L'Inami peaufine un plan de sevrage aux benzodiazépines en préparation magistrale remboursée. Alain Chaspierre (SSPF) l'a présenté lors de la Journée d'étude Big Bird, tout en insistant sur l'intérêt des concertations médico-pharmaceutiques.
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"L a consommation de benzodiazépines est souvent inappropriée en termes de dose et de durée et c'est un problème de santé publique. Un autre élément important, c'est qu'on a constaté l'impact économique des effets indésirables de ce type de consommation, notamment les chutes chez les personnes âgées ou les accidents de la circulation. En Europe, on estime les coûts supplémentaires dus aux chutes attribuables à l'usage des benzodiazépines à 1,8 milliard d'euros. Or, ces dépenses sont évitables", estime Alain Chaspierre, directeur de la Société scientifique des pharmaciens francophones (SSPF). " On a fait des campagnes d'information du grand public et des prestataires de soins, l'AFMPS a insisté pour que l'industrie produise des petits conditionnements... Entre 2016 et 2019, on a constaté une légère diminution de 9% de la consommation moyenne journalière d'agonistes des récepteurs des benzodiazépines (BZRA) dans la population générale mais, en Belgique, cette consommation reste l'une des plus élevées en Europe", poursuit-il. C'est pourquoi l'Inami travaille aux modalités de remboursement d'un sevrage aux benzodiazépines en préparation magistrale. Il devrait être mis en place au troisième trimestre de 2022: " Ce Plan a été approuvé dans la trajectoire Inami 22-24. C'est une très bonne nouvelle parce qu'aujourd'hui, si le patient veut une diminution progressive en préparation magistrale, il doit payer le prix plein. Or, c'est la méthodologie la plus simple pour ce sevrage." La question préliminaire à se poser est de savoir pourquoi le patient prend une benzodiazépine? " Si c'est uniquement dans le contexte de l'insomnie, par habitude, alors il y a un intérêt du sevrage pour les 18-64 ans. Par contre, s'il y a d'autres indications, on ne fait pas de plan de sevrage." " L'Inami a fait une analyse de faisabilité d'un tel programme parce que plusieurs études ont démontré un taux de succès plus grand avec un plan de sevrage progressif que sans. Au Canada, on a démontré un taux de succès de 40% à 60% chez les patients institutionnalisés ou non: donc ce type d'approche fonctionne. La réduction progressive de la dose par prescription de préparation magistrale en gélule permet une approche individualisée en fonction de la typologie patient." " Cette approche nécessite un accompagnement par le médecin traitant. Toutes les études montrent que c'est le maillon clé pour initier ce sevrage. C'est lui qui prescrit le plan par modules (10 gélules)", ajoute Alain Chaspierre. " On recommande aujourd'hui un sevrage adapté de quatre à dix semaines (maximum 60 jours) où on diminue progressivement la dose, en partant idéalement de la molécule utilisée par le patient. Les quatre benzodiazépines les plus utilisées en Belgique sont disponibles en matière première ce qui permet de réaliser la préparation magistrale. Pour les autres spécialités, on peut écraser les comprimés pour faire les gélules." " Il y a eu un débat sur l'utilisation du diazépam (benzodiazépine à longue durée d'action) pour le plan de sevrage parce que cela permettait de diminuer les doses tout en gardant cette longue durée action. Or, on a démontré que cela n'a pas d'intérêt et que cela génère des effets indésirables dus à une rémanence de l'effet du diazépam pendant la journée." Pour compléter, les études montrent aussi la nécessité d'un soutien psychologique dans certains cas, notamment pour les patients qui consomment une dose nettement plus élevée que la dose thérapeutique conseillée. " L'Inami estime à 19.300/an le nombre de patients éligibles pour ce sevrage, pour un coût annuel de 2,6 millions d'euros. Une analyse pharmaco-économique suggère un retour sur investissement après 19 mois. Les économies réalisées sur le nombre de chutes etc. permettant largement de récupérer pour financer ce service", commente-t-il. Chaque année, l'Inami met un budget d'un million d'euros à disposition pour organiser des concertations médico-pharmaceutiques (CMP). Chaque projet local médecin/pharmacien approuvé reçoit une aide financière pouvant aller jusqu'à 2.500 euros: 500 euros après l'approbation du projet, 500 euros pour rémunérer un animateur, 750 euros pour le rapport de la réunion et 750 euros pour le rapport d'évaluation montrant un effet des recommandations formulées. " Or, il y a très peu de réunions organisées du côté francophone", constate Alain Chaspierre . "Il y en a un peu plus du côté néerlandophone parce qu'il y a une dynamique locale qui stimule les gens à en faire." Plusieurs programmes de promotion de la qualité approuvés peuvent servir dans le contexte du sevrage des benzodiazépines: les troubles d'origine médicamenteuse, les médicaments à risque d'usage détourné et de dépendance, la prescription magistrale comme option thérapeutique additionnelle, la gestion interdisciplinaire de la polymédication chez le patient âgé, vers une bonne collaboration médecin généraliste/pharmacien pour abus et dépendance, la prévention des chutes, ou encore l'utilisation rationnelle des benzodiazépines pour l'insomnie grâce à une collaboration multidisciplinaire... " Il faut utiliser les CMP qui permettent par exemple de sensibiliser aux messages clés qui ne sont pas toujours donnés lors de la première délivrance de somnifères. Médecins et pharmaciens ont un rôle majeur à jouer: en collaborant, ils peuvent agir sur la polymédication, la litératie en santé, la compliance, favoriser l'autonomie...", insiste-t-il.