yves Saint Laurent. Ses confrères LVMH et Hermès soufrent également, avec des reculs de 13 et 10% respectivement. Que s'est-il passé? C'est à Pékin que se trouve l'explication. Le 18 août, le président Xi Jinping a annoncé vouloir rééquilibrer l'économie du pays en faveur des classes populaires, notamment en taxant davantage les riches... que l'on sait très friands de produits de luxe occidentaux. En 2019, la Chine représentait 35% du marché mondial du luxe. Même si les détails manquent, on comprend que l'alerte est sérieuse. Les autorités chinoises ont au même moment promulgué une loi, qui entrera en vigueur le 1er novembre prochain, visant à resserrer la régulation du secteur Internet et renforcer la protection de la vie privée. Un nouveau bâton dans les roues de Tencent et consorts! Le géant chinois des services Internet et mobiles n'a dès lors pas profité de ses excellents résultats du 2è trimestre: l'action a au contraire un peu reculé en Bourse de Hong Kong. Elle affichait ce jour-là 425 dollars (de Hong Kong), très loin du sommet de 757 dollars signé le 11 février, soit une chute de 44%. Elle n'a que très partiellement rebondi depuis. Alibaba, l'autre géant chinois de l'Internet, a subi un sort analogue: son action se traite aujourd'hui à une bonne moitié seulement de son sommet d'octobre 2020. Même quand elles ne concernent pas directement les entreprises occidentales, les initiatives très autoritaires prises par Pékin ont eu un impact sur l'investisseur très diversifié, qui détient par exemple des fonds contenant des titres chinois. Après une année 2020 faste, avec un progrès de presque 30%, l'indice MSCI China est cette année en recul de 12%, tandis que l'indice des marchés émergents pris globalement est proche de zéro. A comparer avec une hausse de l'ordre de 20% pour les marchés américain et européen. Une large diversification internationale ne saurait se révéler gagnante à tous les coups... La troisième grande inquiétude des dernières semaines est née le 18 août, une date décidément faste, si l'on peut s'exprimer ainsi! Ce jour-là étaient en effet rendues publiques les dernières "minutes" de la Fed, la banque centrale américaine. Autrement dit, le compte-rendu de sa dernière réunion, celle du 28 juillet. Or, de ces discussions, il apparaît clairement que certains des dirigeants de la Federal Reserve envisagent de plus en plus de freiner la politique de rachats d'obligations, qui porte sur quelque 120 milliards de dollars par mois. En soutenant les cours, ces achats maintiennent les taux d'intérêt très bas, faut-il le rappeler? La Banque centrale européenne fait de même. Il était déjà apparu que la fin de ces achats, appelée tapering en jargon, était plutôt envisagée en 2022 qu'en 2023, comme initialement prévu. Les partisans les plus agressifs d'un retour à la normale pencheraient à présent déjà pour la fin 2021. Au risque, on l'a compris, de voir les taux rebondir assez prochainement. Ils ont pour argument une croissance économique très soutenue, au point que le chômage est presque au plancher et que l'on manque de main-d'oeuvre. Faut-il vraiment administrer un fortifiant à un patient qui rayonne de santé? Président de la banque centrale américaine, Jerome Powell avait cet été souligné à la fois que l'économie était bien repartie et que la situation sanitaire s'était détériorée. À l'occasion de la "grand-messe" annuelle de la Fed, il a le weekend dernier confirmé que la Federal Reserve pourrait commencer à restreindre ses achats d'obligations cette année encore. Ce n'est pas vraiment une surprise, donc pas un élément négatif. D'autant qu'il a ajouté qu'un relèvement des taux d'intérêt à court terme ne suivrait pas à bref délai, ce qui a clairement rassuré. Il reste que, même attendu de pied ferme, ce tapering pourrait refroidir la Bourse s'il entraîne une hausse un peu conséquence des taux à long terme. Impossible à prédire...