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La fillette, du nom de Mila, s'est vu diagnostiquer, à l'âge de trois ans, une céroïde-lipofus-cinose neuronale de type 7 (CLN7), maladie lysosomiale rare. Mila a rencontré ses futurs médecins traitants quand elle avait six ans. Elle présentait alors une début de cécité, une ataxie, des épisodes épileptiques et une régression au niveau de son développement psychomoteur.Mila était porteuse d'une mutation ponctuelle du gène CLN7, mais elle était hétérozygote pour cette mutation, alors que la maladie n'attaque en principe que les porteurs homozygotes. Le séquençage du génome a finalement permis de trouver, dans le gène homologue, une malformation que les tests génétiques classiques n'avaient pas mise en lumière, à savoir une insertion d'un rétrotransposon. Les rétrotransposons peuvent se copier dans l'ARN, pour ensuite se retrouver par rétrotranscription à un autre endroit du génome. Dans le cas présent, le rétrotransposon en question avait provoqué un épissage anormal de l'ARNm.Petite parenthèse. Selon la théorie globale, les gènes sont transcrits en ARN messager (ARNm) pour permettre la synthèse de la protéine. Dans les faits, une étape intermédiaire s'ajoute, au cours de laquelle l'ADN est d'abord transcrit en pré-ARNm. Ce dernier est traité dans le noyau cellulaire pour donner lieu aux différentes variantes d'ARNm. Un seul gène peut ainsi être à la base de plusieurs protéines. Chez la jeune Mila, le rétrotransposon a causé la production d'un ARNm déficient, ce qui revient à empêcher l'expression du gène CLN7.L'équipe de chercheurs a découvert que ce processus déficient pouvait être influencé par un oligonucléotide antisens, un petite segment d'ADN monobrin, utilisé pour moduler l'expression d'un gène par l'interaction avec l'ARNm. La structure de cet oli-gonucléotide est complémentaire de celle de l'ARNm qu'il entend influencer, d'où le terme antisens. Il peut par exemple se lier à l'ARNm, de sorte que la synthèse peptidique correspondante dans les ribosomes soit impossible.Dans le cas de Mila, l'équipe a entrevu une autre application possible, à savoir la conception d'un oligonucléotide antisens capable de masquer le rétrotransposon malfaisant, rendant par là-même impossible son effet indésirable sur l'épissage de l'ARNm. Ils ont pour cela développé une série de molécules candidates, qu'ils ont ensuite testées sur les fibroblastes de la jeune patiente. Après avoir identifié la plus performante d'entre elles, la phase clinique a pu commencé.Après une phase de départ avec des doses en augmentation constante, la petite fille a reçu une dose d'entretien tous les trois mois. Le médicament était administré par voie intrathécale. L'effet spectaculaire du traitement se marquait surtout au niveau des crises d'épilepsie. Mila en avait en moyenne 15 à 30 par jour, d'une durée d'une à 2 minutes. Au cours du traitement, les épisodes n'avaient plus lieu qu'entre 0 et 20 fois par jour, et duraient toujours moins d'une minute. L'effet sur le fonctionnement neurologique et neuropsychologique était variable. Sur une échelle standard, le nombre de dimensions en amélioration était sensiblement le même que le nombre de dimensions en régression. Certaines dimensions restaient quant à elle stables. Au cours de la première année de traitement, aucun effet secondaire grave n'a été constaté.Les conséquences en termes de qualité de vie pour la fillette et ses parents restent incertaines, tout comme le pronostic. Certains commentaires mettent davantage l'accent sur le caractère innovant de cette méthode de travail. C'est la première fois qu'un médicament est élaboré sur mesure pour un patient atteint d'une malformation génétique encore inconnue. Le summum de la pharmacothérapie personnalisée en somme.La traitement de Mila crée donc surtout un précédent. Davantage de patients devraient pouvoir bénéficier à l'avenir d'un traitement rapide et personnalisé à base d'un oligonucléotide antisens. Les auteurs de l'étude attirent toutefois l'attention sur le fait que la mise à disposition d'un tel traitement personnalisé ne sera peut-être pas toujours aussi rapide. Leur oligonucléotide antisens présentait des similitudes de structure avec une autre molécule de la même classe, à savoir le nusinersen. Ce médicament constitue un traitement reconnu de l'amyotrophie spinale (qui a récemment indirectement reçu un coup de projecteur quand les parents de la petite Pia ont lancé une collecte pour tenter une thérapie génique plus fondamentale). Grâce à la similitude entre les deux produits, les médecins traitants de Pia ont pu, avec l'accord de la FDA, avancer le lancement de la production du médicament et des tests de sécurité.