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La loi était particulièrement ambitieuse. Le point de départ était qu'il existe en Belgique "un manque criant de réglementation en matière d'exercice des pratiques non conventionnelles". "De ce fait, n'importe qui peut poser n'importe quelle forme d'acte médical sans aucune garantie pour la population en matière de normes de qualité ou de formation", selon l'exposé des motifs. Un point de départ surprenant, puisqu'en 1999 (et encore aujourd'hui), l'exercice de la médecine au sens large est le monopole légal des médecins. Il n'est donc pas surprenant qu'après 25 ans, la loi Colla n'ait pratiquement pas été mise en oeuvre. Et cela ne semble pas près de changer. Cela a déjà commencé avec l'entrée en vigueur de la loi. Selon l'article 12, les principales dispositions de la loi ne sont entrées en vigueur que "six mois après le premier jour du mois suivant l'entrée en vigueur de la nomination des membres de la commission paritaire". Cette commission est composée pour moitié de membres proposés par les facultés de médecine et pour moitié de praticiens de la médecine non conventionnelle. Il a fallu attendre 2012 pour qu'un AR du 27 mars nomme les membres de cette commission, pour une période de six ans. Ce n'est donc qu'à l'automne 2012 que les principales dispositions de la loi sont entrées en vigueur. La commission paritaire susmentionnée joue un rôle crucial dans la mise en oeuvre de la loi, puisqu'elle doit émettre un avis sur les conditions générales d'exercice des pratiques non conventionnelles. Plus précisément, cet avis porte sur l'assurance professionnelle et la couverture minimale, l'affiliation à un organisme professionnel reconnu, un système d'enregistrement, une réglementation relative à la publication et une liste d'actes non autorisés pour les praticiens non médecins (article 3, §1er, deuxième alinéa de la loi). Il faut dire que cette commission n'a pas perdu de temps, émettant déjà quelques avis en 2012. Ces avis sont contraignants, dans le sens où toute disposition par laquelle le Roi s'en écarte doit être explicitement justifiée. L'AR du 26 mars 2014 a fixé ces conditions générales. Les actes non autorisés pour les non-médecins sont les interventions chirurgicales, l'injection de médicaments et la sédation pharmacologique d'un patient. À l'origine, la loi prévoyait que cet AR devait à nouveau être ratifié par une loi, mais cette disposition (article 4, paragraphe 2) a été supprimée par une loi du 19 mars 2013. Selon l'exposé des motifs, l'intention était que "les dispositions relatives aux pratiques non conventionnelles puissent entrer en vigueur plus rapidement". L 'ambition de la loi était également évidente dans sa définition large des pratiques non conventionnelles: homéopathie, chiropractie, ostéopathie et acupuncture, ainsi que les pratiques pour lesquelles une dite 'chambre' serait établie par le Roi. Cette possibilité n'a toutefois jamais été utilisée et une loi du 10 octobre 2018 l'a même supprimée. En outre, 25 ans plus tard, sur les quatre pratiques non conventionnelles mentionnées, seule la pratique de l'homéopathie a été réglementée par un deuxième AR du 26 mars 2014. Et encore, cela s'est fait d'une manière qui n'est pas du tout conforme à l'intention de la loi, à savoir remédier à un 'manque aigu' de réglementation. L'article 3 de cet AR stipule que toute personne souhaitant être enregistrée comme homéopathe doit être titulaire d'un titre professionnel spécial de médecin ou de dentiste ou d'un titre professionnel de sage-femme, et posséder un diplôme d'homéopathe de l'enseignement universitaire ou supérieur qui atteste d'une formation répondant aux conditions stipulées à l'article 4. Pour pouvoir exercer l'homéopathie, il faut donc être médecin, dentiste ou sage-femme. Selon le rapport au Roi accompagnant cet AR, le critère sous-jacent était que ces professionnels de la loi SSI étaient les seuls à pouvoir prescrire des médicaments. L'article 8 prévoyait une disposition transitoire: l'homéopathie pouvait également être pratiquée par tout autre praticien de la loi SSI - à l'exception des pharmaciens - titulaire d'un diplôme de bachelier d'une durée minimale de trois ans et qui, au moment de l'entrée en vigueur de l'AR, avait suivi ou suivait une formation reconnue en homéopathie. Cette disposition transitoire est donc entre-temps largement révolue.