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Pourquoi se doter d'un registre national vaccinal informatisé (RNVI)? " Parce que le concept de protection vaccinale a évolué au cours des deux dernières décennies. D'une vaccination centrée sur l'enfant, on est passé à une vaccination qui protège tout au long de la vie, avec la vaccination adolescente (méningocoque, HPV), celle à l'âge adulte (pneumo, herpès zoster, grippe...) et celle des femmes enceintes et des immunodéprimés", estime Béatrice Swennen (ULB). Autre évolution notable: le calendrier vaccinal de l'enfant est passé de cinq à douze maladies évitables (vaccins pour tous et choix vaccinal élargi (Rota, MenACWY...)). Enfin, la dernière évolution est due aux épidémies. " Un registre devient aussi important parce qu'il y a la liberté de choix du vaccinateur et une multiplicité des vaccinateurs. Au cours d'une vie, on peut avoir affaire à une dizaine de vaccinateurs différents", constate-t-elle. Quelles sont les fonctionnalités d'un RNVI? Au niveau individuel, il permet l'enregistrement de chaque vaccination, l'accès à l'information vaccinale d'un sujet, la traçabilité des produits, l'analyse de la qualité et du respect du calendrier, la production de certificat de vaccination voire inviter à la vaccination. Au niveau de la population, il permet de mesurer la couverture vaccinale et son évolution, l'efficacité de la vaccination, l'adhésion et le suivi des recommandations, l'implication des vaccinateurs, l'échange d'informations de pharmacovigilance, le suivi de la distribution et de la gestion des stocks de vaccins. " L'évolution de la vaccination fait qu'on a un intérêt croissant pour développer des registres nationaux. Mais il faut une transparence importante. Plusieurs questions restent à débattre: est-ce que la répartition des compétences vaccinales en Fédération Wallonie-Bruxelles permet de développer un RNVI pérenne et efficace? Pour quelle finalité? ... Il faut veiller à ces questions pour éviter des phantasmes à la Big Brother. On peut se poser des questions quand on voit que Vaccinnet+ a permis d'enregistrer la vaccination de la population contre le Covid-19. Or, le CST en a été un produit dérivé: tant qu'il était une preuve de vaccination, cela ne me posait aucun souci, mais, quand il a commencé à être utilisé de façon à limiter un certain nombre de choses, il aurait fallu pouvoir en informer les gens avant de les obliger à être candidats à la vaccination. Il y a là un problème éthique", met en garde Béatrice Swennen. Le " Registre national de vaccination": une utopie ou une possibilité? Telle était la question posée aux experts réunis autour de la table ronde du matin. Lucie Catteau, pharmacienne et épidémiologiste chez Sciensano, a mis en avant l'intérêt du projet Link-Vacc mis en place pour surveiller la vaccination contre le Covid-19 qui a permis de faire des liens avec d'autres bases de données comme celle des tests Covid. " Il faudrait pouvoir continuer: on a fait un grand pas en avant avec cette crise et le fait qu'on ait ce registre national, ce serait frustrant que cela n'ait existé que pour le Covid-19. Alors qu'on parle d'un retour en arrière avec une réutilisation des registres régionaux, c'est-à-dire trois outils différents. On a atteint un objectif grâce à la pandémie, on a un outil qui fonctionne et que les prestataires de soins ont pris l'habitude d'utiliser et maintenant, on va venir avec d'autres outils qui risquent de compliquer les choses." Le Dr Charlotte Martin, chef du service des Maladies infectieuses et de la Travel Clinic du CHU Saint-Pierre (Bruxelles), a fait observer que, d'un point de vue pratique, l'absence d'un registre national de vaccination est un enfer au quotidien: " Les gens sont étonnés qu'on ait pas de trace de leurs vaccinations. On doit donc revacciner des gens, ce qui coûte cher à tout le monde. Au-delà de ça, on est dans une période où l'hésitation vaccinale augmente. Avoir un registre national c'est un gage de transparence par rapport à la population, ça montrerait que nous ne sommes pas des amateurs. Cela n'augmente pas la confiance de la population quand on leur dit que ce n'est pas grave, qu'on peut refaire le vaccin contre le tétanos, par exemple. Ce n'est pas une marque de fiabilité par rapport au corps médical et à la vaccination. Il est intéressant que les gens sachent qu'on ne fait pas de vaccins en trop. Cela permettrait, entre autres, d'augmenter leur confiance et de contrer l'hésitation vaccinale." Michel Candeur, informaticien et responsable de la plateforme e-Vax pour le Programme de vaccination Fédération Wallonie-Bruxelles, a regretté qu'e-Vax soit passé sous la tutelle de l'ONE alors que la mission de cette dernière n'est pas de surveiller la vaccination des adultes. " Il faut avoir une vision large, de la naissance à la fin de la vie: c'est un problème de volonté et de politique. Actuellement, il y a une volonté de créer un Hub qui va au-delà de la petite enfance. On s'est affranchi de la tutelle de l'ONE et on met la pression sur les développeurs de logiciels labellisés pour qu'ils fassent des ponts avec e-Vax. On est en phase test pour les MG et pédiatres, ce sera opérationnel dans les mois qui viennent." Marc Vanmeerbeek, médecin généraliste et professeur au département de MG à l'ULiège, a souligné qu'il est important d'assurer une surveillance tout au long de la vie, surtout pour les personnes vieillissantes, et que la vaccination est un de ces éléments: " Je rêve de l'intégration complète du registre vaccinal dans mon logiciel, dans la fiche de chaque patient (l'ONE n'encode rien). Il faut donc outiller les généralistes. Je suis pour une refédéralisation des registres de vaccination." Enfin, Nicolas Echement, secrétaire général de l'APB, a insisté sur le rôle que peuvent jouer les pharmaciens dans la sensibilisation de la population, comme ils le font déjà dans le cadre de la grippe. Le même genre de pop-up est apparu sur les ordinateurs de pharmaciens pour les inciter à sensibiliser les patients à la vaccination contre le Covid-19. " Toutes les personnes qui ne fréquentent pas un MG ont droit à avoir un schéma de vaccination correct. Pour nous, il paraît essentiel d'avoir cette information et donc d'avoir accès au registre de vaccination (national ou fédéré). En toute logique, il serait plus intelligent d'avoir un registre national." Charlotte Martin plaide aussi pour un registre de vaccination le plus global possible: " Il n'y aurait que des bénéfices en terme de communication au public. Avant la pandémie, la vaccination ne parlait pas beaucoup aux adultes, il y a un manque de communication vers le grand public. Donc, s'il y avait un registre auquel tous les professionnels de soins, généralistes, pharmaciens, pédiatres... auraient accès, cela accroîtrait le processus de visibilité de la vaccination dans la population adulte. Cela devrait être complété par une communication par les grands médias et les réseaux sociaux. On avait l'espoir que la vaccination Covid allait revaloriser l'image de la vaccination aux yeux de la population, ça n'a pas été le cas! Il faut donc surfer sur les bénéfices que cette crise nous a amenés, il faut rééduquer, réinformer la population adulte sur la vaccination. Un registre aiderait tous les prestataires de soins. Et pourquoi ne pourrait-on pas voir les vaccinations dans l'app Masanté, à côté des ordonnances?"Encore faut-il garantir la sécurité d'un tel registre. Tous les experts se sont accordés sur cette nécessité. " Et obtenir l'adhésion de la population parce qu'on a beaucoup parlé de Big Pharma et de Big Brother pendant la pandémie...", a encore mis en garde le Dr Vanmeerbeek.