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La rétinopathie pigmentaire est une maladie neurodégénérative de l'oeil qui induit une perte des photorécepteurs et peut conduire à une cécité complète, les photorécepteurs ayant pour rôle de traduire les stimuli lumineux en informations visuelles. Publiée dans la revue Nature Medicine, une étude menée par une équipe internationale de recherche associant l'Institut de la Vision (Sorbonne Université/Inserm/CNRS), le Centre hospitalier des Quinze-Vingts, l'Institut d'ophtalmologie de Bâle et la société GenSight Biologics semblerait porteuse d'espoir pour les patients aveugles atteints de cette pathologie. Cet essai clinique a en effet montré qu'une thérapie optogénétique pourrait leur permettre de retrouver partiellement la vue. L'optogénétique est un domaine de recherche relativement récent qui regroupe différentes approches combinant optique et génétique apparues à la fin des années 1990 en neurosciences. Elle se base sur l'utilisation d'outils moléculaires pouvant être génétiquement ciblés en vue d'observer et de manipuler à l'aide de stimulations lumineuses des structures ou fonctions cellulaires spécifiques. L'optogénétique permet ainsi de contrôler par simple illumination du tissu nerveux l'activité de neurones ayant été génétiquement modifiés en vue d'exprimer des protéines photoactivables, généralement des opsines provenant d'algues ou de bactéries. Alors que l'optogénétique est étudiée depuis plus d'une vingtaine d'années, elle n'avait jusqu'à présent pas été appliquée à l'homme avec succès. C'est désormais chose faite. Sept mois après avoir reçu un traitement optogénétique, un patient de 58 ans atteint de rétinopathie pigmentaire a pu localiser et toucher différents objets qu'il n'avait pu détecter visuellement avant le traitement. La thérapie optogénétique mise au point dans le cadre de cet essai clinique a consisté à compenser la perte des photorécepteurs du patient en rendant d'autres cellules de sa rétine sensibles à la lumière. Pour ce faire, un vecteur viral adéno-associé codant pour le gène ChrimsonR et ciblant les cellules ganglionnaires de la rétine a été injecté dans l'oeil droit du patient, induisant une production par ces cellules de rhodopsine photoactivable. Contrairement à nos photorécepteurs naturels, la protéine ChrimsonR n'est toutefois pas assez sensible pour générer une image à partir de la lumière ordinaire, mais peut détecter de fortes intensités de lumière ambrée. Des lunettes de stimulation lumineuse ont dès lors été nécessaires pour traduire en temps réel les informations visuelles auxquelles était exposé le patient en impulsions lumineuses de couleur ambre projetées à forte intensité sur sa rétine. Ces tests n'ont pu démarrer que quatre mois et demi après l'injection du virus, le temps que l'expression du gène ChrimsonR dans les cellules ganglionnaires se stabilise. Au cours du premier test, le patient devait localiser et toucher un grand cahier (réussi dans 92% des cas) ou une petite boite d'agrafes (réussi dans 36% des cas) placée sur une table blanche. Le deuxième test consistait à compter et localiser des gobelets placés sur cette table (réussi dans 63% des cas). Un troisième test a permis de mesurer l'activité cérébrale du patient à l'aide d'un casque d'électroencéphalographie lorsqu'un gobelet était alternativement posé ou enlevé de la table et d'établir un lien entre la présence de l'objet et l'activité neuronale du patient. Cet homme atteint de rétinopathie pigmentaire est certes loin d'avoir retrouvé une vue parfaite, mais les résultats de l'étude représentent malgré tout une avancée, car ils ont pour la première fois démontré les bénéfices cliniques de l'optogénétique. Selon les chercheurs, cette thérapie optogénétique pourrait permettre d'obtenir une acuité visuelle allant jusqu'à un dixième, autrement dit les plus grandes lettres sur l'échelle optométrique déterminant l'acuité visuelle. Cette stratégie thérapeutique permettrait par ailleurs d'obtenir une résolution plus proche de la vision normale qu'avec d'autres traitements tels que la rétine artificielle. L'essai clinique doit toutefois se poursuivre car il ne portait jusqu'à présent que sur un seul patient. Une quinzaine de personnes devrait prochainement expérimenter le traitement. Le premier patient n'ayant reçu qu'une faible dose de vecteur viral, des dosages plus élevés devront également être testés afin d'évaluer leur effet sur le taux de photosensibilité des cellules ganglionnaires et sur la perception des contrastes.