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La majorité des entorses de cheville résultent d'une torsion du pied en inversion, combinée à une flexion plantaire. Cette inversion lèse les ligaments latéraux, en commençant souvent par le ligament talofibulaire (faisceaux antérieurs). "Plus rare, l'éversion (tourner le pied vers l'extérieur) force l'articulation au niveau médial et peut entraîner une entorse compliquée et/ou d'autres lésions", explique la Dr , médecin du sport aux Cliniques universitaires Saint-Luc. "Nous nous concentrerons ici sur les entorses par inversion." À l'interrogatoire, commençons d'ailleurs par demander au patient dans quel sens il s'est "tordu" la cheville. "Avoir entendu un craquement sur le moment n'est pas signifiant pour le diagnostic - au contraire du genou, par exemple", prévient la Dr Lambrecht. "De même, l'importance du gonflement n'est pas forcément proportionnelle au grade de l'entorse. En cas de lésion modérée à sévère, si le protocole PRICE - sur lequel nous reviendrons - a été directement appliqué, l'oedème peut être limité. Alors que, sans mesures adéquates, la cheville peut être fort gonflée alors que l'entorse est simple et légère. Voilà pourquoi il est important de demander quels (auto)soins ont été prodigués avant de venir en consultation."L'examen clinique repose en grande partie sur la palpation... quand elle est possible! Pour évaluer la laxité, par exemple, mieux vaut attendre une semaine pour que les manipulations de la cheville soient tolérables pour le patient. À partir de là, il faut appliquer les critères d'Ottawa et palper le ligament externe (partie antérieure, moyenne et postérieure) et le ligament interne, particulièrement la partie antérieure. Objectif: localiser précisément la ou les douleur(s) et repérer d'éventuels gonflements. Souvent, une entorse est marquée par la présence d'hématome(s) latéral(-aux) et interne(s), moins prononcé(s). Il convient de repérer ou d'exclure certaines entorses plus rares ou compliquées et d'envisager un diagnostic différentiel. Exemples: · Le tendon du péroné, qui court derrière la malléole, est-il douloureux et/ou encore bien en place? "Il peut y avoir une élongation de ce tendon ou une déchirure du rétinaculum qui le maintient correctement en place", commente la Dr Lambrecht. "C'est rare, mais il faut vérifier!"· Le ligament tibiofibulaire antéro-inférieur (syndesmosis) est aussi à vérifier. Une lésion de ce ligament, situé entre le tibia et le péroné, provoque des douleurs situées au-dessus de la malléole. · Une entorse de Chopart se situe au niveau du médiotarse (au-dessus du milieu du pied). Typiquement, elle procède d'une flexion plantaire forcée, liée à un choc direct ou au blocage au sol de l'avant-pied. · L'élongation du nerf du péroné - possible dans une entorse légère ou modérée - provoque une perte de force dans le muscle péroné, mais que l'on ne remarque pas d'emblée. L'entorse peut aussi mimer ou même s'accompagner d'une fracture osseuse. C'est souvent le cas dans les entorses sévères. Afin de ne pas irradier inutilement, il convient de suivre les critères d'Ottawa pour savoir si la radiographie est nécessaire. 1 Le patient est âgée de 18 à 60 ans. 2. Il ou elle n'est pas capable de faire quatre pas correctement. 3. Il faut faire une radiographie de la cheville si le patient a des douleurs à la palpation du bord postérieur de la malléole externe ou interne. 4. Une radiographie du pied doit être réalisée si la palpation du naviculaire ou la base du 5e métatarse est douloureuse. "Si vous remarquez un hématome sur la plante du pied, il faut également redouter une fracture", commente la Dr Lambrecht. "Certaines fractures ne se voient pas tout de suite. Si la radio est négative, mais que la clinique laisse tout de même suspecter une lésion osseuse, alors il faut refaire une seconde radio, une ou deux semaines plus tard, voire un scanner."Si on évite les rayons X aux enfants - dans la mesure du possible, évidemment - en revanche, passé 60 ans, mieux vaut demander une radiographie car, avec l'ostéoporose qui s'installe, on a plus vite des fractures. Quel que soit le degré de gravité de l'entorse, le protocole PRICE est de mise dès le traumatisme. Il permet de réduire le gonflement, de résorber l'hématome et de diminuer la douleur. · Protection: les premiers jours, il convient d'éviter les charges sur la cheville. Pour ce faire, la Dr Lambrecht préconise l'usage d'une attelle pneumatique avec coques latérales. Les béquilles sont réservées aux entorses modérées à sévères, mais pendant une courte durée: 24 heures à trois jours maximum - sauf si une chirurgie ou un plâtre est nécessaire, bien sûr. · Rest: le repos doit être relatif. Dès que possible, le patient est encouragé à remarcher et à vaquer à ses occupations quotidiennes. En effet, mobiliser au plus tôt l'articulation permet de récupérer plus vite et évite les complications d'une immobilisation prolongée (rigidification de l'articulation, atrophie musculaire, altération de la qualité du cartilage, etc.). Raisons pour lesquelles on ne plâtre plus qu'en cas de fracture. · Ice: la cryothérapie est le traitement antidouleur le plus efficace et le plus sûr. L'idéal est d'appliquer des poches de glace sur la cheville, 2 x dix minutes toutes les deux heures, durant 24 à 48 heures, voire davantage en fonction de la douleur. · Compression: la cheville doit être comprimée à l'aide de bandages élastiques ou d'une attelle pneumatique. · Élévation: surélever la cheville blessée favorise le retour veineux et lymphatique et donc, le dégonflement de l'oedème et la résorption de l'hématome. Au besoin, le patient peut éventuellement prendre du paracétamol (4 g/jour maximum). En revanche, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) sont proscrits durant les 48 premières heures car la réaction inflammatoire aide le(s) ligament(s) à mieux cicatriser. Au-delà du troisième jour, les AINS ne sont envisageables que si le gonflement reste important et toujours durant une période limitée (maximum cinq jours). Dès le 2e degré (entorse modérée, lire encadré), le traitement passe par des séances de kinésithérapie. S'il s'agit d'une première lésion légère, la kinésithérapie n'est pas indispensable. En revanche, elle l'est en cas de récidive ou si la personne a déjà eu plusieurs entorses légères au même pied, car cela indique une fragilité. La kiné peut s'entamer dès 48 à 72 heures après le traumatisme. En cas d'entorse (très) sévère, la rééducation commencera bien sûr après le traitement orthopédique. "Dans tous les cas, l'objectif de la kiné est notamment de récupérer une bonne mobilité en dorsiflexion", explique la Dr Lambrecht. "Il est important d'informer le patient que le traitement de son entorse ne s'arrête pas à la fin de ses séances. Il ou elle devra continuer à faire ses exercices à domicile pendant huit à dix semaines minimum, car c'est seulement à partir de là que les exercices musculaires et de proprioception sont réellement efficaces pour prévenir le risque de récidive, qui est le plus élevé dans les six à 12 mois suivant la (première) lésion. Pour rappel, la première cause de récidive d'entorse ou de douleurs chroniques à la cheville, c'est une kiné qui a été mal ou insuffisamment faite!"Quant à la reprise d'une éventuelle activité sportive, elle s'effectue progressivement et avec une chevillière, du moins dans les deux premiers mois.