...

Mi-novembre, Hagai Levine et al. ont publié dans Human Reproduction Update une étude dont il ressort que la qualité du sperme humain n'a cessé de se dégrader au cours des 40 dernières années [1]. Le même groupe de recherche avait déjà formulé des conclusions similaires en 2017, sur base d'une méta-analyse de 10 000 publications portant sur la concentration du sperme [2] - comprenez, le nombre de spermatozoïdes par millilitre de semence. Les valeurs normales pour ce paramètre oscillent entre 15 millions et plus de 200 millions de spermatozoïdes par ml. La méta-analyse initiale portait sur des données en provenance d'Europe, d'Amérique du Nord et d'Australie. Les auteurs ont à présent complété leurs calculs par des chiffres plus récents qui concernent également l'Amérique du Sud, l'Afrique et l'Asie. Il en ressort que, à l'échelon mondial, la concentration du sperme a chuté en moyenne de 101 à 49 millions de spermatozoïdes par ml (p < 0,001) entre 1973 et 2018 [1]. Une trop faible concentration spermatique est l'une des causes de l'infertilité masculine, qui peut expliquer 50% des problèmes de fertilité. Une trop faible concentration spermatique peut découler de paramètres touchant au mode de vie, comme par exemple la consommation de tabac, d'alcool et de drogues, mais aussi par exemple de problèmes de surpoids, de dépression ou de stress. Les infections (p.ex. à Chlamydia trachomatis) peuvent également entraver la production des spermatozoïdes, tout comme des défauts génétiques/congénitaux, des troubles hormonaux et certains médicaments [3]. La qualité du sperme est aussi affectée par un large éventail de facteurs environnementaux, dont la pollution atmosphérique, les pesticides, les plastiques, les métaux lourds, etc. [4]. La température ambiante est connue de longue date pour pouvoir influencer la qualité du sperme. La température du scrotum est en effet inférieure de 2 à 4° C à la température centrale du corps et, si elle augmente, la spermatogenèse peut s'en trouver affectée. Ce phénomène a un impact sur tous les paramètres qui déterminent la qualité du sperme, dont notamment la concentration spermatique et la motilité des spermatozoïdes [4]. Une exposition constante à la chaleur dans un cadre professionnel aussi peut influer sur la qualité du sperme. C'est notamment le cas chez les personnes amenées à travailler avec des fours (comme les boulangers ou les céramistes), dans des cuisines ou dans des laveries professionnelles. Le simple fait de porter des sous-vêtements trop ajustés ou de prendre fréquemment des bains chauds peut toutefois déjà suffire à faire des dégâts, même si tous ces effets sont heureusement réversibles [4]. Le réchauffement climatique aussi représente une menace potentielle, comme en témoignent des mesures qui révèlent que la concentration spermatique est plus faible en été qu'en hiver. Une étude de l'université américaine UCLA a ainsi démontré qu'aux États-Unis, on dénombre plus de naissances en août et septembre qu'au cours des autres mois de l'année, ce qui correspond à une conception au cours de la saison la plus froide [5]. Il semble que cette tendance ne s'explique pas par des rapports sexuels plus fréquents en hiver - dans les faits, ce serait plutôt le contraire. Le même groupe de recherche a par ailleurs observé une baisse sensible des naissances 8 à 10 mois après les périodes où la température dépassait 80°F (environ 27° C) [5]. En 2018, un panel d'experts (dont Hagai Levine) a même été jusqu'à tirer la sonnette d'alarme, soulignant l'importance de la fertilité masculine pour la survie de l'humanité [6] et mettant une nouvelle fois en exergue l'urgence de la lutte contre le changement climatique. À ce stade, la menace n'est évidemment que très théorique, sachant que les Nations unies ont récemment annoncé que notre espèce avait franchi le cap spectaculaire de 8 milliards d'individus... mais la croissance semble tout de même ralentir partout dans le monde. Alors qu'il n'a fallu que 11 ans pour voir la population augmenter d'un milliard, une nouvelle progression de cette ampleur n'est attendue qu'à l'horizon 2037. Selon toute vraisemblance, le phénomène doit toutefois moins à la fertilité masculine qu'à une amélioration de la situation des femmes, qui ont aujourd'hui une plus grande maîtrise sur le nombre de leurs grossesses [7].