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Le document, publié l'an dernier dans l'European Respiratory Journal [1], représente plusieurs années de travail. "Il faut vraiment promouvoir la spirométrie", affirme haut et clair le Pr Renaud Louis, qui tient à enfoncer le clou après avoir lu notre Clinical update consacré à l'asthme (jdM n° 2751). Au point de considérer que cet examen devrait faire partie des dépistages couramment réalisés en médecine, à l'instar du dosage de la glycémie à jeun ou de la cholestérolémie. Plus récemment encore, le département de santé publique de l'ULiège a rédigé un article [2] expliquant comment réaliser une spirométrie sans bronchodilatation, ne comprenant donc que la courbe débit/volume, en la combinant avec la symptomatologie et la FeNO (fraction expirée de NO, qui est cependant globalement moins informative que la spirométrie). Plus précisément, cet article détaillait les résultats d'une étude prospective et observationnelle portant sur l'intérêt des échelles d'intensité des symptômes, seules ou combinées à la spirométrie et à la FeNO dans différents modèles prédictifs, pour faciliter le diagnostic de l'asthme en médecine de première ligne. Sur une période de 38 mois, les chercheurs ont recruté 303 patients se plaignant de symptômes évocateurs d'asthme (respiration sifflante, dyspnée, toux, production d'expectorations et oppression thoracique) et non traités pour cette cause. L'ensemble de la cohorte a été divisé en une cohorte d'entraînement aux modèles proposés (n=166) et une cohorte de validation (n=137). L'asthme a été objectivé par un test de réversibilité positif (? 12% et ? 200 mL pour le VEMS) et/ou par un test de provocation bronchique positif (concentration de méthacholine ? 8 mg/mL pour provoquer une chute de 20% du VEMS). Pour évaluer la performance diagnostique des symptômes, des indices spirométriques et de la FeNO, les auteurs ont effectué une analyse de la courbe caractéristique du récepteur et une régression logistique multivariée afin d'identifier les facteurs indépendants associés à l'asthme dans la cohorte d'entraînement. Ensuite, les modèles prédictifs dérivés ont été appliqués à la cohorte de validation. 63% des patients de la cohorte d'entraînement et 58% des patients de la cohorte de validation ont été diagnostiqués comme étant asthmatiques. Après régression logistique - et sans grande surprise, le wheezing était le seul symptôme significativement associé à l'asthme. De même, pour ce qui concerne les chiffres, le VEMS (% prédiction), le VEMS/capacité vitale forcée (%) et la FeNO étaient significativement associés à l'asthme. En conséquence, sur huit différents modèles prédictifs testés par les chercheurs, celui qui combinait ces quatre paramètres s'est révélé être le meilleur, avec une aire sous la courbe (AUC) de 0,76 (IC 95%: 0,66-0,84) dans la cohorte d'entraînement et de 0,73 (IC 95%: 0,65-0,82) lorsqu'il est appliqué à la cohorte de validation. Les auteurs en concluent que la combinaison d'une échelle d'intensité du wheezing avec la spirométrie et la FeNO peut contribuer à améliorer la précision du diagnostic de l'asthme en pratique clinique. "Personnellement, je ne peux pas accepter l'idée que la spirométrie serait trop compliquée à réaliser", insiste Renaud Louis. "Depuis de nombreuses années, les universités l'enseignent notamment aux médecins généralistes, au même titre que l'électrocardiographie. Quand on souhaite diagnostiquer une HTA, on mesure la pression artérielle. Quand on pose un diagnostic de diabète, on mesure notamment la glycémie. Eh bien pour diagnostiquer un asthme, on se doit de mesurer la fluctuation des débits respiratoires, tout comme on doit le faire pour la BPCO. Et c'est peut-être encore plus facile pour les jeunes généralistes, car ils sont nombreux à travailler en groupe, ce qui permet de supposer qu'au moins l'un d'entre eux peut se former à cette technique."On rappellera que la spirométrie n'implique pas d'investissement financier important, et que son apprentissage ne pose pas de difficultés particulières. Mais les habitudes sont lentes à changer, d'après Renaud Louis. "À mon sens, la spirométrie devrait être un outil de dépistage à l'échelle de la population, indépendamment même de la recherche diagnostique de l'asthme et de la BPCO. Car on sait que la capacité vitale est un indice pronostique de l'espérance de vie."