Charles Renoirte, dermatologue collaborant notamment à Epicura Baudour et à l'Institut Bordet, rappelle que l'incidence du mélanome augmente fortement en Belgique: en à peine douze ans (soit entre 2008 et 2020), elle est passée de 12,9 à 29,6 pour 100.000 habitants, soit une multiplication par 2,26. Un autre chiffre parlant: l'année 2019 a permis d'identifier 3.726 nouveaux cas.

Il faut également rappeler que le mélanome touche des gens relativement jeunes, avec un pic aux alentours de 50 ans chez les femmes et de 65 ans chez les hommes. Quant à la mortalité, elle reste relativement stable depuis de nombreuses années, grâce à l'effet "compensatoire" du développement du dépistage précoce et de l'évolution spectaculaire des traitements disponibles.

L'enfance, une période décisive

Les effets biologiques des radiations solaires sur la peau se montrent principalement à long terme. Les carcinomes cutanés sont dose-dépendants, tandis que le risque de mélanome chez un individu donné est surtout lié à son degré d'exposition avant l'âge de 15 ans. La peau de l'enfant est en effet trop immature pour constituer une barrière suffisante. De plus, l'enfance est un âge crucial pour l'acquisition de bonnes habitudes.

Les mécanismes en jeu sont multiples, au travers d'un effet direct ou via un stress oxydatif sur l'ADN ainsi que d'une composante immunosuppressive. "La protection reste primordiale", insiste Charles Renoirte, et tout particulièrement lorsque les rayons solaires sont assez verticaux. "Un petit truc simple à retenir: l'exposition est à éviter lorsqu'on observe que l'ombre est plus petite que soi."

Un diagnostic anatomopathologique pas toujours simple

Le dépistage précoce des mélanomes est évidemment d'un intérêt capital. Si, au premier abord (et sans dermatoscope), il n'est pas toujours simple de déterminer si on a affaire à un mélanome ou pas, quatre caractéristiques majeures sont à détecter: ABCD, pour Asymétrie, Bords irréguliers, Couleurs, et Dynamique (ce qui correspond plus précisément à des modifications de l'aspect et de la régularité).

Une composante importante de la prise en charge d'un mélanome est son identification histologique précise, tant les variantes sont nombreuses. Une nouvelle classification des lésions repose sur deux grandes catégories: les UV-dépendantes et celles qui ne le sont pas. "Chacune de ces catégories recouvre tout un spectre de lésions allant du bénin au malin, avec des profils moléculaires communs", explique Nathalie Renard, anatomopathologiste au Chwapi. Un travail complexe, qui ne se limite pas à l'observation microscopique: " Notre rôle est d'intégrer la morphologie de la lésion, la clinique, les données de l'immunohistochimie et celles de la biologie moléculaire."

Une composante importante de la prise en charge d'un mélanome est son identification histologique précise, tant les variantes sont nombreuses.

De nombreux aspects comme le caractère invasif ou in situ doivent faire partie du rapport anatomopathologique. L'épaisseur selon Breslow, qui est l'épaisseur maximale d'infiltration à partir de la couche granuleuse ou de l'ulcère et est intégrée au stade TNM, permet déjà de donner une idée de pronostic a priori. Le taux de survie à cinq ans se situe entre 70 et 80% pour un Breslow compris entre un et deux milimètres et tourne autour de 50% lorsqu'il dépasse quatre milimètres.

Un autre facteur pronostique important est le degré d'infiltration de la tumeur par des TIL, alias Tumor Infiltrating Lymphocytes. La présence de ces lymphocytes intratumoraux correspond à une immunothérapie naturelle. Il existe plusieurs types de scoring des TIL, le plus utilisé étant celui de Clark.

Au-delà du mélanome sensu stricto, un élément clé pour le pronostic et la stratégie thérapeutique est le ganglion sentinelle, situé dans la zone de drainage du mélanome. Lorsqu'il est envahi, le traitement proposé comprendra, dans la plupart des cas, un curage ganglionnaire, associé ou non à un traitement adjuvant.

Médicaments biologiques et thérapies ciblées

Les premiers traitements médicaux du mélanome se basaient sur le cisplatine puis sur la dacarbazine, pour des résultats limités et au prix d'une toxicité notamment hématologique élevée. "En fait, on a un peu tout essayé", explique l'oncologue Aurélien Simon.

Une première révolution est apparue en 2011 avec l'ipililumab, un anticorps inhibiteur du point de contrôle CTLA-4 des lymphocytes T (activé par certains cancers, le CTLA-4 altère l'efficacité du lymphocyte). Une seconde tient dans les anti-PD1 (nivolumab et pembrolizumab), qui doublent pratiquement la survie moyenne (32,7 mois versus 15,9 mois). "L'immunothérapie est un processus lent: le temps moyen avant réponse s'établit entre six et douze semaines, certains patients ne répondant qu'à la 24e semaine. Il ne faut donc jamais arrêter trop tôt un tel traitement. " Il faut aussi savoir qu'environ 30% des patients connaîtront, au cours des six premières semaines, une phase de pseudo-progression avec augmentation de la taille des lésions ou l'apparition de nouvelles: en fait, il ne s'agit que d'un processus inflammatoire.

Une nouvelle stratégie thérapeutique combine logiquement un anti-PD1 et un anti-CTLA4. Le coût de ces traitements est élevé, avec une toxicité non négligeable, mais le taux de réponse complète tourne aux environs de 70%. Les thérapies ciblées sont également à l'honneur, avec des agents comme le vémurafénib, le dabrafénib, le tramétinib ou l'association encorafénib/binémétinib. En résumé, pour Aurélien Simon, de nombreux défis se posent encore " mais les avancées médicales sont quotidiennes."

Charles Renoirte, dermatologue collaborant notamment à Epicura Baudour et à l'Institut Bordet, rappelle que l'incidence du mélanome augmente fortement en Belgique: en à peine douze ans (soit entre 2008 et 2020), elle est passée de 12,9 à 29,6 pour 100.000 habitants, soit une multiplication par 2,26. Un autre chiffre parlant: l'année 2019 a permis d'identifier 3.726 nouveaux cas. Il faut également rappeler que le mélanome touche des gens relativement jeunes, avec un pic aux alentours de 50 ans chez les femmes et de 65 ans chez les hommes. Quant à la mortalité, elle reste relativement stable depuis de nombreuses années, grâce à l'effet "compensatoire" du développement du dépistage précoce et de l'évolution spectaculaire des traitements disponibles. Les effets biologiques des radiations solaires sur la peau se montrent principalement à long terme. Les carcinomes cutanés sont dose-dépendants, tandis que le risque de mélanome chez un individu donné est surtout lié à son degré d'exposition avant l'âge de 15 ans. La peau de l'enfant est en effet trop immature pour constituer une barrière suffisante. De plus, l'enfance est un âge crucial pour l'acquisition de bonnes habitudes. Les mécanismes en jeu sont multiples, au travers d'un effet direct ou via un stress oxydatif sur l'ADN ainsi que d'une composante immunosuppressive. "La protection reste primordiale", insiste Charles Renoirte, et tout particulièrement lorsque les rayons solaires sont assez verticaux. "Un petit truc simple à retenir: l'exposition est à éviter lorsqu'on observe que l'ombre est plus petite que soi."Le dépistage précoce des mélanomes est évidemment d'un intérêt capital. Si, au premier abord (et sans dermatoscope), il n'est pas toujours simple de déterminer si on a affaire à un mélanome ou pas, quatre caractéristiques majeures sont à détecter: ABCD, pour Asymétrie, Bords irréguliers, Couleurs, et Dynamique (ce qui correspond plus précisément à des modifications de l'aspect et de la régularité). Une composante importante de la prise en charge d'un mélanome est son identification histologique précise, tant les variantes sont nombreuses. Une nouvelle classification des lésions repose sur deux grandes catégories: les UV-dépendantes et celles qui ne le sont pas. "Chacune de ces catégories recouvre tout un spectre de lésions allant du bénin au malin, avec des profils moléculaires communs", explique Nathalie Renard, anatomopathologiste au Chwapi. Un travail complexe, qui ne se limite pas à l'observation microscopique: " Notre rôle est d'intégrer la morphologie de la lésion, la clinique, les données de l'immunohistochimie et celles de la biologie moléculaire."De nombreux aspects comme le caractère invasif ou in situ doivent faire partie du rapport anatomopathologique. L'épaisseur selon Breslow, qui est l'épaisseur maximale d'infiltration à partir de la couche granuleuse ou de l'ulcère et est intégrée au stade TNM, permet déjà de donner une idée de pronostic a priori. Le taux de survie à cinq ans se situe entre 70 et 80% pour un Breslow compris entre un et deux milimètres et tourne autour de 50% lorsqu'il dépasse quatre milimètres. Un autre facteur pronostique important est le degré d'infiltration de la tumeur par des TIL, alias Tumor Infiltrating Lymphocytes. La présence de ces lymphocytes intratumoraux correspond à une immunothérapie naturelle. Il existe plusieurs types de scoring des TIL, le plus utilisé étant celui de Clark. Au-delà du mélanome sensu stricto, un élément clé pour le pronostic et la stratégie thérapeutique est le ganglion sentinelle, situé dans la zone de drainage du mélanome. Lorsqu'il est envahi, le traitement proposé comprendra, dans la plupart des cas, un curage ganglionnaire, associé ou non à un traitement adjuvant. Les premiers traitements médicaux du mélanome se basaient sur le cisplatine puis sur la dacarbazine, pour des résultats limités et au prix d'une toxicité notamment hématologique élevée. "En fait, on a un peu tout essayé", explique l'oncologue Aurélien Simon. Une première révolution est apparue en 2011 avec l'ipililumab, un anticorps inhibiteur du point de contrôle CTLA-4 des lymphocytes T (activé par certains cancers, le CTLA-4 altère l'efficacité du lymphocyte). Une seconde tient dans les anti-PD1 (nivolumab et pembrolizumab), qui doublent pratiquement la survie moyenne (32,7 mois versus 15,9 mois). "L'immunothérapie est un processus lent: le temps moyen avant réponse s'établit entre six et douze semaines, certains patients ne répondant qu'à la 24e semaine. Il ne faut donc jamais arrêter trop tôt un tel traitement. " Il faut aussi savoir qu'environ 30% des patients connaîtront, au cours des six premières semaines, une phase de pseudo-progression avec augmentation de la taille des lésions ou l'apparition de nouvelles: en fait, il ne s'agit que d'un processus inflammatoire. Une nouvelle stratégie thérapeutique combine logiquement un anti-PD1 et un anti-CTLA4. Le coût de ces traitements est élevé, avec une toxicité non négligeable, mais le taux de réponse complète tourne aux environs de 70%. Les thérapies ciblées sont également à l'honneur, avec des agents comme le vémurafénib, le dabrafénib, le tramétinib ou l'association encorafénib/binémétinib. En résumé, pour Aurélien Simon, de nombreux défis se posent encore " mais les avancées médicales sont quotidiennes."