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L'éditrice belge Diane de Selliers a fêté ses 30 ans, enfin celle de sa maison, en 2022, et édité à cette occasion un livre remarquable, audacieux, d'un noir et blanc que l'on pourrait presque qualifier d'outre-noir tant les photographies de Jean-Christophe Ballot subliment les oeuvres mésopotamiennes exceptionnellement sorties pour l'occasion du musée du Louvre, du British Museum ou du Vorderasiatisches Museum de Berlin. Lesquelles illustrent, dans la nouvelle traduction d'Abed Azrié, l'épopée de Gilgamesh, la plus ancienne histoire qui nous soit parvenue, et malgré tout intemporelle, qui parle d'amitié, de vie, de mort, de doute, de courage... et de déluge. Un parcours initiatique qui fait de ce récit légendaire oublié puis redécouvert au 19e siècle (l'illustration en noir et blanc donne l'illusion que le texte, comme les oeuvres qui l'illustrent, émergent en effet de l'oubli), une sorte de préambule à l'Odyssée d'Homère ou à la Bible. Par ailleurs, dans la petite collection du même éditeur, a paru justement un ouvrage édité dans la grande deux ans plus tôt, qui a trait aux récits du berceau de l'humanité à l'ouest du bassin entre le Tigre et l'Euphrate, celui non pas d'un livre, mais du Livre. Une nouvelle traduction rigoureuse et poétique des onze premiers chapitres de la Genèse par Marc-Alain Ouaknin, rabbin et philosophe, illustrée par de grandes oeuvres abstraites qui correspondent parfaitement à la tradition hébraïque du refus de la figuration du texte. À la spiritualité du récit biblique se mêle l'esthétique suggestive mais ouverte des oeuvres de 72 artistes de Jean Arp à Rothko, de Kandinsky à Miró, en passant par Matisse notamment. Et que dans le cas du chapitre consacré à la création du monde par Dieu, le choix se soit porté sur le Cercle noir de Kazimir Malevitch paraît comme une lumineuse évidence, preuve que ce projet n'a rien, lui, d'une... abstraction.