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Un court instant je les imagine, éteignant leur téléviseur après avoir découvert les mêmes reportages que moi, le Chili en feu, les morts de Kharkiv, les suicides sur harcèlement de Lucas et Juliette, l'agression d'une accompagnatrice de train, les tensions internationales... Stop, n'en jetez plus, je veux descendre. Bien sûr, une certaine médecine fait rêver: les paralytiques marchent, des maladies rares se voient traitées, les cancers survivent, et on ne peut que s'en réjouir. Mais ces progrès n'impactent que peu nos pratiques et les motifs de consultation d'une journée. À la lourdeur d'un quotidien morose et de plaintes organiques bien réelles, s'ajoute l'inquiétude individuelle devant les factures, la recherche d'un habitat correct, la santé des enfants et des vieux parents, voire les tracas professionnels et de couple. Comment transformer le passage à la consultation en une rencontre ouvrant des portes, apportant quelques modestes ébauches de solution là où l'horizon apparaît bouché, comment aider le patient à se sentir mieux en nous quittant qu'à son arrivée? Sans pour autant réduire l'activité médicale au simple accompagnement des misères du quotidien, ni négliger le suivi et la prévention des maux du corps, rechercher ce qui fait sens dans une existence, baliser des pistes d'avenir, rassurer là où c'est possible, rendre confiance en ses capacités de guérir, de séduire, d'éduquer ses enfants, d'accompagner la fin de ses parents est un métier à part entière. On évoquera éventuellement Pascal pour qui "rien n'est plus insupportable à l'homme que d'être dans un plein repos et sans passion" pour une invitation à se remettre en route, envers et contre tout. Cela porte un joli nom en médecine: prendre soin.