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C'est pourquoi l'Agence belge de développement Enabel, au cours des cinq dernières années, a mis en oeuvre de nombreux projets en lien avec la protection sociale en santé entre autres au Sénégal, en Mauritanie, en Guinée, au Burkina Faso, au Burundi, et en RD Congo. Pour l'ensemble des pays partenaires dans lesquels Enabel est active dans la santé, l'accès inégal aux soins et services est un enjeu national. La protection sociale en santé exige des efforts financiers publics considérables, mais ce sont des investissements rentables avec un impact réel sur la santé de la population, qui devient plus productive. En plus, elle a un impact sur la crédibilité d'un gouvernement qui protège ses citoyens et citoyennes, contribuant ainsi au renforcement de la démocratie, de l'équité et de la stabilité sociale. Au Sénégal, le gouvernement a décidé en 2012 de mettre en place une assurance maladie pour l'ensemble de la population. La Coopération belge a offert durant cinq ans un appui technique et stratégique. Il a de la sorte été possible d'instaurer un système d'assurance maladie qui protège jusqu'à 95% les patients contre les dépenses dites "catastrophiques", c'est-à-dire les dépenses de santé qui poussent les individus et des familles entières dans la pauvreté. Quant aux familles en extrême pauvreté, l'État sénégalais subventionne à 100% leur cotisation, leur donnant ainsi exactement les mêmes droits que les familles moins défavorisées. Bien qu'on soit loin d'un système d'assurance maladie globale, couvrant l'ensemble des risques médicaux, 350.000 citoyens et citoyennes sont désormais durablement protégés contre les principales maladies tandis que chaque année, 10.500 personnes ne tombent plus dans l'extrême pauvreté en raison de dépenses liées à la santé. Le Sénégal dispose maintenant d'un modèle robuste pour mettre en place la protection sociale en santé, et essaie de l'introduire graduellement dans d'autres régions du pays. Il est impossible pour un État de créer un système national de protection sociale en santé en cinq ans, raison pour laquelle il faut un engagement politique constant à moyen terme. Le système doit être instauré de façon graduelle et géographique. Le contexte d'un pays détermine en grande partie le potentiel et le fonctionnement de la PSS, liée à l'offre de soins. Pour établir la PSS dans un pays, il faut intervenir, idéalement simultanément, sur la mise en place des mécanismes de PSS, des actions au niveau de l'offre de soins de qualité, et les conditions contextuelles locales qui facilitent la pérennité du système telles que la gouvernance, la participation communautaire et le financement durable du système entier. En Mauritanie, le système de soins de santé est très peu développé et peu décentralisé. Le système est principalement axé sur les soins hospitaliers et néglige les soins primaires. Pourtant, c'est cette dernière qui est proche d'une population pauvre, tant en ville que dans les zones rurales. Les efforts que le gouvernement s'impose pour créer un système de protection sociale en santé à travers une assurance maladie universelle se heurtent à la faiblesse institutionnelle et à l'absence de centres de santé relativement bon marché proches de la population qui en a le plus besoin. Le gouvernement mauritanien fait des efforts pour rattraper cette situation, mais cela demande du temps, des moyens financiers et du personnel qualifié. Aujourd'hui, c'est le Niger qui a pour ambition de déployer la protection sociale en santé sur tout son territoire. Une conférence à ce sujet se tient à Niamey, organisée par la Belgique et Be-cause health, l'OMS, l'OIT et le Ministère de la Santé Nigérienne, et rassemble plus de 300 participantes et participants de plusieurs pays partenaires de la Belgique, pour échanger sur les différentes dimensions politiques et techniques de la PSS et les conditions nécessaires pour la mettre en place. Cet échange entre pairs est crucial pour le bon ancrage du concept dans un pays qui a pour défi notamment son envergure géographique: la population est dispersée sur le territoire et, dans certaines zones, l'accès aux soins reste très compliqué malgré les efforts du gouvernement nigérien. Seul l'État peut assurer la mise en place d'une protection sociale pour l'ensemble de sa population qui réalise l'équité et la solidarité entre toutes et tous. Sans l'engagement de l'État, la PSS est vouée à l'échec. Mais la simple volonté politique ne suffira pas. Le gouvernement nigérien devra mettre en place tout un arsenal juridique et réglementaire encadrant la protection sociale, qui dans le cas contraire est vouée à l'échec. Les efforts financiers qu'il devra réaliser sont également loin d'être acquis pour un pays à faible revenu comme le Niger. Nous estimons que l'État nigérien a le droit d'être pleinement appuyé, financièrement et techniquement, afin d'être en mesure de relever les multiples défis qu'il rencontrera inévitablement dans ses efforts de réforme majeure pour réaliser la justice pour l'ensemble de la population. La communauté internationale se trouve ainsi devant son propre défi.