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Ce plan de sevrage s'adresse aux patients en ambulatoire, sur démarche volontaire, qui prennent une benzodiazépine/z-drug depuis au moins trois mois pour traiter une insomnie (en première indication), à une dose maximum de 3 DDD (Defined Daily Dose, dose quotidienne définie). Il se conclut en tripartite entre le patient, le médecin et le pharmacien. Le médecin prescrit les préparations magistrales, selon différents schémas de sevrage (par exemple, en cinq paliers avec une réduction de 20% des doses, un palier dure 30 jours) et pour une durée maximum d'un an. Il est possible de prolonger un palier en fonction des besoins du patient, ou de suspendre le programme dans divers cas, notamment une hospitalisation. Le pharmacien peut faire deux entretiens avec le patient: le premier qui aboutit au contrat tripartite sur le sevrage aux benzos, et le deuxième à la fin du programme. Le patient doit acheter sa boîte de somnifères habituelle et la préparation des magistrales est remboursée. Il s'agit toujours d'un projet pilote qui sera évalué après un an. La réussite de cette entreprise est bien sûr conditionnée par la façon dont patients et praticiens vont adhérer au plan de sevrage, et par les moyens mis en place. Première limite, le budget octroyé est très réduit: "Il s'élève à 150.000 euros, ce qui correspond à 1.500 patients", souligne Nicolas Echement, porte-parole de l'APB. "Or, on estime à 200.000 le nombre de personnes sous benzodiazépines en Belgique... Malheureusement, avec ce projet, on ne va toucher que la pointe de l'iceberg. Cependant, si on le met en place, c'est aussi pour lutter contre les effets indirects des benzodiazépines (accidents, pertes de connaissance...). Ce sevrage existe déjà de manière ponctuelle mais, ici, l'idée est d'offrir cette possibilité à tout le monde et de permettre au patient de demander de l'aide pour arrêter ses benzos." Selon une enquête menée par l'AFMPS en 2020 sur l'utilisation des benzodiazépines et substances apparentées dans le cadre des troubles du sommeil, la majorité des patients concernés étaient en situation de mésusage, et 75% souhaitaient pouvoir arrêter leur traitement, 67% déclarant avoir déjà tenté de le faire. "Tout ce qui permet de diminuer la consommation de benzos est une bonne chose", estime le Dr Quentin Mary, président de la SSMG. " Dans notre position, nous voulons d'abord mettre en avant notre relation avec le patient parce que c'est ça qui va faire que ça fonctionne ou pas. Ensuite, le contrat de coopération avec le pharmacien est une aide supplémentaire. Il y a toujours moyen de faire ce sevrage à sa façon, mais ici on veut clarifier et simplifier les choses aux yeux des médecins en leur proposant un schéma type où tout est déjà pris en compte par l'Inami, sans que ce soit trop figé pour pouvoir répondre à la réalité de terrain. Il suffit de suivre la route, mais ce Plan laisse au MG beaucoup de latitude pour décider de raccourcir ou de rallonger des paliers en fonction de l'évolution du patient. C'est bien que ce soit sous prescription du médecin, nous gardons ainsi la main, mais en accord avec le pharmacien, ce qui va pousser la collaboration entre nous." Pour faire de ce plan de sevrage un succès, il faut en effet que le tandem médecin/pharmacien fonctionne et que les médecins soient mis au courant de cette possibilité. La SSMG leur donnera l'occasion d'en savoir plus le 1er avril prochain, lors de la grande journée "Rampe-âge 2.3" sur les personnes âgées à domicile, qui aura pour thème la polymédication. Cette formation s'adresse aux MG, aux pharmaciens et aux infirmiers, trois métiers concernés par cette thématique qui verra plusieurs évolutions cette année, puisqu'après la déprescription des benzodiazépines en février, la revue de médication sera officiellement lancée en avril. Il est également envisagé de faire des formations multidisciplinaires, et éventuellement d'ouvrir aux médecins l'e-learning (18/4, 30/5 et 28/9) organisé par la Société scientifique des pharmaciens francophones (SSPF) sur la déprescription et le sevrage des benzodiazépines donné par la Pre Anne Spinewine (UCLouvain). " L'idée de la collaboration avec la SSPF est intéressante parce qu'il est important que tout le monde ait la même information et qu'on puisse se rendre compte en direct des questions que les uns et les autres se posent et de leurs inquiétudes. Nous devons encore définir comment avancer ensemble", précise le Dr Mary. Pour installer ce nouveau projet et le suivant relatif à la revue de médication, on mise aussi sur les concertations médico-pharmaceutiques (CMP). Sur le site de l'Inami, il y a un programme de promotion de la qualité intitulé "utilisation rationnelle des benzodiazépines pour l'insomnie grâce à une collaboration multidisciplinaire". L'objectif est "de conclure des accords locaux entre les médecins généralistes et les pharmaciens pour réduire la consommation de benzodiazépines. Des accords clairs doivent être conclus sur la manière de démarrer et d'éliminer progressivement les benzodiazépines, ainsi que sur la manière de motiver le patient". Validé en 2022, ce programme de l'Inami il doit être mis à jour et incorporer les modalités pratiques de mise en oeuvre du nouveau plan de sevrage chez un patient. "Ensuite, on formera les animateurs (mars-avril) et on pourra alors animer des soirées de concertation médecin/pharmacien, sans doute à partir de fin avril jusqu'à la fin de l'année, de manière très intensive", précise Alain Chaspierre, directeur de la SSPF. Pour le Dr Mary, il est essentiel que tout le monde entende d'abord le même message et ensuite stimuler les CMP locales où médecins et pharmaciens d'un même coin peuvent apprendre à mieux communiquer ensemble dans l'intérêt des patients.