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Les directives GINA citent comme symptômes les plus caractéristiques de l'asthme une respiration sifflante (wheezing), des difficultés à respirer, une toux sèche et une sensation de pression sur la poitrine, qui tendent à être plus marquées la nuit ou tôt le matin. Leur gravité varie au fil du temps et elles présentent souvent un caractère intermittent, avec des intervalles asymptomatiques. L'apparition des symptômes est typiquement déclenchée par des stimuli divers tels qu'infections respiratoires hautes, effort physique, rire, émotions, variations météorologiques ou exposition aux gaz d'échappement, à la fumée, aux odeurs puissantes et aux allergènes. "Au cours de l'anamnèse, il est important d'explorer activement ces déclencheurs", souligne le Dr Nathalie Jouret (pneumo-pédiatre, service de pédiatrie, UZA). "La famille a-t-elle des animaux? Que se passe-t-il lorsque l'enfant a des contacts étroits avec eux? Y a-t-il des personnes qui fument à l'intérieur de la maison? L'enfant fait-il du sport et, si oui, comment cela se passe-t-il? Les symptômes fluctuent-ils au fil des saisons? Quid de la chambre à coucher (tapis, doudous, humidité, aération...)?" "Un certain nombre d'autres éléments de l'anamnèse ne permettent certes pas de confirmer avec certitude un diagnostic d'asthme, mais rendent cette piste plus probable. Une hyperréactivité bronchique était-elle présente à un âge précoce (en cas d'infection respiratoire, l'enfant développait facilement une respiration sifflante imposant le recours à des puffs/aérosols)? Existe-t-il un problème d'atopie chez le petit patient lui-même ou chez des parents au premier degré, p.ex. sous la forme d'un eczéma ou d'une rhinite allergique? L'enfant a-t-il des antécédents d'éternuements fréquents ou de démangeaisons au niveau du nez, avec aggravation des symptômes en cas d'exposition à la poussière ou au cours de la saison des pollens? Un asthme chez un parent au premier degré est un autre indice qui peut vous mettre la puce à l'oreille." L'examen physique est souvent normal chez les petits patients asthmatiques, à moins qu'un wheezing expiratoire ne soit justement présent au moment de la consultation. Pour le diagnostic différentiel, le Dr Jouret renvoie aux principes de la prise de décision analytique, le paysage diagnostique étant pour cela divisé en un cercle interne et un cercle externe. Le cercle interne comprend les maladies graves mais traitables, à savoir, dans le cas d'une suspicion d'asthme chez un enfant de cinq ans ou plus: · La mucoviscidose - dans ce cas de figure, on s'attend toutefois à observer une toux productive plutôt qu'une toux sèche, ainsi qu'une sensibilité particulièrement élevée aux infections respiratoires ; · L'aspiration d'un corps étranger (typiquement responsable d'une respiration sifflante), qui provoquera toutefois normalement un tableau aigu ; · Un problème cardiaque, mais l'absence de souffle et de prédisposition familiale rendent cette piste moins vraisemblable. Le cercle externe comporte de son côté des maladies qui ne sont pas graves et/ou pas traitables. "La respiration dysfonctionnelle est une donnée à garder à l'esprit", commente Nathalie Jouret. "L'hyperventilation, par exemple, peut simuler les symptômes de l'asthme... et malheureusement, les deux problèmes se rencontrent parfois ensemble, ce qui complique encore le diagnostic. Les données cliniques permettront toutefois souvent d'orienter celui-ci." Le cercle externe recouvre par ailleurs encore quelques maladies peu courantes: · Les bronchiectasies - là aussi, on s'attendrait toutefois plutôt à une toux productive et à des infections respiratoires répétées ; · Une déficience en alpha-1-antitrypsine ; dans ce cas de figure, l'anamnèse révèlera normalement aussi un emphysème familial. Lorsque le tableau clinique est dominé par une toux (nocturne), on pourra également envisager un problème de reflux gastro-oesophagien ou de rhinite allergique. En ce qui concerne les examens complémentaires, un rapport de la task force de l'European Respiratory Society (ERS) rappelle en première instance que le diagnostic d'asthme n'est pas purement clinique. "Et c'est vrai même si le tableau clinique semble tout à fait caractéristique", avertit le Dr Jouret. "Il importe aussi de tenir compte du fait que certains patients présentent une symptomatologie beaucoup moins typique. Les symptômes respiratoires aspécifiques ne sont en effet pas rares chez les plus jeunes, par exemple dans le sillage d'une infection. Cela peut être extrêmement trompeur. Les examens complémentaires permettront d'éviter aussi bien l'écueil du surdiagnostic que celui du sous-diagnostic. Tous deux ont en effet des conséquences funestes - des traitements médicamenteux inutiles dans le cas du surdiagnostic, avec les effets secondaires et les frais qui peuvent en découler, une morbidité théoriquement évitable et une perte de qualité de vie dans celui du sous-diagnostic. Dans les pays socio-économiquement défavorisés, le sous-diagnostic peut même déboucher sur une mortalité accrue... mais ce n'est heureusement pas le cas dans nos contrées." Aucun test diagnostique ne pouvant actuellement se prévaloir d'une sensibilité et d'une spécificité réellement élevées, la task force de l'ERS a élaboré un algorithme diagnostique reprenant des tests comme la spirométrie avec évaluation de la réversibilité, le test de provocation bronchique, la mesure du monoxyde d'azote dans l'air expiré (FeNO) et la mesure du débit expiratoire de pointe. L'examen le plus important reste la spirométrie avec test de réversibilité, qui peut être réalisée à partir de l'âge de cinq ou six ans ; le diagnostic d'asthme pourra être posé en présence d'une fonction pulmonaire anormale avec une réversibilité significative (? 12%). Le problème de ce test est qu'il livre parfois des résultats normaux chez les sujets qui souffrent d'asthme, ou un VEMS trop faible mais sans réversibilité. Dans un cas comme dans l'autre, des examens supplémentaires seront indiqués et deux résultats anormaux seront nécessaires pour justifier un diagnostic d'asthme. Si la spirométrie ne permet pas de trancher avec certitude, la mesure du monoxyde d'azote dans l'air expiré sera une seconde étape importante. La spécificité constitue toutefois ici un important point d'attention, car on peut obtenir des valeurs accrues chez un sujet qui présente une prédisposition atopique sans forcément être asthmatique. Il en va de même de la sensibilité: les valeurs peuvent être abaissées en cas d'infection respiratoire, avec à la clé un risque de faux négatif. Plus loin dans l'algorithme de l'ERS, on retrouve le test de provocation bronchique et la mesure du débit expiratoire de pointe. Le test de provocation bronchique à la méthacholine est extrêmement sensible, mais au prix d'une moins bonne spécificité ; on peut par exemple parfaitement avoir un résultat positif chez un patient atteint de mucoviscidose. La mesure du débit expiratoire de pointe est un examen très accessible chez l'adulte, mais beaucoup plus difficile à réaliser chez un enfant: pour obtenir un résultat fiable chez les plus jeunes, il sera nécessaire de le répéter deux fois par jour durant au moins deux semaines. "Et c'est souvent impossible dans la pratique", commente le Dr Jouret. En ce qui concerne les tests d'allergie, qu'il s'agisse de prick tests ou du dosage sanguin des IgE totales et spécifiques, la task force de l'ERS souligne explicitement que ce ne sont pas des tests diagnostiques adaptés pour l'asthme. Ils peuvent toutefois le cas échéant mettre le médecin sur la piste d'une allergie et contribuer ainsi à expliquer pourquoi les symptômes asthmatiques s'aggravent dans certaines circonstances, par exemple au cours de la saison des pollens. "Certains enfants sont amenés à la consultation pour des symptômes respiratoires (pulmonaires), mais sont aussi connus pour souffrir d'eczéma ou de rhinite allergique", observe Nathalie Jouret. "Ces petits patients pourraient avoir des tests d'allergie positifs, mais cela ne veut pas forcément dire que leurs symptômes pulmonaires sont dus à un problème d'asthme. Le recours à ces examens pour confirmer un diagnostic d'asthme peut donc déboucher sur un surdiagnostic. À l'inverse, un résultat normal aux tests d'allergie ne permet pas non plus d'exclure un diagnostic d'asthme, puisqu'on risque alors de passer à côté d'un asthme non allergique ; il existe donc dans ce cas un risque de sous-diagnostic. Les tests d'allergie ont toutefois une fonction une fois que le diagnostic d'asthme a été correctement posé: s'il est question d'une forme allergique, des mesures d'assainissement et l'évitement des allergènes peuvent évidemment offrir une piste potentiel pour combattre les symptômes."