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La méthode utilisée par le groupe européen Score possède le potentiel de surveiller les tendances de la consommation de drogues illicites proches de la population en temps réel. En échantillonnant une source connue d'eaux usées, comme un égout déversé dans une station d'épuration, les scientifiques peuvent désormais estimer la quantité de drogues utilisées dans une communauté en mesurant les niveaux de drogues illicites et de leurs métabolites excrétés. Pour l'ecstasy (MDMA), les données de 2019 indiquent une augmentation dans la plupart des villes, ce qui pourrait refléter que ce médicament n'est plus une drogue de niche ou sous-culturelle limitée aux clubs et soirées dansantes, mais est maintenant utilisé par un plus large éventail de jeunes dans les environnements de vie nocturne traditionnels. Les résidus les plus élevés ont été trouvés dans les villes de Belgique, d'Allemagne et des Pays-Bas. Pour l'amphétamine, la moitié des villes ont signalé une augmentation. Anvers par exemple est une des six villes qui ont vu leurs résidus quasi-doubler en 2019. Pour la cocaïne, les résidus étaient les plus élevés dans les villes de Belgique, des Pays-Bas, d'Espagne et du Royaume-Uni. Enfin, pour la méthamphétamine, 40 % des villes ont signalé une augmentation. Plus des trois quarts des villes ont montré des résidus de cocaïne et de MDMA plus élevés dans les eaux usées pendant le week-end (du vendredi au lundi) que pendant les jours de la semaine, reflétant l'utilisation principalement récréative de ces substances, maintenant observée dans une gamme de contextes sociaux. En ce qui concerne les amphétamines, la moitié des villes affichent des résidus plus élevés dans les eaux usées pendant le week-end que pendant les jours de la semaine, ce qui indique peut-être une utilisation plus importante dans les lieux de loisirs que par le passé. En revanche, la méthamphétamine s'est révélée distribuée de manière plus uniforme sur toute la semaine, reflétant peut-être que ce médicament était associé à une consommation plus continue et à haut risque par une petite cohorte d'utilisateurs. Pour le Belge Alexis Goosdeel, directeur de l'OEDT, " l'analyse des eaux usées peut offrir un instantané précieux de la consommation de drogues dans les villes clés d'Europe et un aperçu des changements de comportement émergents. Elle est également prometteuse dans de nouveaux domaines, tels que l'identification et l'estimation de l'utilisation de nouvelles substances psychoactives et l'évaluation des résultats des interventions ciblant l'approvisionnement en médicaments."Cette augmentation ne surprend pas Maurizio Ferrara, psychologue à Infor-Drogues : " La méthamphétamine a baissé de prix, ce qui a permis à un plus large public de la tester et d'en consommer régulièrement. Crystal, Tyna ou Ice, qu'elle se fume ou s'injecte, a d'abord été utilisée dans le cadre du chem sex, des séances de pratiques sexuelles volontairement sous influence. Mais cette utilisation exceptionnelle a tendance à se banaliser et le produit circule de plus en plus. Les consommateurs en trouvent sans difficulté dans le darknet. Ce trafic se fait quasi impunément, puisque la drogue arrive sous pli discret par la poste. Elle peut être camouflée sous différentes formes et est très difficile à détecter. Il est impossible d'ouvrir tous les paquets envoyés par la poste. " Mais il n'y a pas que ces drogues illégales et exotiques : " Le numéro Un toutes catégories de motif d'appel, c'est quand même l'alcool, une drogue forte légale et très facile à se procurer à bas prix. Puis on trouve le cannabis, puis la cocaïne et les autres psychotropes. Ces drogues sont associées à la fête, aux discothèques, à la jeunesse ".Ces augmentations de consommation signent-elles l'échec de la politique de répression ? " Bien évidemment. La prohibition n'a jamais fonctionné pour diminuer l'usage d'une drogue. Les ressources du darknet permettent à chacun de s'approvisionner sans risque. D'autres quantités sont produites carrément sur place, dans des petits groupes qui jouent aux chimistes amateurs. Certes, la ministre de la Santé a pris des mesures pour pouvoir interdire plus rapidement les nouvelles drogues quand elles apparaissent sur le marché, mais cela reste difficile de contrôler ces flux. Certaines drogues sont vendues comme de l'engrais ou des objets de décoration. ".Pour Maurizio Ferrara, la loi de 1921 sur les drogues devrait être revue. " Il faudrait créer une vraie culture des drogues. Une société sans drogues, cela n'existe pas. Mieux vaut regarder le risque en face. Car les risques liés à la clandestinité sont importants : achat auprès de criminels, proximité de la prostitution, incertitude sur la qualité du produit. En réduisant la question de la drogue au choix d'un individu et en le criminalisant, on élude l'interrogation sur la cause de la toxicomanie, on minimise les moyens à déployer pour la prévention et l'accompagnement. Et on se désintéresse des conséquences, le drogué est d'abord un coupable, avant d'être un patient à aider. L'ado qui rencontre la drogue le fait dans le cadre festif, cela diminue l'anxiété, l'aide à franchir le pas et à désinhiber. C'est le plaisir immédiat de l'époque, le gadget, les fortunes vite faites. L'ado, c'est sa nature, refuse d'envisager l'avenir, l'échec des études, la perte du boulot, la déchéance physique, la rupture des liens familiaux, la violence dans le couple, la dépendance la plus abjecte. Et pire encore. "