...

L'épidémie d'Ébola qui a éclaté en août 2018 dans le nord-est de la République démocratique du Congo (et plus précisément dans les provinces du Kivu et de l'Ituri) est la plus importante que le pays ait connue jusqu'ici. Avec une mortalité de 66%, soit 2.200 victimes, c'est aussi la flambée la plus meurtrière jamais observée sur le continent africain après celle qui a coûté la vie à quelque 11.000 personnes entre 2014 et 2016. D'après les experts, la récente épidémie congolaise est aussi l'une des crises sanitaires les plus complexes de l'Histoire, parce qu'elle s'est déclarée dans une région déchirée par la guerre et les conflits politiques depuis un quart de siècle - une situation qui a évidemment beaucoup compliqué le travail des travailleurs de la santé. Plus de 70 patients et soignants ont été blessés dans des attentats et au moins 11 personnes y ont laissé la vie. L'épidémie a toutefois aussi été marquée par des évolutions positives. Il a ainsi été possible pour la première fois d'utiliser à grande échelle un vaccin contre la maladie, qui a été administré à plus de 300.000 personnes exposées à des individus contaminés ainsi qu'à leurs propres contacts. D'après l'Institut national pour la recherche biomédicale à Kinshasa, plus de 80% des personnes vaccinées ont échappé à l'infection, et celles qui l'ont développée n'ont présenté que des symptômes légers. De beaux succès ont également été rapportés sur le plan du traitement. La flambée ouest-africaine avait vu l'avènement du ZMapp, un mélange de trois anticorps de synthèse qui améliorait la survie mais s'accompagnait tout de même encore d'une mortalité de 50% à 28 jours. Celle du nord-est du Congo a vu arriver deux nouveaux produits, le MAb114, associé à une mortalité de 35% " seulement " et le REGN-EB3 (34%). Le MAb114 est un anticorps provenant des lymphocytes B à mémoire d'un survivant de l'épidémie ouest-africaine, le REGN-EB3 un traitement associant trois anticorps provenant de souris inoculées. Précisons au passage que Regeneron, le producteur du REGN-EB3, s'attache actuellement à tester une préparation artificielle de deux anticorps pour le traitement du covid-19. Le 25 juin, l'Organisation mondiale de la santé annonçait la fin officielle de l'épidémie du Kivu et de l'Ituri, 42 jours (deux périodes d'incubation) après la guérison du dernier patient. Le Congo n'a toutefois pas eu droit à une seconde de répit, puisqu'une nouvelle flambée d'Ébola venait d'être annoncée au début du mois dans la province de l'Équateur, dans l'ouest du pays, qui en avait d'ailleurs déjà subi une autre en 2018. Des recherches génétiques ont pu démontrer que ce nouveau foyer n'était lié ni à l'épidémie de 2018, ni à celle qui vient de se terminer dans le nord-est du pays : il est question d'un nouveau débordement - comprenez, d'un nouveau virus qui s'est propagé à l'homme au départ d'un réservoir animal. Malheureusement, les perspectives sont loin d'être roses. La province de l'Équateur est difficilement accessible aux véhicules motorisés, sa population pauvre, ses infrastructures de santé bancales. Ses habitants sont aussi nombreux à se rendre dans d'autres régions du pays ou en République centrafricaine, ce qui fait craindre que l'épidémie ne se propage comme une traînée de poudre. Le 1er juillet, on dénombrait déjà 25 cas et 13 décès. Les équipes de soins se déplacent actuellement du nord-est vers l'ouest du pays, mais une partie des effectifs sont aussi mobilisés par une vague d'infections Covid-19. Fin juin, la République démocratique du Congo totalisait environ 6.000 patients infectés par le coronavirus et un peu moins de 150 décès. Nature 2020 ; doi : 10.1038/d41586-020-01950-0.