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Le splendide Palais des Beaux-Arts et son architecture néoclassique 19e, présente, dans ses sous-sols, de très belles salles voûtées qui évoquent à elles seules les sections dépoussiérées qu'il accueille à nouveau. Une mise en lumière enluminée certes, mais qui n'a rien de médiévale puisqu'il allie une scénographie aérienne et éloquente (qui évoque la Galerie du temps du Louvre-Lens, autre joyau des Hauts-de-France), des vidéos, témoignages sonores (pour les polyphonies de Guillaume Dufay), écrans didactiques et boîtes tactiles. Elle s'ouvre sur un tour d'horizon des thématiques abordées plus loin autant que les styles, mosan, brabançon, moyenâgeux ou renaissant, au travers d'oeuvres essentiellement religieuses (85% de la production). On a donc profusion de crucifix, de Christ en croix et d'oeuvres mariales. Des objets liturgiques évoquent l'art de l'église, comme une très belle croix de procession reliquaire, une châsse en émaux de Limoges du 13e siècle, ou encore un triptyque contenant les reliques de Saint Nicolas en cuivre repoussé. Belle idée aussi d'introduire des oeuvres contemporaines à certains moments, comme ce Flux Reliquary signé de l'artiste américain Geoffrey Hendricks, avec soi-disant cheveu d'Hitler et morceau de corde de Judas. Idem dans le cas de John Isaacs, qui drape La Pietà de Michel-Ange toujours en marbre dans The Architecture of Empathy afin d'en faire une oeuvre encore plus universelle. De très belles peintures comme cette Vierge à l'enfant de l'atelier de Rogier van der Weyden, remarquablement restaurée à l'instar de celle du triptyque L'Adoration des Mages de van Dornicke, apprenti de Gossart et beau-père de Peter Coecke van Aelst, superbement mis en lumière d'ailleurs, alliant ferveur et précision. L'expo instaure un dialogue entre objets et oeuvres: une statue de Sainte Catherine martyre décapitée qui tient son épée est ainsi flanquée d'une épée d'époque ou, plus loin dans l'expo, un tranchoir que l'on voit dans Le Repas chez Simon signé d'un anonyme flamand de 1500. La section consacrée à la Renaissance italienne permet d'admirer une Vierge à l'églantine, une autre à l'enfant de Botticelli et, près d'une vitrine de majoliques, un très beau portrait de femme de Zacchia du 16e siècle: preuve d'une tendance désormais affirmée vers les sujets profanes. L'un des points d'orgue de cette collection présentée dans un parcours aux allures de périmètre d'un carré, est un relief écrasé en marbre de Carrare de Donatello intitulé Le festin d'Hérode, et dont la trame quasi cinématographique est, justement, détaillée au travers d'un film. L'occasion d'admirer la diversité des cartels: l'un pour les familles, le deuxième pour un public plus spécialisé (dans le cas de ce marbre, un commentaire de Vasarely sur Donatello) et le troisième d'un avis extérieur, celui d'un botaniste dans le cas du triptyque de la Vierge à l'enfant entouré d'anges musiciens par le maître du feuillage brodé. La section consacrée aux trésors se veut originale: elle met en exergue le travail des artistes artisans de l'époque, qu'il s'agisse de ceux qui travaillaient l'ivoire, le métal, fabriquaient de la monnaie ou "éditaient des livres". Partant de la matière, on découvre les merveilles en ivoire illustrant en diptyque sur la vie de la Vierge et du Christ, la technique de l'émail champlevé (consistant au remplissage de petites alvéoles dans le cuivre avec de la peinture). La section L'intime et le sacré remet à nouveau en exergue des merveilles d'ivoire, notamment un triptyque illustré de Scènes de la Vie du Christ d'un réalisme soufflant des ateliers Embriachi de Venise datant du 15e siècle à côté de petites peintures, d'émaux et d'une vidéo d'Andy Guérif. Celui-ci a réalisé un retable contemporain de sujets animés Maestà, la Passion du Christ, d'après La Maestà, oeuvre polyptyque de Duccio. Vu sa localisation, le musée ne pouvait que consacrer une section à l'art des anciens Pays-Bas, dont le chef-d'oeuvre est sans nul doute le diptyque L'Ascension des élus, ainsi que La Chute des damnés de Dirk Bouts, qui inspira Jérôme Bosch. À son verso, une version médiatique et contemporaine faite d'extraits télévisuels du paradis et l'enfer vu par Marco Brambilla et intitulé Civilization. De monstres et de dragons, il est aussi question dans la dernière salle qui met en exergue l'art allemand de l'époque, notamment avec la pièce centrale: un retable en bois polychrome de Saint Georges originaire du Sud-Tyrol, qui fait face au dragon, qui se déploie sur grand écran dans un extrait de Game of Thrones. Au musée des Beaux-Arts de Lille, le Moyen Âge a récupéré le sien...