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Selon Marc Van Ranst, l'évolution future de la pandémie de Covid dépendra de l'impact cumulé du Covid et de la grippe. "On s'en sort bien. La grippe est légèrement présente en Europe, sans plus. Pas étonnant, puisque le transport entre les deux hémisphères a considérablement diminué. Il y a moins de vols. Influenza B reprend timidement du service en Chine et l'Australie a connu deux saisons consécutives quasiment sans grippe. La situation est acceptable donc. Le risque d'une nouvelle pandémie est également réduit, car il s'agit de "vieux" virus de la grippe (H3N2, influenza B). J'ai eu peur au début, car la nature n'aime pas le vide et cela peut générer des événements imprévisibles. Mais ce n'est pas arrivé.""Nous savons comment éviter la grippe, mais pas les coronavirus", poursuit le professeur. "Nos efforts pour lutter contre la Covid-19 ont été encore bien plus efficaces contre la grippe. Toutes les autres maladies infectieuses, le VRS et les refroidissements, sont par contre bien de retour. Nous avons connu la plus longue période sans refroidissements de notre vie. C'est exceptionnel. Les gens n'y sont plus habitués et une simple goutte au nez leur fait peur. Une réaction normale dans le contexte de la pandémie, car les premiers symptômes sont similaires entre les deux maladies."Les chiffres évoluent défavorablement. Avançons-nous vers un nouveau lockdown? "Le processus décisionnel qui mène à un confinement ou à des mesures réellement efficaces se déroule par phase. Impossible d'aller plus vite en politique. Certains patterns se dégagent des 25 comités de concertation/conseils de sécurité passés. Ils ne sont par exemple jamais espacés de plus d'un mois. On perd beaucoup de temps, ou on réfléchit beaucoup, ça dépend du point de vue. Mais ce n'est pas parce qu'un ministre se montre favorable à un lockdown que le reste suit. Tout est question de soutien. Les politiciens agissent dans la mesure où ils pensent que les gens les suivront dans leur élan. Le soutien dans la décision de refermer un peu plus le pays est plus grand que ce qu'ils pensent. Au moment où la population estimera qu'il est temps de bouger, le politique réagira. Les virologues qui formulent les mêmes demandes ne sont pas entendus ; on pourrait dire que c'est ça, la démocratie. C'est vrai, mais ce n'est pas efficace."Le Ministre Vandenbroucke impute le retard de la dose de "boost" au Conseil supérieur de la Santé, et plus précisément aux professeurs Johan Neyts et Isabelle Leroux-Roels. Marc Van Ranst ne s'en laisse pas de conter: "J'aurais bien quelques trucs à dire à ce propos, mais je ne le ferai pas. Dommage pour vous. Sinon, ce serait depuis longtemps un champ de bataille éthique ici. L'OMS se demande s'il est bien "éthique" d'administrer une troisième dose à des gens qui sont déjà en partie protégés, qui plus est à un moment où, dans de nombreux pays, les groupes à risque ne sont même pas encore vaccinés. A ce propos, il ne faut pas regretter d'avoir envoyé des vaccins aux pays en voie de développement."Il n'y a pas de pénurie de vaccins actuellement. "Par contre", souligne Marc Van Ranst, "un problème logistique se pose pour que le vaccin soit administré le plus vite possible. Les généralistes pourraient jouer un rôle s'ils organisaient ensemble une grande après-midi de vaccination."Il rappelle ainsi la manière dont la grippe espagnole a été gérée en 2009. "Ca s'est passé très rapidement. Le problème, il est vrai, c'est que la conservation des vaccins à -70° n'est pas envisageable dans un cabinet de généralistes, même s'il devrait être possible de les distribuer de manière centralisée. Rien de sorcier là-dedans. Toutefois, la campagne de vaccination s'est bien passée pour les deux premières injections. Les politiciens l'ont retenu. Il est clair que nous aurions dû garder les centres de vaccination ouverts pour le rappel. Pour cette troisième dose, j'aurais espéré un vaccin delta. J'étais même prêt à attendre. L'adaptation technique n'est pas compliquée... Mais bon, quand on regarde les chiffres de la Grèce et d'autres pays, la protection contre le variant delta y est très haute après la troisième dose."Difficile de dire si nous en arriverons à une piqûre de rappel chaque année, poursuit le virologue de Louvain. "Dans une première phase, celle dans laquelle nous nous trouvons, il faudrait prévoir une injection par an, mais rien ne dit que nous devrons continuer à ce rythme par la suite. La vitesse de mutation du coronavirus est un peu plus lente que celle de la grippe. Une fois la stabilité atteinte, nous pourrons revenir à une vaccination tous les deux, trois, cinq... ans. Nous n'en savons encore rien aujourd'hui."Il n'est pas impensable qu'un vaccin combiné grippe/Covid19 soit un jour disponible. "Cette combinaison est techniquement possible. Cela va arriver, mais il faudrait pouvoir la tester, et cela requiert une grippe saisonnière, ce que nous n'avons pas eu. Si des vaccins à ARNm existaient également contre la grippe, avec la même efficacité que ceux contre le Covid, ce serait plus facile. Chez les personnes âgées, un vrai "saut quantique" pourrait alors être réalisé."