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250 chefs-d'oeuvre issus des collections du British Museum (dans Brexit, il y a exit, un mot latin) et que le musée limbourgeois, par l'entremise du philologue Patrick De Rynck, a mis en valeur dans une scénographie aérienne, translucide, accompagnée d'un audio guide mixte adultes-enfants, rehaussés de cartels éclairants, de bornes interactives ludiques, et de témoignages de personnages fictifs - huit adultes, cinq enfants - mais basés sur des recherches archéologiques ou des textes anciens. Cette plongée dans Rome proposée par la cité d'Ambiorix débute par une ligne du temps parsemée d'illustrations de la fameuse légende de Romulus et Remus, laquelle renvoie en fait aux guerres fratricides qui émaillèrent l'histoire de Rome, devenue ville dès le 7e siècle avant notre ère. Cette introduction à coup d'objets iconiques revient sur les influences notamment grecques et surtout étrusques prégnantes sur la jeune Rome notamment symbolisée par un ciste (corbeille sacrée) d'inspiration grecque représentant Hadès et Perséphone dans un style étrusque justement. Dès moins 700 ans, la ville est dirigée par un sénat et deux consuls, un système qui la voit conquérir l'Italie d'abord, avant d'étendre sa domination à tout le Bassin méditerranéen. Après César, qui met un terme à la guerre civile, devient dictateur à vie et est assassiné par le sénat, Auguste instaure l'empire. Ce résumé sous forme d'abstract est illustré, entre autres, par une urne funéraire en forme de maison datant de 900 avant Jésus-Christ, d'une autre, cinéraire, étrusque, venue de Volterra plus jeune de huit siècles, d'un vase de même origine contant la fuite d'Enée de Troie, la guerre des Gaules étant illustrée par des pièces de monnaie. Ce préambule se clôt par une grande statue de la déesse Fortuna, déesse qui en effet guida les pas de la civilisation romaine. Avant de pénétrer dans l'immense salle principale, l'expo passe en revue, au travers de statues et de stèles, les différents empereurs romains, commençant en tout bien tout honneur par Auguste, connu pour sa sobriété, ce qui n'est pas forcément le cas de ses nombreux successeurs: son épouse Livia a elle aussi droit aux honneurs de la représentation, tout comme Agrippa, le bras droit de l'empereur qui vainquit Marc Antoine et Cléopâtre à la bataille navale d'Actium et fondit la ville de Tongres en -10 avant notre ère. Claude, Messaline, Titus, Hadrien, Caracalla - qui assassina son frère Geta et le fit disparaître des tablettes comme l'explique l'exposition, sont représentés, tout comme Commode, connu pour avoir accordé à la citoyenneté à tout habitant libre de l'empire ce qui représentait à l'époque 30 millions de personnes! Outre des bustes et statues des différents empereurs, l'on trouve également la commémoration, sous forme de stèle représentant des armes, du triomphe de Trajan sur les Daces. Une autre arme de propagande de l'empire et des régnants était les pièces de monnaie à l'effigie d'Auguste en Britannia, de Domitien en Germanie, de Titus en Judée ou d'Égypte dans le cas d'Hadrien, bref des territoires conquis par ces hommes de pouvoir. On a même retrouvé en Inde une pièce en or à l'effigie de l'empereur Claude. À son apogée en 117, l'Empire romain s'étend de l'Angleterre au Moyen-Orient en passant par l'Afrique du Nord et compte plus de 100 millions de sujets! Dans son espace central, selon les mots du commissaire, l'expo vise à montrer comment cet empire centralisé cherchait à produire de l'unité dans la diversité, voire l'inverse, laissant les populations conquises pratiquer avec leurs spécificités une sorte d'autoromanisation. La grande salle se déploie autour d'un atrium, symbole du coeur de la vie quotidienne romaine à Rome et en Italie: un chapiteau du panthéon y voisine avec d'émouvantes fresques de Pompéi, notamment Apollon à la cithare, ou des représentations splendides originaires de Boscoreale, tout proche de la ville. Plus loin, un monument funéraire représentant une femme qui tient le buste de son mari défunt atteste, au travers de ce couple d'esclaves libérés, que les gens de basse extraction pouvaient devenir riches. Près des vitrines montrant des bijoux notamment en émeraude (démontrant que les matières voyagent puisque cette pierre est absente de la péninsule italienne) des jeux interactifs pour les plus jeunes qui peuvent s'essayer au commerce romain ou tester leur niveau de latin (les grands aussi). Plus spectaculaire, une énorme statue d'un magistrat en toge et un papyrus à la main, symbole du citoyen romain, modèle et statut rêvé pour tout habitant de l'empire. Spectaculaire à souhait également, une double lampe à huile en bronze trouvée en Campanie et une très rare et énorme baignoire privée en basanite noire, découverte à Rome, et qui atteste de l'attrait pour le bain des Romains. En s'éloignant du centre de cet immense espace, après avoir découvert sous forme de petites statues le panthéon romain, de Jupiter à Diane en passant par les dieux étrangers adoubés - Sarapis égyptien devient Jupiter, Mithra perse est intégrée et admirée -, un sarcophage représentant un cortège de Bacchus et Ariane, dieu qui est aussi celui de la résurrection, le visiteur pénètre dans les zones périphériques du pouvoir et coeur romain. L'ancienne rivale détruite Carthage révèle des bustes romanisés de personnalités locales, ou une stèle funéraire représentant la déesse Tanit dans un style carthaginois, et symbolisant pourtant l'unité de l'ancienne puissance ennemie avec Rome. Côté égyptien, Horus est notamment représenté en militaire romain tandis que Tibère l'est pour sa part en pharaon sur un monument égyptien. De Palmyre proviennent entre autres un buste caractéristique de prêtre, de sublimes cornes à boire et flacon de parfum intacts. De Bodrum est issu un témoignage unique sous forme de bas-relief: celui du combat entre deux gladiateurs femmes, non loin d'une statue énorme de l'impératrice Faustine, femme d'Antonin le Pieux: une sculpture également originaire de Turquie. D'Iran est parvenu un objet tout à faire remarquable, un calice en fluorine minerai extrêmement rare, récipient dans lequel on ajoutait de la résine, laquelle procurait un goût particulier au vin. Pline raconte que l'empereur Néron paya un million de sesterces (1.000 fois la paie d'un légionnaire) pour acquérir l'un d'eux dont l'on a retrouvé jusqu'ici que deux exemplaires, tout deux propriétés du British Museum. Bien sûr, l'on découvre également des objets du musée de Tongres comme cette pierre, socle à quatre divinités représentant Mercure Junon, Sylvanus, et Fortuna, la mâchoire d'un dromadaire, ou un gobelet en verre noir dont la forme exacte se retrouve dans un exemplaire anglais en argent cette fois. Le trésor de Macon a révélé un panthéon de dieux en argent ciselé dont la déesse gauloise Tutela romanisée qui porte sur sa tête les sept dieux romains du jour de la semaine, dont Luna... Enfin, d'Angleterre provient une étonnante urne funéraire en verre, une coupe côtelée de couleur bleue produite dans un atelier unique de Rome, ou issu du trésor d'Hoxne qui révéla plus de 15.000 objets, cet étonnant cure-dent en forme d'ibis d'un grand raffinement. Cette remarquable exposition s'achève comme elle a débuté: par une ligne du temps, qui indique en 476 la fin de l'Empire romain d'Occident, lorsque le dernier empereur est déposé: son nom? Romulus Augustulus.... Les augures n'auraient pas mieux choisi...