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Imaginez le tableau: le plus grand musée du monde, qui est un monde en soi, est en effervescence feutrée. La nouvelle directrice du Louvre, issue du département Relations extérieures, dont le sourire d'une infinie gradation cache une ambition et un narcissisme carnassiers, entend dépoussiérer celui de La Joconde et donc procéder à la restauration de cette toile universellement iconique. Ceci au grand dam d'Aurélien, conservateur... conservateur et directeur du département des Peintures auquel le chef-d'oeuvre de Léonard appartient. Et tandis que le vernis qui cachait les couleurs désormais passées de son couple disparaît à son tour, le voici chargé de dénicher le restaurateur qui pourra effectuer cette tâche immense, glorieuse et... ingrate, tant elle est sujette à risques ; ceci histoire de satisfaire au business model de sa "N+1", jargonnant du discours marketing en face to face de jargonautes de boîtes de consulting. Bien qu'il soit question de Mona Lisa, cette fable alerte évoque plutôt "Les Proverbes flamands" de Breughel, tant elle fourmille de personnages typés et donc comiques, qu'il s'agisse du restaurateur italien, sorte de Félicien Rops contemporain constamment lesté de deux maîtresses, du technicien de surface en Barychnikov de l'autonettoyeuse, ou de Claire, compagne évanescente du décidément trop conservateur Aurélien, prototype de la belle Parisienne surfant allégrement sur les modes, les vagues de tendances, sans jamais se départir de sa grâce ni de sa beauté. Très documenté, prenant et drôle mais pas que, ce roman qui, sous son vernis humoristique, évoque le passage du temps, le vieillissement en effet (le chapitre "Lâcher la rampe", lire interview) est le premier de Paul Saint Bris. Lequel signe, avec "L'allègement des vernis", tableau contemporain, une jolie galerie... de portraits.