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Premièrement, il est difficile d'avoir des chiffres post-pandémie. Il faut donc regarder dans le rétroviseur et se dire que, malheureusement, les chiffres ont sans doute empiré. La situation n'était déjà pas au beau fixe en 2019. Avec un taux de mortalité standardisé par suicide pour 100.000 habitants de près de 18,3 en 2019, la Belgique se situe au-dessus de la moyenne européenne, estimée à 11 pour 100.000 habitants en 2016. Avec environ 2.000 suicides par an, le suicide est donc aujourd'hui la 7e cause de mortalité pour la population belge totale, toutes causes confondues. Le suicide constitue aujourd'hui la deuxième cause de mortalité chez les jeunes en Europe. Seuls les accidents de la route sont plus meurtriers. Il y a, comme souvent, des disparités entre les régions, mais aussi les âges et les genres. Ainsi, les hommes se suicident trois plus que les femmes. On retrouve aussi davantage de comportements suicidaires chez les adolescents et les personnes âgées. Enfin, le taux de suicide est moins élevé à Bruxelles qu'en Flandres et surtout qu'en Wallonie. La crise sanitaire a bouleversé nos vies et particulièrement celles des plus jeunes, qui représentent, au vu des chiffres, un public cible de la prévention du suicide. Les professionnels de la santé mentale constatent une augmentation de la souffrance psychologique, du décrochage scolaire, social et familial, des idées noires, des troubles anxieux et alimentaires. L'enquête de santé Covid-19 réalisée par Sciensano relaye bien ce constat, avec une augmentation des pensées suicidaires et des tentatives de suicide pendant la crise. 10,5% des répondants, en juin 2021, ont déclaré avoir sérieusement envisagé le suicide au cours des 12 derniers mois. Parmi les jeunes, c'est-à-dire la tranche 18-29 ans, ce pourcentage s'élève à 17%, à savoir un jeune sur six. En ce qui concerne les tentatives de suicide, 0,7% des répondants en juin 2021 ont déclaré avoir fait une tentative de suicide au cours des 12 derniers mois. Parmi les jeunes de 18 à 29 ans, ce pourcentage s'élève à 2%. En comparaison, seulement 0,2% des répondants à l'enquête de santé de 2018 ont déclaré avoir fait une tentative de suicide au cours des 12 derniers mois. L'enquête "Covid et moi" menée par l'UCLouvain corrobore les résultats de l'enquête de Sciensano: la santé mentale des jeunes a été particulièrement impactée par la crise du Covid-19. Heureusement, la pandémie a rapidement fait évoluer les mentalités. Le Fédéral a mis 200 millions d'euros sur la table pour la santé mentale, dont 35 millions d'euros pour les jeunes. La Wallonie n'est pas restée bras ballants puisque 180 équivalents temps plein ont été déployés pour renforcer le secteur avec les moyens régionaux en complément de ceux du Fédéral, notamment pour mettre sur pied un dispositif de psychologues de première ligne pour renforcer l'accès aux soins psychologiques à prix abordable, en ce compris pour les jeunes. Certains estiment cependant que les moyens relatifs à la santé mentale sont mal répartis sur le territoire wallon. Sur le terrain, l'ASBL "Un pass dans l'impasse" a récemment été reconduit en tant que Centre de référence en santé mentale spécifique en matière de suicide jusqu'au 30 juin 2026. Deux équivalents temps plein supplémentaires ont été subsidiés pour un montant de 136.000 euros afin de répondre à l'afflux des demandes. Au total, 340 000 euros ont été injectés en plus du financement structurel pour faire face aux nouveaux besoins. Concrètement, ces moyens serviront à la "postvention" au travers de formations, suivant les recommandations réalisées par la Commission ad hoc de la Fédération Wallonie-Bruxelles. "En l'occurrence, nous dégageons des moyens pour former, via "Un pass dans l'impasse", des professionnels qui vont mettre en place un dispositif adapté à leurs réalités de terrain en amont d'un événement traumatique en lien avec le suicide: actions à mener, calendrier, qui, quand, comment, et cetera", précise Christie Morreale, ministre wallonne de la Santé, qui s'est étendue sur le sujet en Commission santé régionale. En dehors des formations, les psychologues de l'ASBL restent disponibles par téléphone pour aider les professionnels à réagir le plus rapidement et efficacement possible face à la crise lorsqu'un événement imprévisible se produit. Dans le cadre de la Semaine de la santé mentale, qui se déroulera du 10 au 16 octobre prochains, le centre mettra en place toute une série de sensibilisations sur la prévention du suicide à destination des élèves du secondaire supérieur. "L'objectif est de présenter une autre vision aux jeunes concernant cette thématique difficile et leur donner quelques clés et pistes. Quand on ne va pas bien, la première chose, c'est d'en parler et de dire qu'il est normal de ne pas bien aller et d'avoir des angoisses. Le premier pas vers la guérison est de pouvoir exprimer le fait de ne pas se sentir bien, d'avoir des idées noires ou même des idées de suicide, avec parfois des tentatives de suicide antérieures. On leur donne aussi des éléments auxquels ils peuvent être attentifs vis-à-vis d'un pair en souffrance."