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En 1988, l'OMS adoptait une résolution visant à éradiquer la poliomyélite dans le monde. L'initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite (Imep) fut lancée la même année, menée entre autres par les gouvernements nationaux, le Rotary international, les centres américains de contrôle et de prévention des maladies, l'OMS et l'Unicef. Le nombre de cas causés par le poliovirus sauvage a dès lors diminué de plus de 99% en trente ans, passant d'environ 350.000 dans plus de 125 pays endémiques en 1988 à 33 cas notifiés en 2018. La polio semble donc sur le point d'être l'une des rares maladies mondialement éradiquées, après la variole en 1980. Les poliovirus sauvages de type 2 (PVS2) et de type 3 (PVS3) ont été déclarés éradiqués respectivement en 2015 et 2019. Quant au poliovirus sauvage de type 1 (PVS1), depuis 2017, il n'est plus endémique qu'en Afghanistan et au Pakistan. En 2020, 56 cas de polio causés par le PVS1 étaient signalés en Afghanistan et 84 au Pakistan. L'année suivante, seuls quatre cas étaient notifiés en Afghanistan et un au Pakistan, probablement en raison notamment de la pandémie de Covid-19 et de la diminution des mouvements de brassage des populations. En 2022, un cas en Afghanistan et quatorze au Pakistan ont jusqu'à présent été détectés. Un cas de polio à PSV1 a d'autre part également été déclaré au Malawi cette année, ainsi que quatre cas quelques mois plus tard au Mozambique, pays voisin. Il s'agissait au Malawi du premier cas de poliovirus sauvage en Afrique depuis plus de cinq ans et au Mozambique des premiers cas dans le pays depuis près de trois décennies. L'analyse de la séquence génomique de la souche détectée au Malawi a montré que celle-ci est apparentée au poliovirus circulant dans la province du Sindh au Pakistan. Deux types de vaccins antipoliomyélitiques existent au niveau mondial: le vaccin oral à virus vivants atténués (VPO) et le vaccin injectable à virus inactivés (VPI). Le VPI présente des effets secondaires sans gravité et a davantage été utilisé dans les pays où la couverture vaccinale est durablement élevée et où le risque d'importation et de transmission du poliovirus sauvage est très faible. Le VPI est notamment le vaccin imposé en Belgique depuis 2001 pour la vaccination obligatoire. Quant au VPO, il est privilégié dans la plupart des régions du monde pour lutter contre la poliomyélite endémique et épidémique. Plus simple à administrer et moins coûteux, il permet également une meilleure immunité intestinale que le VPI, réduisant la transmission du poliovirus sauvage. Il induit d'autre part une vaccination indirecte par la propagation des virus vaccinaux. Les progrès spectaculaires dans l'éradication de la polio permis par l'utilisation de ce VPO ont toutefois été contrebalancés par le fait que le virus atténué peut, dans de très rares cas, évoluer et redevenir pathogène, conduisant à l'émergence de poliovirus dérivés d'une souche vaccinale (PVDV). Selon l'OMS, le VPO est susceptible d'entraîner, dans environ un cas pour trois millions de doses administrées, une paralysie chez l'enfant vacciné ou chez un contact proche. Depuis 2017, le monde connaît plus de cas de polios dus à des PVDV circulants (PVDVc) qu'à des poliovirus sauvages. Pour l'année 2019 par exemple, alors que 176 cas étaient dus au virus sauvage, 378 ont été causés par le virus dérivé du vaccin dans 19 pays dont l'Angola, la République démocratique du Congo, le Pakistan, la République centrafricaine, le Nigeria et le Ghana. L'un des facteurs permettant aux souches vaccinales de redevenir pathogènes est une couverture vaccinale insuffisante. En 1994, le continent américain fut la première région du monde déclarée par l'OMS exempte de polio liée au virus sauvage et, depuis les années 2000, la vaccination contre la polio s'effectue aux États-Unis exclusivement au moyen du VPI. Alors qu'aucun cas de polio à PVDV n'avait plus été détecté dans ce pays depuis 2013, un nouveau cas a été confirmé en juillet dernier chez un homme non vacciné vivant dans le comté de Rockland, pris en charge pour une paralysie flasque aiguë. Le cas précédent de 2013 avait quant à lui été détecté chez un nourrisson sévèrement immunodéficient immigré aux États-Unis depuis l'Inde après y avoir reçu le VPO. Bien que rare, la poliomyélite induite par un PVDVc peut survenir dans les zones à faible couverture vaccinale. Aux États-Unis, le vaccin contre la polio est recommandé pour les enfants par les agences de santé publique et généralement requis pour la fréquentation scolaire. Le comté de Rockland présente toutefois un taux de vaccination contre la polio parmi les plus bas de l'État de New York. Selon le Département de la santé de l'État de New York, 60% seulement des enfants de deux ans du comté de Rockland ont reçu trois doses de vaccin contre la polio. Ce comté avait par ailleurs déjà connu une épidémie de rougeole en 2019. Le PVDVc de type 2 étant à l'origine de la majorité des épidémies de PVDVc, l'OMS travaille depuis 2011 au développement d'un nouveau vaccin antipoliomyélitique oral de type 2, le nVPO2, plus stable que le VPO monovalent de type 2 utilisé pour lutter contre ces flambées. Entre temps, le retrait en 2016 de la souche de type 2 du VPO trivalent, justifié par l'éradication du poliovirus sauvage de type 2 ainsi que par les flambées épidémiques de PVDVc2, et le passage au VPO bivalent dans le cadre de la vaccination systématique ont conduit au déclin de l'immunité contre le poliovirus de type 2, contribuant à la survenue de nouvelles épidémies de PVDVc2. Une autorisation d'utilisation d'urgence du nouveau vaccin a été accordée en novembre 2020 à certains pays afin de lutter contre les épidémies de PVDVc. En 2021, il était déployé notamment au Nigeria, au Libéria, au Congo et au Bénin.