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La conception actuelle de la capacité a beaucoup évolué au fil du temps. Aujourd'hui, elle consiste à vérifier l'état de capacité de quelqu'un de décider pour lui-même ce qui est le meilleur. À chaque fois qu'intervient, dans la loi, la capacité à consentir, le juge renvoie la balle au praticien: quand il désigne un administrateur de biens ou quand une représentation spéciale est nécessaire, il sollicite un rapport d'expertise médicale auprès de lui. "L'idéal serait qu'on ait un dispositif médical qui entre dans le cerveau de la personne et qui détermine à coup sûr la capacité (ou non) de consentir du patient. Mais c'est impossible", reconnaît rapidement l'orateur, Maître Jean-Jacques Vandenbroucke. Aujourd'hui cependant, la capacité à consentir n'est plus figée. "On mesure le discernement de manière beaucoup plus subtile. Même lorsqu'il y a représentation d'une personne réputée incapable de consentir, la première chose à consulter est la capacité à consentir pour telle ou telle question de droit. Certains cas ne peuvent pas faire l'objet de la représentation: la stérilisation, les questions relatives aux mineurs d'âge... Aujourd'hui, l'incapacité est l'exception, la règle, c'est la capacité", explique l'avocat honoraire. Le préalable au consentement, en toute circonstance, c'est l'information. Pour toute personne qui doit prendre une décision par rapport à elle-même, il faut que le consentement soit éclairé. Le praticien doit remplir son obligation d'information, car cette dernière entraîne sa responsabilité médicale. En principe, c'est à celui qui allègue un fait et demande un règlement, ici, le patient-demandeur, d'assumer la charge de la preuve qu'il n'a pas été informé. Or, il est très difficile de prouver quelque chose de négatif. C'est l'inverse en France et au Luxembourg, où c'est le médecin qui doit prouver (lire jdM n°2753). Toutefois, une modification récente est apparue dans le Code judiciaire: à partir du moment où il y a procédure (et donc preuve à apporter), les deux parties peuvent collaborer à la preuve. Les tribunaux se sont engouffrés dans cette brèche: chaque partie peut aller chercher des éléments de preuves dans le dossier de l'autre. Évidemment, la partie adverse est rarement encline à donner accès à ses dossiers. Mais, dans le cas où le juge constate une difficulté à apporter la preuve et que la partie adverse ne collabore pas, le juge peut renverser la charge de la preuve en cours de procédure. "Nous avons pu faire appliquer ce principe dans une affaire récente", témoigne Me Vandenbroucke. "Le dossier médical était tout à fait lacunaire, déficitaire à propos de l'opération mise en cause par la patiente. Nous avons plaidé que le caractère lacunaire du dossier permettait au juge de renverser la charge de la preuve du côté du médecin." Le devoir d'information reste limité pour le praticien. Un médecin peut tout à fait ne pas divulguer l'information au patient s'il estime qu'il y a un danger grave pour la santé du patient d'apprendre l'information, à condition que mention en soit faite dans le rapport du dossier médical, même si cette information est réclamée par le patient. Le patient, à l'inverse, a le droit de demander que le médecin ne divulgue pas le résultat d'un diagnostic, à partir du moment où cela ne l'intéresse pas. S'il y a un danger sérieux et grave pour le patient de ne pas savoir, le médecin peut toutefois passer outre cette objection, à condition de consulter un confrère au préalable. "Vous devez être très prudents aujourd'hui, et vous ménager des preuves", lance l'orateur à l'assemblée de médecins en guise d'avertissement. "Il n'y a pas d'obligation de formalisme pour établir la preuve qu'on a correctement informé le patient mais informez d'abord correctement le patient, avant d'écrire qu'il a été bien informé. L'information doit être la plus complète possible, être donnée dans un langage clair et comporter les alternatives possibles." Le principe de la représentation est, lui aussi, assorti de certaines limites. La capacité à consentir valablement étant, on l'a dit, très difficile à déterminer, la décision dépend généralement du bon sens du juge. "Face à cela, on n'a rien inventé d'autre que les mécanismes d'assistance et de représentation. La personne de confiance est, quelque part, l'assistante de la personne concernée." Pour autant, le représentant légal peut-il tout faire, tout décider pour le patient qui n'a plus la capacité à consentir valablement? Non. Pour l'euthanasie par exemple, le mineur peut initier la demande d'euthanasie seul, mais pas son représentant, qui a besoin de l'autorisation du mineur pour le faire. Aussi la seule manière de procéder à la stérilisation d'une personne, c'est de pouvoir tester sa capacité à y consentir. Si la personne n'est pas reconnue dans sa capacité à consentir, il n'y aura pas de possibilité d'intervention. Enfin, il existe une possibilité pour le praticien de refuser la solution qui lui serait proposée par le représentant, s'il estime que l'intérêt du patient ne peut pas passer par la décision du représentant de refuser certains soins.