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En cette période de pandémie, l'hygiène des mains est l'une des armes de destruction massive du virus. " C'est toujours la première mesure de lutte contre les infections, souligne la Pr Anne Simon (Cliniques Saint-Luc, UCLouvain). A la maison, l'eau et le savon suffisent. Le message doit être clair : on utilise des solutions hydroalcooliques (SHA) dans les soins et quand on n'a pas accès à de l'eau et du savon. " Le fait que nous soyons tous poussés à utiliser les solutions hydroalcooliques de façon beaucoup plus intense et fréquente ne risque-t-il pas de voir émerger des résistances bactériennes ? " Non ", répond-elle . " Jusqu'ici une seule étude1 très mal faite laissait penser que les entérocoques résistants à la vancomycine devenaient résistants à la solution hydroalcoolique, mais le Dr Didier Pittet (Genève), l'instigateur et le promoteur de l'hygiène des mains pour l'OMS, avait démontré que c'était faux2, les concentrations d'alcool dans cette étude étaient beaucoup trop faibles (23%) par rapport à celles des SHA utilisées en hôpital (60 à 90%). " " Ceci dit ", ajoute-t-elle , " il est vrai qu'avec les désinfectants et les antiseptiques, notamment, on a parfois joué aux apprentis sorciers, on ne s'est pas toujours rendu compte du risque d'émergence de résistance à certaines molécules, mais pas à l'alcool, ce n'est pas connu, ni à l'isobétadine. On sait que des bactéries sont capables de générer des mécanismes de résistance à la chlorhexidine, par exemple. " Le respect du mode d'emploi des antiseptiques et désinfectants permet de limiter ce risque. " Ces produits sont enregistrés pour être utilisés à une certaine concentration, pour un temps de contact défini, etc. C'est comme un antibiotique, si on l'utilise à des concentrations qui ne sont pas efficaces sur la bactérie, non seulement elle ne sera pas tuée, mais elle aura peut-être la possibilité de trouver un mécanisme de résistance. " " On sait qu'on doit faire attention, mais jusqu'ici, les antiseptiques étaient utilisés de façon très parcimonieuse. Dans la crise du coronavirus, c'est surtout l'alcool qui est mis en avant, et il est vrai que, pour le moment, si on vit avec quelqu'un qui a le Covid-19, Sciensano recommande de désinfecter toutes les surfaces à l'eau de javel : c'est un excellent désinfectant parce qu'il agit très rapidement, mais on doit l'utiliser à des concentrations correctes : 4 cuillères à dessert/litre d'eau (avant, on préconisait 4 c.à. s) ". A côté, la distanciation sociale reste le maître mot, insiste la microbiologiste : " Le port du masque ne suffit pas. Il exige une certaine discipline : se désinfecter les mains avant et après l'avoir mis, éviter de le toucher... Le masque en tissu convient s'il est bien géré : lessive à 60°, ou à 30° et puis repassé, ou bouilli et puis repassé. Masque double couche ou fourreau pour y mettre un mouchoir en tissu par exemple, surtout dans les transports en commun ", précise Anne Simon en mettant en garde contre le port des gants : " C'est la pire des choses, on se met en danger et on met surtout les autres en danger. L'idéal c'est le lavage des mains. " Cette année, le 5 mai, traditionnellement mis sous le signe de l'hygiène des mains, est un peu passé à la trappe. " On voulait proposer aux hôpitaux de faire des actions dans le hall d'entrée, mais comme il n'y avait plus grand monde... Nous préparons donc la prochaine édition : la prémesure devrait se passer en novembre et la campagne en février, mais tout dépendra de l'épidémie... " En même temps, la présence du fait virus a " naturellement " incité à l'observance de l'hygiène des mains. " En riant, je dis 'merci Covid-19' ! N'empêche, on doit souvent rappeler aux gens de faire attention parce qu'il n'y a pas que le Covid dans la vie. " Le 5 mai, Sciensano a édité le rapport sur la campagne de l'année dernière qui mettait l'accent sur la prévention des infections liées au cathéter. " Il est difficile de tirer des conclusions, mais on s'améliore. Le chiffre important est celui de l'observance en pré-campagne (71,2%), et là encore, on se maintient ", se réjouit-elle . " Peut-être qu'avec la pandémie, certains en auront marre de se laver les mains, mais, je pense que l'épidémie a ouvert les yeux de beaucoup de gens qui considèrent maintenant que l'hygiène des mains est importante. J'avais des confrères qui n'en étaient pas encore persuadés et qui, maintenant, le sont : l'accréditation et le Covid-19 ont eu raison de leurs réticences vis-à-vis de ce geste un peu bébête. " " Le pire, c'est qu'avec les pénuries qu'on a connues, on a remis en question un certain nombre d'adages : 'le masque se jette chaque fois', maintenant, on peut le garder huit heures ; on garde la surblouse entre deux patients... On est devenu fou à force de dire des choses complètement contraires. On va devoir rattraper la sauce quand ce sera fini... ", prévient-elle. A l'hôpital aussi, le coronavirus donne donc un grand coup de balai. " Certaines choses mises en place parce que c'est une crise sanitaire, parce qu'on n'avait pas de masque, pas de blouse... vont rester. On n'est pas encore revenu aux règles d'utilisation antérieures parce qu'on ne sait pas combien de temps la pandémie va durer. Il faut être prévoyant et rester extrêmement vigilant. Après, je sais que nos financiers vont se demander pourquoi on ne peut pas continuer comme ça. C'est pour ça que je dis que ce ne sera plus jamais pareil parce qu'on va remettre des choses en question... Mais ils ont raison, il faut se poser des questions ", tempère Anne Simon.