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Capitale du Salento, à défaut d'être celle des Pouilles (dévolu à sa rivale du nord Bari), Lecce dépasse largement en beauté la ville portuaire de l'Adriatique. Son palais, voulu par Charles-Quint en 1537 et bâti sur des fondations normandes, est un exemple spectaculaire d'architecture militaire (bien avant Vauban) trapézoïdale et se veut le gardien de la vieille ville. Celle-ci est d'ailleurs principalement d'un style espagnol, un baroque Leccese qui évoque quasi les cités hispaniques des Amériques, notamment dans l'apparence des églises (le campanile a son sommet arrondi) : mais la variante de la cité salentine confine quasi au rococo, car sa pierre blonde volcanique, le tuf, se travaille facilement et permet aux architectes et sculpteurs de pratiquer à foison une dentelle de pierre. Le symbole de cette explosion décorative est sans doute la basilique Santa Croce, dont la façade est une sorte de dégoulinade de décoration. L'intérieur, notamment les autels, sont également très ornementés, voire surchargés. Toujours dans la basilique (à gauche du choeur) une des chapelles dédiées à Saint François de Paule (en Calabre) présente un véritable retable de pierre contant la vie du saint. Dans cette cité qui fut d'importance tout au long du Moyen âge, de la Renaissance et jusqu'au 19e (c'est aujourd'hui encore un important centre universitaire), les ordres religieux et les églises ont abondé dont les styles diffèrent parfois : San Mattéo par exemple, est d'un baroque plus romain, proche de Borromini. Autre merveille : la cathédrale, située sur la place du Duomo, qui présente des plafonds à caissons, des vitraux, ce qui étonne en Italie, ainsi qu'une imposante crypte à colonnes qui rappelle un petit Alhambra et dont le carrelage 18e aux allures d'azuléjos vient d'être restaurée. Mais c'est toute la vieille ville qui s'est offert un lifting ses dernières années : ville où les couches d'histoires abondent de manière visible. À côté de l'amphithéâtre romain, place Sant'Oronzo hélas abîmé par la présence d'un bâtiment imposant que l'on croirait mussolinien, des palais renaissants voire dix-huitième peuplent les rues de la vieille cité (parfois s'y accroche une colonne romaine récupérée) que balisent, au rythme des places et placettes, les édifices religieux ; souvent décorés de statues de balcons soutenus par des figures sculptées, certains semblent mangés par l'érosion, résultat de l'effritement de la pierre, ce tuf dont c'est le défaut principal face aux affres du temps. Baptisée la Florence du Sud, Lecce évoque pourtant souvent Rome pour ses placettes inattendues au bout de rues labyrinthiques, rythmées par les maisons nobles et de petits palais sur cours intérieures, et Naples pour ces statues en papier mâché d'époque qui, souvent, provenaient de la cité du Vésuve, autre ville qui fut espagnole, quant il ne s'agissait pas de production locale. Dans une région, les Pouilles, qui ne peut en général rivaliser, au niveau architectural, avec les villes du Nord de l'Italie ou la prestance décatie de Naples, Lecce et son centre offre par sa beauté et son raffinement un magnifique voyage dans le temps... et l'espace. OstuniSymbolique des cités blanches autour du Valle d'Itria, Ostuni apparaît d'abord au regard comme un mirage de lumière blanche dans un ciel serein. Son centre historique, situé au sommet de trois collines aux confins du massif de La Murge auxquelles elle s'accroche, est l'exemple le plus éclatant de ces petites villes des Pouilles, qui semblent plus grecques qu'italienne et pour cause elles furent fondées par des Egéens. Terra, nom du coeur médiéval de la cité, se découvre en déambulant dans le labyrinthe des ruelles qui n'abritent heureusement aucun Minotaure. La seule monstruosité que l'on peut croiser se trouve au Museo de la Civilita Preclassiche della Murgia Méridionale où est exposé le cercueil de Deli, une jeune femme enceinte qui vécut il y a 25.000 ans, et fut découverte dans la grotte de Santa Maria di Agrano, grottes dont la région regorge. Ceglie MessapicaTout aussi perchée sur une hauteur du petit massif de la Murge, cette petite ville, également blanche, doit son qualificatif aux messapiens, affiliés à la Grande Grèce qui peuplèrent cette partie des Pouilles avant l'arrivée des Romains. Grecque d'aspect par son côté immaculé et ses maisons carrées, elle compte cependant nombre de petits palais, une imposante Collegiata à coupole Dell Assunta et le palais ducal, qui trahit par sa brutalité rocailleuse des origines normandes, notamment dans son socle, malgré des ajouts renaissants plus raffinés. Un musée d'archéologie qui rappelle le passé antique de la cité, connaît aussi son versant " contemporain ", puisqu'une aile est consacrée au peintre futuriste Emilio Notte, originaire de la cité. Pas que de la nourriture spirituelle à Ceglie, puisque la ville est réputée pour la qualité de ses restaurants, ses chefs étoilés, et, qui plus est, ses prix des plus abordables. L'un d'eux, du nom de Cibus, allie même mets profanes et sacrés, puisqu'il est situé dans un ancien couvent du 15e siècle. S.Vito dei NormanniDe retour dans la plaine, à une petite vingtaine de kilomètres à peine, S. Vito dei Normanni, autre ville blanche moins pittoresque, au milieu de laquelle trône, sur la place communale, un imposant château lui aussi à l'origine normande (lequel ne se visite pas). A ses côtés, la petite église de Santa Maria della Pieta dite dell'Ospedale, ravissant et minuscule édifice religieux, possède une coupole peinte et trois autels rehaussés de peintures renaissantes. Viaggiareinpuglia.it Au pied du caroubierSitué au pied des collines du Valle d'Itria, au moment où les champs ancestraux d'oliviers commencent doucement à s'incliner, Le carrube (du nom du vénérable caroubier qui trône au centre du domaine) est une antique masseria du 18e siècle, reprise voici cinq ans par le même propriétaire que l'hôtel San Domenico (déjà évoqué dans ce journal) de Fasano, dont il est distant d'une bonne dizaine de kilomètres. Plus éloignée de la mer, la masseria a aussi moins de prétentions, mais présente tout de même le cachet blanc et le bon goût identique qui siéent à son grand frère. 19 chambres et suites, celles-ci disposant d'une petite cour arborée, aux allures d'alcôves, peuplent les étables et espace tous voûtés de cette ancienne propriété agricole, lovée au coeur des champs d'oliviers multicentenaires pour certains, entourés de murs en pierre sèche typiques, égayée par deux piscines à cascade (dont un couloir de nage) arborées notamment de palmiers et de bougainvilliers. Loin de toute assourdissante nationale italienne, un calme olympien règne sur les lieux qui accueillent des cours de yoga, proposent également des balades à vélo, se veut un espace de bien-être qui propose uniquement une cuisine végétarienne. Ce qui se peut se révéler une gageure dans les pays du Nord comme le nôtre, s'avère nettement plus simple dans le grenier potager de l'Italie que constituent les Pouilles. Simplicité et goût sont d'ailleurs les maîtres mots de cette cuisine agrémentée d'un vin puissant de soleil et varié dans cette région (le susumaniello par exemple, cépage antique des Pouilles remis au goût du jour il y a quelques années à peine notamment par la Masseria Li Veli) qui en est le sixième producteur mondial, et dont la production ne fait que s'affiner et se bonifier au fil des années. Le chef Massimo Santoro qui, après avoir parcouru le monde est revenu se poser dans sa région natale, s'est converti à la cuisine végétarienne voici trois ans, et propose un menu unique, mais qui se révèle une sarabande de présentations délicates et onctueuses à base uniquement de produits végétaux, cultivés de manière biologique autour de l'ancienne exploitation agricole. Ce cuisinier du crû confie d'ailleurs qu'au cours de sa jeunesse pugliese, la viande était une rareté tout comme le poisson, tous deux étant réservés pour les repas dominicaux ou de fêtes, dans une région d'Italie, potager de la péninsule certes, mais pourtant pauvre, surtout à l'époque. Le chef propose uniquement le soir un menu de dégustation gastronomique de 5 services sophistiqués et délicieux, basé sur la production du potager et du verger qui entoure la masseria. Côté légumes s'y cultivent tomates, courgettes, aubergines, artichauts, betteraves, et côté fruits, outre ceux du verger, l'on trouve des pêches, figues, poires, raisins bien sûr et... des olives évidemment. À propos des oliviers, la masseria, bien que située sur le territoire de Ostuni, se trouve dans le Baresi et pas le Salento, rattaché à Lecce. Or la maladie qui frappe depuis quelques années ceux des Pouilles est due à une bactérie transportée par un insecte, le cercope des prés, qui ne peut grimper sur l'arbre que si des plantes hautes entourent les oliviers. Ce qui est le cas dans le Sud des Pouilles, alors qu'au Nord jusqu'à Ostuni, le pied des arbres est très régulièrement nettoyé, ce qui protège les arbres et donne cette couleur rouge aux champs, la terre étant ici ferreuse. Le vert des oliviers, le blanc de la lumière et du bâti, et le rouge de la terre. Un tricolore on ne peut plus italien... Trois plages sont à dispositions des hôtes Cala Masciola en face de Borgo, la Nassa, la fonte près de San Domenico, le cinq étoiles du même propriétaire de ce Carrube où Le soleil se couche derrière la colline au-delà de laquelle s'étend le Valle d'Itria. L'hôtel est idéalement situé à cinq kilomètres du centre d'Ostuni, 40 km d'Alberobello (le Durbuy local à visiter uniquement le 5 janvier pour être tranquille) de Locorontondo (moins prisé et plus charmant) du Valle d'Itria et des fameux trullis (ses maisons de schtroumpfs arrondies en pierre sèche complètement disneyisés à Alberobello justement), avec accès à la plage privée du San Domenico l'été à dix kilomètres sur l'Adriatique et 45 minutes seulement de la belle Lecce et le Salento dont Ostuni ne fait pas encore partie.