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"Ce SCA est la traduction clinique d'une thrombose artérielle coronaire, partielle ou totale", résume le Pr Christophe Beauloye (Cliniques Saint-Luc, UCLouvain). À ce titre, deux éléments importants sont à considérer: la présence d'une plaque athéromateuse dite instable/vulnérable, et le développement d'un phénomène thrombotique artériel. Le diagnostic de SCA repose sur la présence d'au moins deux des trois critères suivants: ? Douleur thoracique, ? Modification de l'ECG, ? Élévation du taux de troponine T ou I. Idéalement, un ECG doit être réalisé dans les dix minutes qui suivent le premier contact médical évocateur. Il montrera: ? Soit un sus-décalage persistant et significatif du segment ST (type STEMI, qui correspond à une occlusion coronaire totale), ? Soit un sus-décalage non persistant du ST, un sous-décalage, une inversion de l'onde T, ou un tracé normal (ce qui signe pour un non STEMI ou pour un angor instable). Plus précisément, le critère d'un sus-décalage significatif du segment ST (donc pour un STEMI probable) est: 1. En V2 + V3: ? ? 2,5 mm (homme < 40 ans) ? ? 2 mm (homme ? 40 ans) ? ? 1,5 mm (femme) 2. Dans les autres dérivations: ? 1 mm dans deux dérivations contiguës. En présence d'un sus-décalage ST, le diagnostic différentiel doit être principalement fait entre une ischémie myocardique transmurale (STEMI), un anévrisme pariétal, une péricardite ou une myopéricardite aiguë, une repolarisation précoce, une HVG ou un bloc de branche gauche, et une hyperkaliémie. Les stents pharmaco-actifs deviennent la normeSur le plan thérapeutique en cas de STEMI, la priorité doit évidemment viser à limiter la taille de l'infarctus, via une désocclusion coronaire. Permettant la reperfusion des tissus en aval, l'ampleur de l'effet bénéfique qu'on peut en attendre dépend de la durée de l'ischémie, et il est plus important au cours des premières heures ("golden hours"). Sur ce plan, "l'angioplastie en première intention (primaire) se montre supérieure à la thrombolyse, qui n'est d'ailleurs pratiquement plus pratiquée en Belgique", d'après Christophe Beauloye. En comparaison, l'angioplastie diminue le risque de nouvel infarctus/de récidive d'ischémie myocardique, ainsi que d'hémorragie cérébrale. Le cathétérisme se pratique par voie radiale, avec implantation d'un stent DES (pharmaco-actif). La désocclusion sera suivie immédiatement ou dans un second temps par une revascularisation des éventuelles autres lésions non responsables de l'infarctus. Parmi les complications principales de l'angioplastie par stent, on dénombre 3 à 5% d'hémorragies (parfois ailleurs qu'au point d'accès) et 1 à 2% de thromboses du stent. Sur le terrain, le délai entre l'apparition des douleurs et l'angioplastie est difficile à préciser, suite à la suppression d'un registre belge lors du passage à l'utilisation du formulaire HD4DP de Healthdata. "Ces données dites aussi Qermid appartiennent à l'Inami, et nous ne pouvons désormais en tirer que les données relatives au centre dans lequel on exerce, ce qui ne permet pas une vision d'ensemble", déplore Christophe Beauloye. "Avant cela, on savait qu'environ 85 à 90% des infarctus étaient reperfusés en Belgique. On préfère réaliser l'angioplastie primaire dans les 12 heures de l'apparition des douleurs (environ 60% des cas), mais on la pratique jusque dans les 48 heures, même si le bénéfice est alors probablement moindre." D'autres chiffres: dans un monde idéal, le délai entre le diagnostic et le passage du filament métallique au travers de l'occlusion doit rester sous les 60 minutes chez les patients déjà admis en centre spécialisé, et sous les 90 minutes chez ceux qui arrivent par le SMUR. "Le délai de 60 minutes est extrêmement court en pratique clinique, et il est donc souvent dépassé", témoigne Christophe Beauloye. Il s'agira ensuite de traiter les éventuelles complications de l'infarctus (insuffisance cardiaque aiguë, arythmies, complications mécaniques dont les ruptures du myocarde et l'insuffisance mitrale, thrombus apical...), et de prévenir le remodelage ventriculaire, source d'insuffisance cardiaque chronique. Le séjour à l'hôpital dure entre 48 et 72 heures en l'absence de complications. Le suivi pharmacologique comprend de l'acide acétylsalicylique 100 mg/j + l'inhibiteur du P2Y12 déjà débuté. Par contre, la poursuite d'un anticoagulant n'est pas systématique. Le diagnostic du non STEMI est plus compliqué, car on n'observe des modifications de l'ECG que dans un tiers des cas environ. Le diagnostic sera alors confirmé par l'élévation de la troponine, au moyen d'un double dosage (à une heure d'intervalle entre les deux mesures, pour ne pas perdre trop de temps à objectiver son augmentation progressive). Le pic se situe aux environs de 24 heures. En cas de négativité de la troponine, c'est plutôt à un angor instable qu'il faut penser. Une évolution relativement récente consiste dans le rôle diagnostique du CT-scan chez les patients qui sont à un niveau de probabilité de non STEMI intermédiaire - autrement dit, entre ceux qui ne présentent aucune douleur typique ni modification de l'ECG, avec une troponine très basse, et ceux dont le diagnostic est clair. Dans ce cas, le scanner permet d'exclure une maladie coronarienne. Par ailleurs, avant la coronarographie qui doit idéalement être réalisée dans les 24 heures, on conseille actuellement d'administrer de l'acide acétylsalicylique. Un deuxième antiplaquettaire (un inhibiteur P2Y12) ne sera administré qu'après l'examen, pour éviter les complications hémorragiques. Dans la suite, comme on considère que tant les STEMI que les non STEMI sont à risque, la prévention secondaire du SCA impose de prescrire un traitement intensif par statine (par exemple atorvastatine 80 mg/j ou rosuvastatine 40 mg/j), éventuellement additionné d'ézétimibe. "En présence d'une FEVG (fraction d'éjection du VG) inférieure à 40%, il ne faut pas oublier les IEC (avec les sartans en alternative) et les bétabloquants, ainsi que les antagonistes de l'aldostérone en complément et en l'absence d'une insuffisance rénale et d'une hyperkaliémie", ajoute Christophe Beauloye. Pour conclure, le spécialiste rappelle que le diagnostic des douleurs thoraciques soudaines reste piégeux. "Il ne faut jamais banaliser une telle douleur. La réalisation d'un ECG, si possible dans les dix minutes qui suivent le contact avec le patient, et un dosage de la troponine sont des mesures importantes à prendre, surtout pour détecter puis soigner à temps les STEMI."