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Âgée de dix ans à peine, Caith est issue d'une famille nombreuse - cinq filles - d'un couple de fermiers catholiques dont la mère attend un sixième enfant. Son mari la trompe, boit, joue aux courses. Elle, s'épuise, et laisse aller son ménage. Aussi, quand l'été arrive, le couple, ou ce qu'il en reste, décide d'envoyer leur troisième chez une lointaine cousine et son mari, eux aussi paysans, non loin de la côte: c'est toujours un poids en moins... Eibhlin et Sean qui, semble-t-il, n'ont pas d'enfant, l'accueillent, avec chaleur dans le cas de l'épouse, d'une façon bourrue mais attentive s'agissant de son mari. Là où l'univers familial n'était qu'obscurité, noirceur, bruit et saleté, tout devient soudain lumineux, clair, propre et silencieux aux yeux de Caith. Cette enfant mutique apprend la douceur, la tendresse, la bonté, bénéficie d'une prévenance et d'une attention naturelle qui lui font oublier de faire pipi au lit.... Ce beau film de Colm Bairéad, essentiellement en gaélique, se révèle pudique et dresse un portrait véridique et crédible d'une Irlande rurale, patriarcale (à cause de saint Patrick? ), avare en mots mais pas forcément en sentiments, dans un paysage forcément vert, pétulant, qui chatoie sous un soleil et une lumière étonnamment omniprésents. OEuvre naturaliste, emplie de silences, de gros plans discrets de mains et gestes presque anodins, investie du non-dit d'un lourd secret, le récit de cette modeste épiphanie est tiré du roman "Foster" de Claire Keegan. Elle est portée par l'interprétation formidable, de naturel bien entendu, de la petite Catherine Clinch et son visage réflexif, et de celui radieux de Carrie Crowley (Eibhlin), à l'allure et à la bonté de madone. Rien d'étonnant dans la très catholique Irlande...