Le mois d'octobre dernier a été propice à la sensibilisation du dépistage avec, notamment, la campagne Think Pink pour le cancer du sein. Chaque année, les parlementaires wallons saisissent l'occasion pour faire le point du dépistage au sud du pays. L'objectif est clair: augmenter la participation aux dépistages organisés.
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Le dépistage en Wallonie ne diffère pas fondamentalement du dépistage réalisé en Flandre ou à Bruxelles. Logique, puisqu'un protocole d'accord de coopération existe entre l'autorité fédérale et les entités fédérées. Trois cancers sont suivis côté wallon: le cancer du sein, le cancer colorectal et le cancer du col de l'utérus. On notera qu'un arrêté sur les programmes de médecine préventive de lutte contre les cancers poursuit pour le moment son processus législatif au sud du pays. "Cet arrêté a été adopté en première lecture par le Gouvernement wallon en date du 31 août 2023. Nous sommes dans l'attente de l'avis de l'Autorité de protection des données. C'est un texte qui permettra d'installer durablement l'organisation de dépistage, notamment un dépistage du cancer du sein, mais aussi celui du côlon et du cancer du col de l'utérus, via un système d'agrément à durée indéterminée", explique Christie Morreale, ministre wallonne de la Santé. "Il nous paraît essentiel d'intégrer de manière pérenne ces programmes de dépistage dans le paysage de promotion et de prévention de la santé, comme c'est important aussi d'intégrer ces acteurs au sein des synergies qui se renforcent."C'est le plus grand chantier des trois cancers dépistés, au vu du nombre importants de cas par an. Et il y a du travail à faire. En Commission santé wallonne, en octobre, Christie Morreale a donné quelques chiffres concernant le dépistage du cancer du sein: 60% des femmes cibles ont effectué un dépistage en 2019, en Belgique. Elles sont 53% en Wallonie. En dessous de la moyenne nationale, donc. Seulement 6% des femmes invitées à passer un mammotest le réalisent. C'est évidemment trop peu. "L'acte technique du mammotest est le même, quelle que soit la région, et est soumis au même code de nomenclature", détaille Michel Candeur, coordinateur adjoint du Centre communautaire de référence pour le dépistage des cancers (CCRef). "La population visée est également la même: des femmes entre 50 et 69 ans. Pour le moment. Car on discute de la possibilité d'étendre la tranche d'âge de 45 à 74 ans. Il faut qu'il y ait des évidences scientifiques qui soutiennent ce changement. Et puisque c'est un honoraire qui dépend de l'Inami, il faut qu'un budget y soit alloué."En Wallonie, les patientes sont invitées à effectuer le mammotest par le CRRef. "Chaque centre régional invite la population dont il a la charge à effectuer le mammotest grâce à un algorithme qui est peu ou prou le même partout: le mois anniversaire, une année pour les pairs, une autre année pour les impairs, histoire de couvrir toute la population tous les deux ans. La lettre d'invitation fait office de prescription. Il ne faut pas passer chez son médecin traitant avant de réaliser un mammotest. La lettre liste les 77 centres agréés en Wallonie", explique Michel Candeur. Il s'agit d'une invitation, et non d'un rendez-vous fixé au préalable. "Le mécanisme de rendez-vous automatique est un outil parmi d'autres pour augmenter la participation au dépistage organisé. Mais il est vrai qu'étant donné le nombre de femmes qui se font déjà dépister par le biais de leur médecin généraliste ou de leur gynécologue (à l'aide d'un bilan sénologique, NdlR), on pense que le système est difficilement applicable eu égard aux habitudes que les femmes ont développées chez nous", explique Christie Morreale. "Un outil peut s'avérer fonctionner au Nord, mais peut-être pas correspondre à notre Région. D'autres pistes ont aussi été décrites dans un rapport de la Fondation contre le cancer, notamment celui d'inventorier les motivations qui empêchent les gens de participer ou de faciliter l'échange des données et, sur cette base, de pouvoir concentrer nos efforts sur le public que l'on n'arrive pas à joindre jusqu'alors."Des indicateurs de qualité existent pour évaluer tant l'efficacité que l'efficience des mesures prises par le CCRef. "De la même manière, nous réalisons une évaluation des performances des radiologues et des techniciens en imagerie médicale spécialisés. Cela fait partie de nos missions: évaluer la qualité de tous les examens réalisés dans le cadre des dépistages. Nous publions chaque année des rapports, et nous faisons des comparaisons tant interrégionales qu'avec le reste de l'Europe", détaille Michel Candeur. "Concernant le cancer du sein, nous suivons les recommandations européennes", embraie le coordinateur adjoint du CCRef. "La Wallonie est performante dans pour chaque indicateur que l'Europe recommande de surveiller, excepté le taux de participation de la population des 50-69 ans aux dépistages publics. 40% du public cible qui ne réalise pas de dépistage, c'est trop. La gratuité des dépistages programmés ne suffit pas à faire changer des habitudes bien ancrées."L'adhésion aux dépistages organisés est plus importante en Flandre qu'à Bruxelles et en Wallonie. Une question de culture. "Sans entrer dans les grands clichés, il y a des différences culturelles. C'est évident. Les Flamands semblent participer davantage d'emblée, tandis que l'on constate, côté francophone, une certaine inertie. Sans surprise, et sans que la différence soit énorme, il y a tout de même plus de moyens en Flandre que dans les deux autres régions. Cela aide pour faire des campagnes de prévention et de promotion de la santé." Le dépistage du cancer colorectal est mis en place depuis 2009 en Région wallonne. La Wallonie se conforme là aussi aux recommandations européennes et obtient de bons résultats pour chaque indicateur. "De ce côté, le taux de participation au dépistage est en constante augmentation, nous sommes donc confiants pour l'avenir. L'objectif est de bien communiquer vers les professionnels de soins de santé pour les convaincre que le dépistage réalisés est efficace (lire encadré)."Le dépistage du cancer colorectal est, tout comme pour le cancer du sein, gratuit pour le patient. Le public cible est les personnes âgées de 50 à 74 ans. Deux filières pour ce dépistage: soit le patient le réalise de son propre chef et demande une coloscopie - ce n'est alors pas gratuit -, soit il passe par la case dépistage organisé, via un autotest envoyé au domicile. "Il y a quelques différences de modalités entre les régions à ce niveau. À Bruxelles, on distribue l'autotest par le biais des pharmacies. En Flandre et en Wallonie, les autotests sont envoyés au domicile des personnes cibles", précise Michel Candeur. Le dépistage du cancer du col de l'utérus, enfin, sera opérationnel en 2024, suivant le même principe que le dépistage pour les autres pathologies. En l'occurrence, il s'agit d'un passage chez un professionnel pour un frottis, lequel sera envoyé vers un laboratoire agréé. Le dépistage se fait tous les trois ans à partir de 25 ans jusqu'à 64 ans. Les modalités vont changer dans le futur, avec la détection HPV à partir de 30 ans.